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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

Séminaire sur les forces politiques au Liban Messarra : l'éthique démocratique, partie intégrante de la légitimité populaire

L’utilité des cercles de réflexion et séminaires qui se multiplient, plus ou moins discrètement, sur divers sujets peut sembler minime par rapport aux besoins de renouveau du pays et à la pesanteur sociologique qu’ils affrontent. Il n’en reste pas moins que c’est dans ces petits laboratoires de pensée que certaines grandes orientations du Liban de demain se dessinent. Un séminaire sur les «Partis et forces politiques au Liban», vus sous l’angle d’une «stratégie pour une renaissance partisane démocratique», s’est tenu hier dans la salle de conférences de l’Ecole hôtelière, à Dékouané, à l’initiative de la Fondation libanaise pour la paix civile permanente, en collaboration avec la Fondation Konrad Adenauer.

Etalé sur deux jours, le séminaire a abordé, hier, le thème de «l’authenticité et du renouveau de la pensée politique et de la vie partisane au Liban». Autant dire qu’il part d’un constat de faillite, ou du moins d’inadéquation aux nouvelles données, de pratiquement l’ensemble des partis libanais, qu’ils soient idéologiques ou communautaires, un échec auquel les années de guerre ont servi de révélateur, et pose modestement des jalons pour l’émergence d’une nouvelle vie politique, plus démocratique, plus adaptée aux données actuelles, mettant en évidence notamment le lien étroit que les citoyens font entre «l’éthique politique et la légitimité populaire».
Aussi modeste qu’il soit, ce séminaire s’est caractérisé par le sérieux et la sincérité des débats qui en ont marqué le premier jour, et a bénéficié de la présence de plusieurs figures de proue parlementaire comme MM. Nassib Lahoud, Khatchig Babikian, Boutros Harb, Zaher Khatib et Nayla Moawad, qui y sont intervenus et/ou ont joué le rôle de modérateurs.
Ont successivement pris la parole, hier, MM. Antoine Messarra, organisateur du séminaire, Olaf Kongden, représentant résident en Jordanie et au Liban de la Fondation Konard Adenauer (la promotion des partis politiques constitue l’un des principaux objectifs de la Fondation Adenauer), Khatchig Babikian, Tony Atallah, Boutros Harb, Michael Gahler, Nassib Lahoud, Georges Nassif, Melhem Chaoul, Chaoukat Echtay et Moustapha Dandachli.
Posant la problématique des partis politiques au Liban, M. Messarra a exposé avec l’objectivité et la clarté qu’on lui connaît le rôle pionnier joué par ces partis au Liban et dans le monde arabe ainsi que leur déclin actuel.
«L’expérience partisane libanaise, a-t-il commencé, est pionnière dans le monde arabe, par la pensée politique que les partis au Liban ont diffusée dans la région et par la participation démocratique à la chose publique que ces partis ont suscitée et polarisée. Les partis au Liban ont diffusé durant plus d’un demi-siècle un discours et des concepts sur la démocratie, les droits de l’homme, le nationalisme, le socialisme, le pluralisme et l’arabité, et cela à l’échelle de tout le monde arabe.
«On aurait tendance aujourd’hui à dénigrer cet héritage sous prétexte que l’expérience partisane libanaise est synonyme de fragmentation, de conflit et de guerre civile. Les guerres déclenchées au Liban de 1975 à 1990 sont plutôt des guerres multinationales, dont une dimension est civile. Quand l’action de l’armée est paralysée par l’effet d’une conjoncture interne défavorable et d’ingérences extérieures, le corps social perd ses mécanismes de défense, comme un organisme atteint du sida. C’est alors que des structures miliciennes d’autodéfense se constituent avec tous les risques de subordination et de patronage extérieur.
«Dans la période d’après-guerre, poursuit M. Messarra, les partis affrontent le problème de leur réhabilitation en tant que forces politiques jouant un rôle positif et efficace en société et dans la vie politique. Le grand défi réside dans le passage de l’Etat milicien à l’exercice démocratique du pouvoir au sein du parti et dans la vie politique.
«Le désengagement politique de plus en plus accentué dans le monde à l’égard des partis, les nouvelles conditions de la citoyenneté et le fait que le corps électoral n’est pas exclusivement influencé par les partis justifient une nouvelle approche du phénomène partisan».
«Les citoyens s’engagent aujourd’hui pour une politique à courte ou moyenne échéance, pour un projet, pour une trajectoire d’actions politiques ponctuelles. Avec le développement de l’éducation et, dans certains pays, le développement de la culture démocratique, l’engagement des citoyens n’est plus entier ni absolu. Il est assorti de réserves. La prudence, vertu suprême du citoyen, s’exerce désormais à l’égard des gouvernants, comme à l’égard de toute instance détentrice d’une part de pouvoir ou qui lutte pour le pouvoir».
«C’est dire que la valorisation de l’engagement et la réconciliation des partis avec leurs bases populaires exigent, non seulement une réadaptation à des données nouvelles, mais aussi une forte crédibilité. D’une façon consciente ou implicite, l’éthique démocratique est désormais partie intégrante de la légitimité populaire».
Dans sa courte intervention, M. Lahoud a mis en relief, pour sa part, les vérités et propositions suivantes: — «Il est urgent, pour les partis, de dépasser l’héritage de la guerre et de repenser leur rôle, non que la guerre soit nécessairement responsable de tous leurs déboires». — «Il existe un vide politique que des courants politiques organisés doivent combler, en produisant une saine sélection des citoyens sur base de la citoyenneté, des droits civils, de la distinction entre intérêt privé et intérêt public, de l’exercice de la liberté de choisir ses gouvernants et de leur demander des comptes, du droit au développement et de la prospérité, en contraste avec les sélections actuelles, basées sur l’appartenance communautaire ou familiale, qui continuent de faire peser sur le pays la menace d’une explosion à chaque crise régionale». — «Les partis démocratiques modernes doivent tenir compte de l’évolution de l’engagement partisan, qui ne peut plus reposer uniquement sur le «permanent du parti». Le pluralisme au sein même du parti doit avoir droit de cité; le parti doit attirer des citoyens d’horizons sociaux et régionaux divers, étroitement engagés sur le plan professionnel, diversement ouverts au travail partisan permanent, et plus particulièrement jeunes». — «Le facteur d’unification des membres du parti doit être non pas idéologique, ou familial, ou traditionnel, mais reposer sur un programme». — «Les facteurs qui peuvent favoriser l’apparition des partis sont les diverses lois électorales, la loi sur les partis, qui doit garantir l’indépendance du parti vis-à-vis de l’autorité politique, dans le respect du pluralisme démocratique et la liberté d’information et de recours à l’arbitrage de l’opinion publique, ce qui ne signifie pas que les partis soient autorisés à posséder leurs propres médias audiovisuels, qui doivent demeurer l’apanage de professionnels de l’information «neutres» au bon sens du terme».

De son côté, dans un brillant exposé, notre confrère d’«An-Nahar» Georges Nassif a énuméré les écueils que les nouveaux partis devront éviter (les constructions idéologiques, le rôle messianique, le recours à l’arbitrage de l’Histoire, l’ambition de l’intégration culturelle, le recours à la violence) et a cité, comme en vis-à-vis, le devoir de ces nouvelles formations politiques (le respect de l’individu, la gestion du pluralisme). Il a déclaré qu’il y aura un certain nombre de questions que ces partis ne pourront esquiver (l’accord de Taëf, les relations avec la Syrie, la position à l’égard de la résistance islamique, de la crise au sein de la communauté chrétienne, du programme économique, de la relation avec Israël et de la présence palestinienne).
L’utilité des cercles de réflexion et séminaires qui se multiplient, plus ou moins discrètement, sur divers sujets peut sembler minime par rapport aux besoins de renouveau du pays et à la pesanteur sociologique qu’ils affrontent. Il n’en reste pas moins que c’est dans ces petits laboratoires de pensée que certaines grandes orientations du Liban de demain se dessinent. Un...