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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

Clôture du séminaire sur les partis et forces politiques La valeur de l'engagement et la démobilisation des jeunes au coeur des débats

A l’heure où se confirme la détermination de l’Etat à élaborer une nouvelle loi sur les partis, l’Association libanaise pour la paix civile permanente, en coopération avec la Fondation Konrad Adenauer, a organisé un séminaire sur le renouveau des partis politiques et la tentative d’établir une stratégie pour une renaissance partisane démocratique.
Deux jours durant, des représentants de la plupart des partis et forces politiques, ainsi que des sociologues et des professeurs d’université, ont tenté — sous la direction de l’organisateur M. Antoine Messara — de comprendre la raison du déclin actuel des partis et de trouver un nouveau langage qui pourrait entraîner le renouveau de l’engagement politique. Car, finalement, c’est là que le bât blesse: selon les études effectuées sur le terrain et exposées au cours de ce séminaire, les jeunes — et aussi les moins jeunes — ne croient plus dans la valeur de l’engagement politique, se repliant sur leurs communautés, ou se contentant simplement de rechercher une sorte de bien-être individuel.
Sous la direction du député Zaher el-Khatib — lui-même un éternel militant — qui présidait la séance, un débat animé s’est engagé entre les représentants des différents partis et courants, notamment entre M. Charles Chartouni (ancien responsable au sein des FL dissoutes) et Mohamed Khansa du Hezbollah. De même, les sociologues qui ont travaillé sur la question étaient souvent d’avis différents, certains estimant que les jeunes éprouvent actuellement un véritable dégoût pour la politique et d’autres convaincus que ce dégoût est uniquement dirigé contre la classe actuelle, alors que le problème véritable est dans la société. M. Chartouni a aussi relevé que le discours actuel des partis est totalement dépassé à cause notamment de la chute de l’empire soviétique et, par conséquent, il faut trouver de nouveaux thèmes, en harmonie avec les changements actuels et surtout avec la globalisation de l’économie, et donc de la politique.
Naturellement, cette thèse a provoqué de vives réactions qui ne pouvaient qu’enrichir le débat. En somme, comme l’a voulu M. Messara, les discussions se sont écartées du dogmatisme et de la langue de bois habituelle, dans un souci sincère de trouver des solutions ou, au moins, de nouvelles perspectives.

Dualité entre les
organisations
religieuses et
les partis

Après les séances de vendredi qui ont abordé, entre autres, le problème de la démocratie au sein des partis, la journée de samedi a été consacrée à des thèmes particulièrement délicats, notamment le système d’alliance et de coalition entre les partis, mais surtout la dualité entre les organisations religieuses et communautaires d’une part et les partis politiques d’autre part. La dernière séance, et sans doute la plus intéressante, était consacrée au renouvellement de l’engagement politique chez les jeunes.
C’est sans doute la première fois que le problème de la dualité entre le politique et le religieux est abordé de façon aussi réaliste avec une précision toute scientifique, loin des surenchères habituelles. Le thème général de la séance voulait tenter d’établir des frontières entre les deux. Et M. Daoud Sayegh, aussi bien que MM. Séoud Mawla et Ibrahim Traboulsi, ont cherché à préciser les différences entre les deux. Pour M. Sayegh, il y a certainement des affaires religieuses et communautaires qui ne peuvent être régies que par les organisations religieuses. Il a aussi évoqué le fait que chez les chrétiens, les organisations religieuses sont informelles, alors que chez les mahométans, elles sont régies par la loi. Il a enfin précisé que la confusion entre religieux et politique est une tradition au Liban et elle remonte aux années 20.
Me Traboulsi, lui, a développé un point particulièrement intéressant, évoquant une usurpation mutuelle de la représentativité entre les partis et les organisations religieuses. Il a ainsi précisé que, pendant la guerre, les partis ont volé la représentativité communautaire alors que maintenant, et avec la faillite des partis, ce sont les organisations religieuses qui prennent la représentativité politique.
Une séance a été ensuite consacrée à l’action syndicale, qui est aussi une forme d’engagement, même s’il n’est pas politique.
Mais c’est la dernière séance consacrée à l’engagement politique chez les jeunes qui a permis le plus grand brassage d’idées.

La neutralité ne
résout pas les
problèmes

M. Zaher el-Khatib, qui présidait la séance, a pris la parole en premier pour tenter de démontrer la valeur de l’engagement politique. Pour M. el-Khatib, aussi bien en période de guerre qu’en période de paix, la neutralité a montré qu’elle ne résolvait pas les problèmes, d’autant que les personnes neutres ont été généralement celles qui ont payé le plus lourd tribut à la guerre comme à la paix. C’est pourquoi, à son avis, il est encore préférable, en dépit de la crise actuelle, de s’engager politiquement, «car, a-t-il dit, ce n’est pas en réduisant les grandes questions communes à de petits problèmes individuels, que l’on sortira de la crise actuelle». Selon lui, les petits problèmes individuels — tels que le chômage, la politique économique et éducative du gouvernement, l’occupation par Israël d’une partie du territoire etc. sont en réalité communs et doivent devenir des causes capables de mobiliser les jeunes et de les pousser à l’engagement.
M. Messara a alors fait part aux présents des résultats d’une enquête effectuée auprès de 100 personnes et montrant un véritable dégoût des jeunes envers la politique. Les jeunes interrogés ont toutefois trouvé positive l’expérience du service militaire obligatoire et ont montré un véritable intérêt pour les problèmes écologiques. M. Messara a suggéré l’élaboration de programmes d’éducation civique à tous les niveaux, tout en soulevant le problème du rôle des médias dans la formation des citoyens.
M. Wassef Haraké a stigmatisé la différence entre le langage des politiciens (souvent critique) et leur action (toujours loyaliste). Selon lui, c’est là une des raisons du dégoût des jeunes. Il a aussi stigmatisé l’utilisation des équipes sportives pour des raisons politiques, dans le but de gagner les jeunes et il a suggéré, comme solution, le renouvellement de l’engagement envers la loi, qui protège tout le monde et doit servir de recours ultime.
Mme Marie-Thérèse Kheir Badawi a raconté sa propre expérience avec les jeunes, se désolant de leur désintérêt total par rapport à la chose politique, «car, a-t-elle dit, ils ont le sentiment que tout se joue en dehors du peuple». Pourtant, Mme Kheir Badawi a ajouté qu’au moment du massacre de Cana (en avril 1996), elle a senti chez les jeunes une vague de mobilisation «comme une étincelle éphémère, qu’il aurait sans doute fallu exploiter».

Pas de problème de
mobilisation pour le
Hezbollah

Mme Anna Mansour n’était pas vraiment de cet avis. Pour elle, les jeunes ne demandent qu’à s’engager. Mais le véritable problème est dans la société, qui est loin d’être démocratique. «Nous sommes, a-t-elle déclaré, une société adolescente. C’est pourquoi, nous n’arrivons pas à être crédibles aux yeux des jeunes. Nous devons commencer par leur donner des options et par accepter les différences. Il sera plus facile d’établir un programme clair et convaincant».
M. Charles Chartouni a pris à son tour la parole pour préciser, qu’à ses yeux, l’engagement politique aujourd’hui est dépassé. Les problèmes, selon lui, sont différents, et la globalisation entraîne une réduction de la participation à la vie publique. M. Chartouni a ajouté qu’à ses yeux l’engagement politique traditionnel devient inutile, d’autant qu’aujourd’hui seuls les milliardaires ont accès à la politique.
Naturellement, la plupart des présents n’étaient pas de cet avis. Certains lui ont répondu que les sociétés occidentales auxquelles il se réfère ont de graves problèmes internes, dus justement à l’absence d’engagement politique qui pousse les citoyens à se rabattre sur des groupuscules extrémistes ou sur des organisations religieuses ou raciales. Quant à l’arrivée massive des milliardaires dans l’arène politique, elle n’a eu lieu que parce que cette scène était vide...
Le représentant du Hezbollah, M. Ali Fayad, a déclaré que son parti n’avait aucun problème de mobilisation des jeunes. Ce qui prouve bien que le désintérêt des jeunes ne porte que sur une certaine classe politique. «La cause de la libération continue à provoquer un engagement des jeunes qui, souvent, va jusqu’au sacrifice de la vie».
C’est alors que les deux Allemands, membres de la Fondation Adenauer, ont pris la parole. M. Michel Garla a précisé que, selon lui, dans un an au plus tard, un traité de paix sera signé entre la Syrie et Israël et le Liban devra suivre. Mais il s’est demandé si le pays est prêt à affronter la paix. Il a ajouté que, selon lui, unifier le pays contre un ennemi commun est négatif. Ce qu’il faudrait, c’est trouver des points positifs. «Il est temps, a-t-il dit, que vous viviez pour votre patrie au lieu de mourir pour elle». M. Garla s’est demandé que comptent faire les Libanais des Palestiniens présents sur leur territoire avant de conclure en affirmant que, quoi qu’il arrive, ils doivent rester unis, car selon lui, il y va de notre survie.
Le représentant du Hezbollah lui a répondu en affirmant que si les jeunes meurent, c’est pour que vive la patrie et que l’engagement en faveur de la libération du territoire est une cause noble. Le second Allemand, M. Olaf Kondgen, a pris la parole en dernier pour affirmer que, selon lui, le virus dont est atteint le Liban est guérissable.
Un livre rapportant tous les débats ainsi que les enquêtes menées sur le terrain par les équipes de sociologues sera publié en couronnement de ce séminaire. S’il n’apportera pas vraiment des solutions, il aura le mérite de poser les bonnes questions et de pousser à la réflexion. Il pourra d’ailleurs servir de référence à ceux qui souhaitent vraiment opérer un changement positif dans la vie politique actuelle.

Scarlett HADDAD
A l’heure où se confirme la détermination de l’Etat à élaborer une nouvelle loi sur les partis, l’Association libanaise pour la paix civile permanente, en coopération avec la Fondation Konrad Adenauer, a organisé un séminaire sur le renouveau des partis politiques et la tentative d’établir une stratégie pour une renaissance partisane démocratique.Deux jours durant,...