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Actualités - ANALYSE

La bombe Joumblatt secoue la scène locale

Voici qu’après M. Nabih Berry, M. Walid Joumblatt se dévoue à son tour et joue les Monsieur-Loyal pour relancer le cirque de la scandalite, de la dénonciation fumante mais aussi fumeuse — car elle élude toute précision —, des détournements de fonds publics et autres magouilles juteuses... De la «liberté du silence» qu’il revendiquait naguère, l’imprévisible leader du PSP passe donc à la «liberté de parler» haut et fort, mais dans le vague, pour faire des vagues sans trop se faire d’ennemis. Une prudence qu’il renforce en s’autocritiquant généreusement, se classant lui-même volontiers parmi les «requins de la finance» qu’il dénonce. Une tactique déjà utilisée à plusieurs reprises. Une fois, M. Joumblatt avait avoué qu’étant ministre des Travaux publics il lui était arrivé de toucher 25.000 dollars pour un permis-bidon sur la côte. Plus récemment, quand il s’en prenait au pouvoir entre deux Cabinets, il avait reconnu que «comme d’autres», il fraudait volontiers le fisc, les entreprises qu’il contrôlait disposant de deux livres de compte distincts.
Une pratique un peu trop généralisée, à en croire le chef de l’Etat lui-même qui en Conseil des ministres a révélé détenir des informations sûres... sur le fait que nombre de ministres et de députés ne paient pas leurs impôts, leurs taxes ou leurs quittances. M. Hraoui tenait ces propos dans le cadre du débat consacré à la recherche des moyens à mettre en œuvre pour financer le relèvement de l’échelle des salaires dans la fonction publique. Lui faisant écho, et alors qu’on discutait du relèvement du prix de l’essence, le ministre d’Etat pour les Finances M. Fouad Siniora a souligné que nombre de ministres et de députés ne prennent pas la peine de régler leurs factures d’électricité. On comprend mieux dès lors le cri de cœur de M. Joumblatt: «Tout l’Etat n’est que scandale»... Tout de même, venant d’un ministre et pas de n’importe lequel, cette soudaine nausée surprend beaucoup un diplomate occidental qui se demande «comment peut-on dire qu’il existe un Etat quand on entend les principaux dirigeants dénoncer des scandales de détournement de fonds tandis que des ministres et des députés, qui ne paient pas leur écot au Trésor, prétendent vouloir surtaxer les contribuables afin de combler les trous que leur gabegie, leurs gaspillages provoquent dans les finances publiques».

Etonnement

«Comment, poursuit ce diplomate... scandalisé, peut-on parler d’Etat quand nul ne songe à demander l’application de la loi à ceux qui ne sont pas en règle vis-à-vis du Trésor ni à renforcer les sanctions pour engager la lutte contre la corruption, pourris et corrupteurs confondus. Comment laisse-t-on des gens se placer ostensiblement au-dessus des lois et traiter l’Etat par le mépris... Dans une nation qui se respecte, le pouvoir défend avant tout l’Etat de droit, protège les intérêts et les fonds publics, prévient ou punit avec une extrême sévérité toute tentative d’extorsion. Dans d’autres pays, les révélations du président de la République sur les ministres et députés qui ne paient pas leur dû à la caisse publique auraient suffi pour les obliger tous à démissionner pour être immédiatement déférés en justice. On note, souligne cette personalité étrangère, que le chef de l’Etat libanais réclame une amélioration de la perception fiscale, le délestage de l’excédent de personnel qui encombre certains département, en mettant en garde contre la dilapidation des deniers publics, les demandes répétées par les ministères d’injustifiables avances qui risquent de mener le Trésor à sa perte. Ces observations, ces recommandations présidentielles ne suffisent cependant pas pour redresser la barre chez vous; il faut en effet prendre tout d’abord des mesures préventives, pour mettre un terme une fois pour toutes à toutes ces pratiques douteuses ou légères. Il ne suffit pas non plus, est-il besoin de le souligner, de procéder à une réforme administrative car sans un assainissement en profondeur des mœurs politiques déplorables qui ont cours depuis les Ottomans on n’aura rien fait... La majeure partie des bazars ne pourraient en effet avoir lieu sans la participation ou la couverture des politiciens».
Mais ne peut-on dans ce cadre estimer que le travail d’épuration a quelque chance de commencer à partir de la formation d’une commission parlementaire d’enquête, dirigée par M. Omar Karamé, sur les accusations de couverture de concession lancées naguère contre la troïka par l’un de ses propres membres, M. Nabih Berry?
«Non, répond un opposant de poids. Car comme l’a si justement fait remarquer l’ancien ministre M. Fouad Boutros, en pratique cette commission a très peu de chances d’obtenir de résultats et l’on pourrait s’apercevoir qu’en définitive sa formation aura simplement servi à couvrir encore mieux les scandales... Ce qu’il faut c’est une législation spéciale que la Chambre mettrait en place, comme le demande la «Rencontre nationale» (groupe Husseini-Hoss-Karamé-Lahoud-Beydoun-Harb) donnant une parfaite autonomie à la Justice afin qu’elle agisse motu proprio contre la corruption».
Autrement dit on donnerait à la Justice, pour qu’elle puisse se servir de son glaive même contre les puissants du jour, une véritable indépendance. Un rêve qui, comme tous les rêves, a peu de chances d’être réalisé. Et qui d’ailleurs peut être constitutionnellement critiqué: dans un pays où les magistrats ne sont pas élus, leurs pouvoirs doivent rester forcément subordonnés aux instances qui tirent leur autorité directement ou indirectement de la volonté du peuple, à savoir le Parlement et le gouvernement…

E.K.
Voici qu’après M. Nabih Berry, M. Walid Joumblatt se dévoue à son tour et joue les Monsieur-Loyal pour relancer le cirque de la scandalite, de la dénonciation fumante mais aussi fumeuse — car elle élude toute précision —, des détournements de fonds publics et autres magouilles juteuses... De la «liberté du silence» qu’il revendiquait naguère, l’imprévisible leader...