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Actualités - REPORTAGE

Quinze projets de loi votés au cours de la réunion parlementaire d'hier Municipales : Hoss tire la sonnette d'alarme L'ancien président du conseil estime que le scrutin pourrait aboutir à de graves déséquilibres au niveau de la représentation communautaire (photos)

Des débats calmes ont marqué la réunion parlementaire hier Place de l’Etoile au cours de laquelle quinze textes de loi ont été votés sur un total de 21 figurant à l’ordre du jour. Même l’enfant terrible de la Chambre, Najah Wakim, a usé d’un ton modéré, ne formulant contre le gouvernement que quelques critiques de routine, alors que l’on s’attendait à un tollé contre les suggestions d’amendement du projet de loi sur les élections municipales présentées inopinément mardi par le gouvernement. Durant la séance qui a duré deux heures et demie, les députés n’ont pas abordé ce point. En revanche, ceux qui sortaient de l’hémicycle pour se dégourdir les jambes ou fumer une cigarette ne parlaient que de cela et se perdaient en conjectures sur la finalité de l’initiative gouvernementale dont l’importance a été minimisée par le ministre de l’Intérieur, M. Michel Murr (VOIR PAR AILLEURS). Un point revenait sans cesse dans leurs échanges: la possibilité qu’on ajourne encore une fois les municipales pour diverses considérations qu’ils n’ont pas été en mesure d’expliquer. Les quelques députés qui ont abordé la question des élections dans leurs interventions, avant l’examen de l’ordre du jour, ne l’ont fait qu’en termes généraux, insistant essentiellement sur la nécessité d’organiser le scrutin dans les délais en raison de son importance pour la dynamisation de la vie politique. Se démarquant toutefois de ses collègues, le président Sélim Hoss a soulevé le problème sous un angle différent mettant en garde contre un éventuel déséquilibre au niveau de la représentativité communautaire au sein des conseils municipaux, notamment à Beyrouth, en raison «de susceptibilités confessionnelles et sectaires». Il devait notamment proposer l’organisation du scrutin sur base de circonscriptions réduites dans les villes ou les villages où diverses communautés cohabitent.
La séance s’ouvre à 10h35 et les parlementaires observent une minute de silence en mémoire de l’ancien député Mohamed Abbas Yaghi. M. Hoss est le premier à prendre la parole et le seul pratiquement que le chef du Législatif, M. Nabih Berry, n’interrompera pas lorsqu’il dépassera les 3 minutes imparties aux parlementaires.

M. Hoss déclare: «Partant de notre sens des responsabilités, nous nous trouvons dans l’obligation de nous arrêter sur le principe suivant lequel les municipales ne se dérouleront pas sur une base confessionnelle. Contrairement à la loi sur les élections législatives, la loi sur les municipales ne prévoit aucune répartition des sièges municipaux sur une base confessionnelle. Mais nous ne pouvons que poser la question suivante: sommes-nous prêts pour une pareille expérience alors que nous savons tous que les susceptibilités communautaires et sectaires sont vives et sont même plus fortes que jamais parmi de larges tranches de la population?»

«La politique de
l’autruche»

Et de poursuivre: «Nous sommes peinés d’avoir à soulever un tel sujet, mais ce serait pire de pratiquer la politique de l’autruche et de feindre de l’ignorer». Il met ensuite l’accent sur le problème que des élections effectuées sur des bases confessionnelles poseraient dans les grandes villes «qui se caractérisent par une diversité démographique, comme Beyrouth». «Que se passera-t-il, s’interroge-t-il, si, dans ces secteurs, chacune des composantes (communautaire) du peuple élit les candidats qui lui appartiennent? Comment se présentera dans ce cas le tableau de la représentativité communautaire et sectaire? Qu’adviendra-t-il de l’entente et de l’unité nationale si les résultats des élections montrent qu’une partie de la population est plus représentée qu’une autre? Nous pensons d’ores et déjà que tout déséquilibre au niveau de la répartition confessionnelle (des sièges municipaux) qui sera provoqué par les élections sera la cause d’une division nationale qu’il ne sera pas facile de régler».

Ses propos laissent entendre qu’il n’est pas entièrement opposé au principe de la nomination d’une partie des conseils municipaux dans les métropoles, mais qu’il préfère une autre formule de solution: «On pourrait prétendre que la solution réside dans la nomination et non dans l’élection d’un nombre déterminé de membres d’un conseil municipal, comme c’est le cas à Beyrouth. Cette formule aurait l’avantage d’atténuer la catastrophe au cas où le scrutin serait à l’origine d’un important déséquilibre national, mais ne constitue pas un remède efficace dans la mesure où elle n’empêchera pas les dégâts que provoquera l’annonce de résultats déséquilibrés». L’ancien président du Conseil estime que l’établissement de listes de coalition ne constitue pas non plus une solution dans la mesure où «il n’est pas certain que les électeurs se conformeront à l’appel lancé» pour l’élection de tous les membres d’une même liste.

Après avoir insisté une nouvelle fois sur la gravité du problème qui se pose, le président Hoss préconise «soit le recours à des circonscriptions électorales réduites au sein d’une même ville ou d’un même village, soit une répartition des sièges municipaux entre les différentes communautés qui composent une agglomération», tout en soulignant que c’est à contrecœur qu’il propose le deuxième choix.

«Nous exhortons le gouvernement à s’attaquer courageusement à ce sujet et à nous proposer les solutions possibles le plus vite, d’autant que les municipales doivent se dérouler dans un proche avenir» (le 1er et le 8 juin).

Lahoud: «L’avenir
du système»

M. Nassib Lahoud axe également son intervention sur les municipales et insiste sur l’importance de l’échéance électorale de juin. «Je n’exagère pas si je dis que ce que nous préparons aujourd’hui est d’une importance capitale pour l’avenir du système» (politique), déclare-t-il mettant en garde contre tout report, et soulignant qu’une telle éventualité est envisagée. «Nous redoutons un ajournement et les indices à ce sujet sont très nombreux, mais en reportant le scrutin, nous ajournerons aussi une occasion en or pour réconcilier le peuple avec l’Etat, le système avec la démocratie et pour amener ceux qui boycottent (le régime) à participer» à la vie politique.

Pour le député du Metn, «toute échéance démocratique défigurée et tout scrutin reporté s’assimilent à une atteinte aux droits des citoyens et à une spoliation de leur volonté». Il poursuit en affirmant que «les municipalités appartiennent au peuple et qu’il est temps que les fonds consacrés aux municipalités soient restitués à leurs propriétaires». «Un Etat juste et sage n’a pas peur des municipalités», note-t-il. Et de conclure: «Qu’on discute toutes sortes de propositions d’amendement (du projet de loi), qu’on rejette les suggestions qui seront jugées inopportunes et qu’on retienne d’autres. Mais nous ne devons en aucun cas reporter les élections».

Wakim: «L’opposition»

Ce sont les deux seules interventions qui portent sur les municipales. Les quatorze autres députés qui ont pris la parole abordent des sujets divers. On s’attendait à ce que des sujets délicats et litigieux tels que les écoutes téléphoniques ou les interventions politiques dans les affaires de l’Université libanaise soient évoqués. Il n’en est rien.
Najah Wakim dénonce la politique fiscale du gouvernement, estimant que le déficit budgétaire s’est élevé au cours des derniers mois à 51% alors que l’Exécutif l’avait estimé à 37% durant le débat budgétaire de janvier. Il s’élève contre le relèvement des tarifs de l’électricité et de diverses taxes «sans qu’on ne l’annonce à la population». Selon lui, au lieu de s’attaquer aux causes de la crise sociale, «le gouvernement a recours à l’oppression en interdisant les manifestations et en s’ingérant dans les affaires des syndicats pour les affaiblir».

Après s’être prononcé pour une représentation authentique du peuple au sein des conseils municipaux, le député de Beyrouth accuse le gouvernement d’«attiser les susceptibilités confessionnelles», et fait allusion au discours incendiaire que le chef du Mouvement d’unification islamique, cheikh Saïd Chaabane, avait prononcé dimanche.

MM. Ali el-Khalil, Talal Merhébi et Ammar Moussaoui se félicitent de la recommandation adoptée par le conseil ministériel de la Ligue arabe visant à geler toute normalisation avec Israël. M. Ali el-Khalil, tout comme M. Khaled Daher, réclame par ailleurs une augmentation des salaires des fonctionnaires du secteur public dans une proportion de 20%, à l’instar de celle qui avait été accordée au secteur privé.

M. Ibrahim Bayan, qui soulève régulièrement durant les réunions de la Chambre des problèmes à caractère pédagogique, déplore, ainsi que MM. Marwan Farès et Hussein Hajj Hassan, les «interventions politiques dans les affaires de l’UL», ainsi que «les atermoiements dans le développement de l’université nationale». Puis, à la surprise générale, il demande à ses collègues s’ils ont eu l’occasion de suivre la série satirique «el-Akhbar», diffusée sur Télé-Liban. Le but de sa question? Dénoncer «l’immoralité de certains épisodes», celle-ci ayant «dépassé toute limite», selon lui. «Mais c’est de la publicité», répliquent plusieurs parlementaires.

Après M. Wajih Baarini dont le ton monocorde rendait encore plus pénible une séance plutôt morne, M. George Kassarji réussit à conférer un peu de vie au débat. Il appelle la population à s’abstenir de payer les factures de téléphone et d’électricité. Au même instant, la sonnerie d’un téléphone portable résonne, longuement. «Attention à l’écoute», plaisante un député. Après avoir marqué une pause de quelques instants, M. Berry se contente de rappeler que «le cellulaire est interdit dans l’hémicycle», alors que, d’habitude, il réprimande presque les députés qui reçoivent des appels durant les réunions. Un coup d’œil en direction de la personne prise en faute et tout le monde comprend: c’est le téléphone de la fille du président de l’Assemblée, Farah Berry, installée près des journalistes, qui sonne.

L’exploitation du
réseau cellulaire

Poursuivant sur sa lancée, le député de Zahlé soulève le problème du dépotoir de Hoch el-Omara, et menace, au cas où il ne serait pas réglé, de jeter les ordures «devant les portes des institutions publiques».

S’il ne réagit pas à l’intervention de M. Kassarji, M. Berry approuvera son collègue Hussein Hajj Hassan, lorsqu’il déplore le projet de relèvement du tarif de l’abonnement aux lignes cellulaires, M. Hajj Hassan rappelle que l’Etat peut très bien exploiter ce service «dont les bénéfices peuvent servir à couvrir la totalité des charges qu’occasionnera l’adoption d’une nouvelle échelle des salaires dans le secteur public. Ou du moins une bonne partie»... Berry: «C’est la première idée qui est correcte, croyez-moi». Aucune réaction de la part du chef du gouvernement, M. Rafic Hariri, également ministre des P. et T., ou du ministre d’Etat pour les Affaires financières, M. Fouad Siniora.
M. Hajj Hassan ainsi que M. Zaher Khatib font remarquer que l’Exécutif s’abstient de répondre à de nombreuses questions qui lui sont adressées par les parlementaires et menacent de réclamer la tenue d’une séance d’interpellations. «Qu’un député me présente une demande en ce sens et je convoquerai une telle séance», réplique M. Berry.

Les remous provoqués par la décision du gouvernement de rendre facultatif l’enseignement religieux dans les écoles publiques ayant atteint le Parlement, des parlementaires, notamment MM. Khaled Daher, Saleh el-Kheir et Ammar Moussaoui, soulèvent la question et insistent pour que cette matière soit «obligatoirement enseignée du moins dans les écoles publiques». M. Berry affirme qu’il partage leur avis.
L’intervention de M. Chaker Abou Sleiman est particulièrement courte: le député du Metn annonce que le ministre des Finances n’a toujours pas officiellement informé les responsables de son département de la proposition de la loi adoptée en janvier dernier et exemptant les contribuables des amendes qui se sont accumulées au fil des années, au cas où ils payeraient les taxes municipales avant le 30 juin prochain. Berry, ironique: «Ne vous en faites pas. Il les informera le 29 juin».

Harb: «La population
est fichée»

Quant aux propos de M. Boutros Harb, ils provoquent des remous dans l’hémicycle et surprennent le chef du gouvernement. M. Harb déclare que les formalités entreprises par les Libanais (création de sociétés, conclusion de transactions...) «sont regroupées dans des fiches qui sont ensuite mises à la disposition d’une société privée». Hariri surpris: «Nous ne sommes au courant de rien. De quelle société s’agit-il?» Harb: «Je m’attendais à ce genre de réponse» puis il demande l’ouverture d’une enquête «parce que nous ne sommes pas dans un Etat policier».
Tout de suite après, une dizaine de projets de loi sont votés en l’espace de quelques minutes. D’autres suscitent quelques débats, notamment le projet de loi prévoyant des sanctions sévères à l’encontre des personnes qui volent le courant électrique ou qui portent atteinte aux réseaux hydrauliques et téléphoniques. De nombreux parlementaires crient à l’injustice. Le ministre Elie Hobeika admet que l’EDL ne possède pas suffisamment de compteurs mais précise qu’il suffit que les personnes qui sont obligées de se brancher directement sur les câbles électriques de l’Etat présentent des demandes de compteurs à cet office pour être considérées comme étant en règle. Le texte est voté sous une forme légèrement amendé: le délai fixé aux Libanais pour régulariser leur situation est porté à 6 mois au lieu de trois.
Le projet de loi relatif à l’organisation de la profession de pharmacien suscite aussi un long débat autour de la distance qui doit séparer une pharmacie d’une autre mais il est voté sans amendement. Pour la première fois depuis des années, M. Siniora est acclamé. Il est intervenu pour réclamer l’abolition de la distance imposée par la loi — 300m — en arguant du principe de la liberté. Il est longuement applaudi. «C’est bien la première fois qu’il se tient du côté du peuple», plaisantent les députés.
Les parlementaires s’attardent aussi sur la proposition d’amendement de la loi relative au conseil disciplinaire devant lequel les fonctionnaires du secteur public sont déférés et au délai fixé pour la présentation des recours devant le Conseil d’Etat. Les propositions d’amendements fusent, puis M. Abou Sleiman tranche le débat en soulignant qu’il s’agit d’une loi d’exception qui s’applique à un cas particulier et qui ne peut pas être généralisée à d’autres secteurs.
La Chambre reporte de 24 heures l’étude d’une proposition de loi revêtue du caractère de double urgence et relative à la titularisation de 33 enseignants qui ont réussi deux concours. Mme Bahia Hariri, présidente de la commission parlementaire de l’Education, présente une proposition d’amendement, qui entraîne un débat au terme duquel M. Berry décide, à la demande du député Harb, de renvoyer le texte en commissions. Mme Hariri voulait que d’autres enseignants qui avaient réussi le concours mais qui n’avaient obtenu la nationalité libanaise que récemment puissent être également titularisés. Le chef du Législatif demande à M. Abou Sleiman de convoquer la commission de l’Administration et de la Justice à une réunion qui se tiendra ce matin à 9h pour plancher sur le texte avant qu’il ne soit soumis le même jour à la Chambre. Une autre proposition de loi présentée par le député Abdo Bejjani et relative à l’âge de retraite de certaines catégories de fonctionnaires est également renvoyée pour étude en commissions.
Le chef du gouvernement s’apprête à sortir lorsque M. Berry annonce que l’examen du projet d’amendement de la loi sur les municipales va commencer. M. Hariri lève les mains dans un geste qui marque la surprise et des députés protestent. Il est 14h. Le chef du Législatif lève la séance.

Tilda ABOU RIZK
Des débats calmes ont marqué la réunion parlementaire hier Place de l’Etoile au cours de laquelle quinze textes de loi ont été votés sur un total de 21 figurant à l’ordre du jour. Même l’enfant terrible de la Chambre, Najah Wakim, a usé d’un ton modéré, ne formulant contre le gouvernement que quelques critiques de routine, alors que l’on s’attendait à un tollé...