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Actualités - CHRONOLOGIE

Le Liban, partenaire privilégié de l'Italie au Moyen Orient Prodi souligne l'importance de l'exemple libanais pour la stabilité en Méditerranée (photo)

Considérée comme l’un des principaux porte-étendards d’une stratégie méditerranéenne spécifique, l’Italie a effectué une véritable offensive de charme politico-économique en direction du Liban à l’occasion de la visite éclair du premier Italien Romano Prodi, hier, à Beyrouth.
Arrivés peu après 11 heures à l’AIB, venant de Damas, M. Prodi et l’importante délégation qui l’accompagnait ont tenté de tirer profit au maximum de leur neuf heures de présence au Liban afin d’évoquer — au pas de charge — avec les dirigeants et les pôles d’influence libanais les deux volets politique et économique des rapports libano-italiens (VOIR L’ENSEMBLE DE NOS INFORMATIONS EN PAGE 4).
Avant son départ, vers 20h30, M. Prodi a tenu au palais gouvernemental de Sanayeh, en présence de M. Rafic Hariri, une conférence de presse au cours de laquelle il a notamment réaffirmé que la politique étrangère de son pays s’articule autour de deux axes principaux, le Moyen-Orient (dont, notamment, le bassin méditerranéen) et l’Europe de l’Est.
Premier partenaire économique du Liban, l’Italie paraît réserver une place de choix à Beyrouth dans le cadre de la politique méditerranéenne qu’elle prône d’une manière soutenue depuis plusieurs années. C’est ce qui ressort des entretiens qu’un groupe d’hommes d’affaires et de chefs d’entreprises italiens a eus hier avec les responsables des organismes économiques locaux, au siège de la Chambre de commerce et d’industrie.
Les grandes sociétés italiennes sont, certes, intéressées à participer à de grands projets susceptibles d’être exécutés suivant l’option BOT. Mais plus important encore est la volonté manifestée par les industries italiennes de s’implanter au Liban dans le cadre d’une politique de «délocalisation» qui leur faciliterait l’accès aux marchés régionaux et qui aurait pour avantage, par la même occasion, de créer des emplois dans le pays. Si les Italiens misent ainsi sur Beyrouth pour stimuler leur stratégie de délocalisation, c’est parce qu’ils considèrent, semble-t-il, que les Libanais ont d’importants atouts leur permettant de conquérir des marchés moyen-orientaux. Le «caractère méditerranéen» qui constitue un dénominateur commun entre Italiens et Libanais pourrait servir, le cas échéant, de catalyseur pour développer la coopération bilatérale dans ce domaine.
Dans le contexte de ce renforcement des relations politico-économiques entre les deux pays, le Liban fonde beaucoup d’espoir sur un soutien de Rome dans les pourparlers qu’il a engagés en vue de contrétiser l’accord de partenariat avec l’Union européenne. Certains obstacles subsistent sur ce plan, notamment pour ce qui a trait au problème de la levée des barrières douanières que devrait impliquer le projet de partenariat euro-méditerranéen. Le Liban souhaite obtenir sur ce plan un délai de grâce de cinq ans avant que ne débute la période de douze ans au cours de laquelle les barrières douanières devraient être levées progressivement (suivant la situation de chaque secteur industriel ou agricole).
Cette question précise a été discutée lors des entretiens officiels que M. Hariri a eus hier avec son homologue italien. Lié sans doute par une stratégie globale définie à ce propos par l’Union européenne, M. Prodi n’a pu s’engager, selon certaines sources, à appuyer la position du gouvernement libanais concernant ce délai de grâce de cinq ans. Certaines questions en rapport avec l’enveloppe des prêts bonifiés que l’Italie envisage d’accorder au Liban seraient restées, d’autre part, en suspens, Beyrouth estimant — à en croire les mêmes sources — que le volume de ces prêts bonifiés mériterait d’être augmenté.
En tout état de cause, lors de la conférence de presse qu’il a tenue hier soir avec M. Prodi, le premier ministre a indiqué que deux accords bilatéraux sont actuellement en gestation pour définir les bases de l’aide financière que l’Italie accordera au Liban en vue d’exécuter des projets bien déterminés.
Le premier ministre italien s’est montré relativement plus explicite à ce sujet en soulignant que son pays se tiendra «de plus en plus aux côtés du Liban afin de l’aider dans son entreprise de reconstruction, notamment pour ce qui a trait à l’infrastructure». «Cette visite, a ajouté M. Prodi, nous a fourni l’occasion de jeter les bases de relations solides et avancées entre les deux pays».
M. Hariri devait souligner pour sa part que son gouvernement s’emploie à «renforcer et consolider les relations» bilatérales. «Nous désirons que l’Italie joue un rôle de premier plan pour soutenir notre économie, a précisé le premier ministre. Cet appui devrait se manifester, notamment, par une aide technique et par une coopération entre les hommes d’affaires et les industriels des deux pays, plus particulièrement au niveau des PME».

La politique étrangère
de l’Italie

Soucieux, sans doute, de donner aux relations privilégiées entre Rome et Beyrouth une portée politique et stratégique dépassant le seul cadre des intérêts économiques, M. Prodi a mis l’accent, au cours de sa conférence de presse, sur le fait que «la politique étrangère italienne s’articule autour de deux axes, à savoir les pays de l’ex-Europe de l’Est communiste (l’Ukraine, la Hongrie, la Yougoslavie, l’Albanie), pour des raisons que nul n’ignore, ainsi que le Moyen-Orient».
«Avec la chute du mur de Berlin, a poursuivi M. Prodi, l’intérêt de l’Europe sur le plan de la politique étrangère s’est manifesté dans plusieurs directions. La politique étrangère de l’Italie est très active afin de rétablir un équilibre sur ce plan car l’Europe se doit d’établir un équilibre dans ses rapports avec le Sud et le Nord, plutôt que d’axer uniquement ses regards vers le Nord. Notre politique dans le bassin méditerranéen constitue l’une des pierres angulaires de notre politique étrangère».

Quel intérêt le Liban présente-t-il dans ce contexte d’option méditerranéenne? M. Prodi apporte à ce propos une réponse quelque peu évasive mais qui pourrait cacher en filigrane le souci de sécurité qui sous-tend les efforts déployés par l’UE afin de favoriser le développement socio-économique (et donc la stabilité) des pays du Sud de la Méditerranée. «Le Liban, a déclaré M. Prodi, illustre une expérience vitale, celle de la coexistence entre les religions et les ethnies diverses. Il représente, de ce fait, un exemple de modération et de coexistence. Il ne saurait y avoir de plan ou de projet pour l’avenir du bassin méditerranéen sans que le Liban ne soit pris en considération. Si le Liban, en tant que symbole, disparaît, c’est l’espoir en la coexistence qui disparaîtrait avec lui».

Abordant, en outre, des sujets d’actualité en rapport avec la conjoncture présente au Proche-Orient, le chef du gouvernement italien a condamné la construction d’un nouveau quartier juif à Jérusalem-Est, affirmant qu’il s’agissait là de «la pire décision« qu’Israël pouvait prendre. «Je ne suis pas très content», a déclaré M. Prodi à ce sujet, soulignant que la politique d’implantation pratiquée par l’Etat hébreu à Jérusalem a «détruit les espoirs» qu’avait suscités la signature, le 15 janvier, de l’accord sur Hébron. «J’ai fait part à M. Netanyahu de ma préoccupation, a déclaré le premier ministre italien. Nous devons faire quelque chose maintenant pour le processus de paix, sinon la paix sera très lointaine».

La recrudescence de la tension au Proche-Orient a été l’un des sujets abordés par la délégation libanaise lors des entretiens officiels avec la partie italienne. M. Hariri aurait notamment pressé le gouvernement italien de redoubler d’efforts dans le cadre de l’UE afin de tenter de relancer les pourparlers bilatéraux entre Israël et la Syrie. L’UE, rappelle-t-on à ce sujet, a entrepris récemment, par le biais de son envoyé spécial au P.-O., M. Miguel Angel Moratinos, de suggérer certaines idées susceptibles de réactiver le processus de paix. Mais comme l’a souligné M. Hariri hier soir en présence de M. Prodi, toute démarche européenne, quelle qu’elle soit, ne saurait être un substitut au rôle prépondérant des Etats-Unis au P.-O. Elle ne pourrait être que «complémentaire». Autant dire que dans le contexte présent, une éventuelle contribution européenne aux efforts de médiation dans la région est essentiellement et hautement symbolique.

M. T.
Michel TOUMA
Considérée comme l’un des principaux porte-étendards d’une stratégie méditerranéenne spécifique, l’Italie a effectué une véritable offensive de charme politico-économique en direction du Liban à l’occasion de la visite éclair du premier Italien Romano Prodi, hier, à Beyrouth.Arrivés peu après 11 heures à l’AIB, venant de Damas, M. Prodi et l’importante...