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Renée El-Khazen : recréer l'Eden malgré l'horreur-Beton (photos)

Le paysagiste est une «espèce» peu demandée sous nos cieux. Mais en ces temps d’urbanisme sauvage où l’on doit profiter du moindre coin de verdure, il a de l’avenir. Renée el-Khazen appartient à ce corps de métier depuis une bonne trentaine d’années. Elle conçoit des volumes verts privés ou publics. Ses créations enveloppent le béton de cette bulle de chlorophylle qui le rend respirable, si l’on peut dire.
La maison de Renée el-Khazen à Jounieh est plantée au milieu d’un jardin splendide. Plantes exotiques ou locales s’y côtoient dans une apaisante harmonie.
Renée el-Khazen a gardé de la Colombie, son pays natal, l’amour des grands espaces. Une fois installée au Liban, comme par défi à l’exiguïté du pays, elle choisit d’être paysagiste. «Le paysagisme n’est pas du jardinage. C’est une composition qui corrige et complète l’architecture. En fait, elle utilise toutes les connaissances de l’architecture, avec en plus un matériau extraordinaire: le vert. J’ai donc suivi des cours d’architecture, que j’ai complétés par des connaissances en agriculture», indique Renée el-Khazen.
Mais toute la technique qu’on peut acquérir ne vaut que peu de chose si l’on n’est pas à la fois créatif et pratique. «L’art est éphémère. C’est encore plus vrai dans le cas d’un paysage. On a à peine terminé de mettre en place un espace vert qu’il a déjà changé, évolué». Alors, il faut travailler sur une structure qui soit polyvalente. «Au cas où un élément se casse ou s’abîme, ce qui est plutôt prévisible dans un espace exposé aux intempéries, la configuration de l’ensemble ne doit pas s’en ressentir...».
Des architectes-paysagistes, il n’y en a pas énormément au Liban et à l’heure actuelle, aucune université locale ne dispense de formation spécifique. «Pourtant, le jardin devrait constituer un élément important dans l’architecture et dans la vie libanaise, si l’on considère que le climat nous permet de vivre neuf mois «dehors», souligne Renée el-Khazen.

Dimensions

Un paysage, ce n’est pas qu’un grand espace avec jardin et piscine. Cela peut tout aussi bien être une véranda ou un balcon. «Les petits espaces sont généralement les plus difficiles à mettre en valeur», fait-elle remarquer.
La vigne, l’olivier et le blé sont les cultures traditionnelles de la Méditerranée. Mais Renée el-Khazen ne s’en contente évidemment pas: le cyprès — son arbre favori — mêle son élégance à tout genre de végétation, «toute fantaisie est bonne dans la conception d’un espace vert. A l’instar du poète, l’architecte et le paysagiste doivent être à l’avant-garde».

Renée el-Khazen vit pour et par ses jardins. Plus qu’un métier, c’est une passion... son oxygène à elle.

«Ce qui est fabuleux dans ce métier, c’est qu’il n’y a aucune routine, aucun détail qui se répète. Chaque projet est une création à part entière. Aucun espace ne ressemble à un autre, dit-elle. En fait, mon job est aussi varié que celui d’un architecte mais j’ai une palette de matériau plus large, plus belle. Je travaille sur une matière qui vit, qui respire, qui évolue».

Plantes, fleurs, arbres, tout ce qui est vert entre dans les compositions de Renée el-Khazen. «Pour éviter que les fleurs ne se retrouvent au pied des arbres, il faut leur prévoir un espace bien à elles dans lequel elles bénéficient d’un microclimat qui les protège». Les minéraux sont aussi de la partie. «Dans un immeuble où l’entrée est étriquée et sombre, pas de plantes vertes qu’il faudrait changer tous les mois, ni de bac à sable-dépotoir; il suffit d’utiliser des matières comme le verre et l’eau pour obtenir un effet de transparence, de pureté». Et permettre à l’espace de se dégager.
Renée el-Khazen fait remarquer que le problème, c’est le plus souvent «un manque de savoir-faire. Il n’y a pas de mauvais goût notoire chez les Libanais». La réussite d’un jardin, c’est le résultat d’une bonne coopération entre le client et elle. «Il faut entre six et huit mois pour établir des plans. Tout doit y être prévu, aussi bien l’aspect esthétique que le système de drainage et d’arrosage, l’éclairage, les couleurs d’accompagnement».
Sur le plan matériel, Renée el-Khazen reconnaît qu’un projet est souvent coûteux, car les produits de base, importés ou même locaux, ne sont pas bon marché. Il faut de plus faire face à un obstacle de taille, les lois municipales. Elles empêchent d’entreprendre, alors que les municipalités elles-mêmes dans la plupart des cas ne se foulent pas la rate pour ce qui est d’améliorer l’environnement. «Les interdictions, dit-elle, sont absurdes. Les lois devraient être mises à jour, notamment toutes celles qui concernent le reboisement. Chaque arbre arraché doit être remplacé, c’est le minimum qu’on devrait faire...».

Justement, ses jardins, Renée el-Khazen souhaite les voir s’intégrer dans ce paysage global qu’est notre environnement. «Le drame, c’est qu’on déboise légalement, s’insurge-t-elle. On ignore peut-être qu’il n’y a que l’espace libre, verdoyant, qui apaise, oxygène les poumons, le regard et l’humeur. La laideur d’un environnement bétonné est un facteur de violence...».
Mais cela est un autre sujet...

Aline GEMAYEL
Le paysagiste est une «espèce» peu demandée sous nos cieux. Mais en ces temps d’urbanisme sauvage où l’on doit profiter du moindre coin de verdure, il a de l’avenir. Renée el-Khazen appartient à ce corps de métier depuis une bonne trentaine d’années. Elle conçoit des volumes verts privés ou publics. Ses créations enveloppent le béton de cette bulle de chlorophylle...