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Actualités - INTERVIEWS

Oscar de la meilleure musique dramatique Gabriel Yared : je n'occulte pas mon pays d'origine (photo)

«Je sers la musique et la musique me le rend bien». C’est ce qu’a déclaré à «L’Orient Le-Jour» Gabriel Yared rentré en France trois jours après son «oscarisation». Relancé chez lui en Bretagne, il a répondu avec beaucoup de sincérité à quelques questions.
Q— Ressentez-vous la même émotion qu’en 93 lorsque vous avez obtenu le César pour la musique de «L’Amant»?
R — Non. Cela va toujours crescendo. D’autant que là, il s’agit de la plus grande récompense que l’on puisse recevoir. Le César, les quatre Victoires de la musique, toutes les autres consécrations ne sont en somme que des jalons sur le chemin de l’Oscar. Etant entendu que ce dernier est un aboutissement et non une fin en soi.
Q — En 1985, dans un entretien accordé à «L’Orient Le-Jour», vous affirmiez ne plus vouloir composer de musique de film. Douze ans plus tard, c’est le couronnement suprême dans cette catégorie. Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis?
R — Ce sont les circonstances de la vie. Lorsqu’on est compositeur et que l’on n’a pas envie de faire de la musique classique, on se dirige vers la musique de film. Mais j’ai aussi travaillé pour la chanson et la publicité. J’ai écrit la musique de quatre ballets dont un pour Roland Petit. Lorsque j’ai dit que je comptais arrêter, je cherchais à échapper à la monotonie, étant en permanence en quête de renouveau. Et les choses ont évolué. De toute façon, je compose tous les jours, sans attendre une commande. C’est en quelque sorte mon jardin secret. J’aimerai maintenant travailler pour des chorégraphies de ballet et pour des spectacles.
Q — Les Libanais sont très heureux, très fiers de vous, mais néanmoins un peu déçus que vous n’ayez pas mentionné votre pays d’origine quelque part dans vos propos. Le Liban serait-il déjà trop loin de vous? Votre lien avec ce pays n’est-il plus que strictement familial?
R — J’ai quitté le Liban à l’âge de 17 ans, j’en ai 47 aujourd’hui. Je vis donc depuis trente ans en France et j’y travaille. Par conséquent, je peux aussi bien me réclamer de la France. De plus, en trente secondes, je n’avais pas le temps de mentionner quoi que ce soit. Il fallait d’abord que je remercie l’équipe avec laquelle j’ai travaillé et qui m’a permis d’obtenir cette consécration. J’ai d’ailleurs dédié ma victoire à ma femme. Je n’occulte ni mon pays d’origine, ni mon pays d’adoption. Et le patriotisme pour moi ne repose pas sur ce genre de déclarations. Je le porte en moi, dans ma vie, mes attitudes, dans ma musique aux accents méridionaux. Mon amour du Liban est transparent dans ma musique.
Q — On travaille beaucoup en ce moment à la relance du Festival de Baalbeck. Seriez-vous disposé, si on vous le demandait, à venir vous produire en concert?
R — Oui, si tout est parfaitement organisé, qu’on me donne le temps et les moyens nécessaires et qu’on m’assure un orchestre de très haut niveau.
Q — Seriez-vous disponible pour cet été?
R — Cela me semble très difficile en raison de mes engagements. J’ai la musique de deux films à terminer. Mais l’été prochain, oui.
Q — Maintenant que l’enthousiasme de la première heure s’est calmé, comment se présentent les résultats de cette consécration?
R — En termes financiers, mes cachets ont triplé. Ça va influer bien entendu sur la qualité des scénarios, le calibre des réalisateurs avec lesquels je vais pouvoir travailler. En ce qui concerne la facture de mes œuvres, rien ne changera. J’ai toujours composé avec un souci de perfection et une exigence poussés. J’ai déjà fait des partitions qui méritaient un Oscar, comme par exemple la musique de «37° 2 le matin» ou celle de «L’Amant».
Q — Comptez-vous bientôt venir au Liban? Et quels sont vos projets dans l’immédiat?
R — A Los Angeles déjà, j’ai eu deux propositions de films. Je dois aussi terminer, pour la fin avril, la musique des «Ailes de la Colombe», un film inspiré d’un roman d’Henry James. Ensuite j’entame la musique des «Misérables» pour Billy August. Après cela, je me rendrai au Liban où je ne suis pas allé depuis deux ans afin de voir ma famille. Plus tard, j’aimerai partir en tournée de concerts où j’aurai enfin le plaisir d’interpréter les œuvres de ce que j’appelle mon jardin secret.

(Propos recueillis par
Zéna ZALZAL)
«Je sers la musique et la musique me le rend bien». C’est ce qu’a déclaré à «L’Orient Le-Jour» Gabriel Yared rentré en France trois jours après son «oscarisation». Relancé chez lui en Bretagne, il a répondu avec beaucoup de sincérité à quelques questions.Q— Ressentez-vous la même émotion qu’en 93 lorsque vous avez obtenu le César pour la musique de...