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Actualités - CHRONOLOGIE

Cinq membres de l'armée rouge parmi les 9 personnes arrêtées L'affaire japonaise noyée sous des flots de procédures Les prévenus rencontreront ce matin des diplomates (mais non des enquêteurs) Nippons Beyrouth engage un long processus judiciaire, pour éviter l'extradition (photos)

Après quinze jours d’un lamentable cafouillage officiel, le mystère des «détenus asiatiques» se dissipe. Finalement, et en dépit des dénégations des responsables qui, dans les jours qui ont suivi les arrestations opérées le 14 février dernier, assuraient qu’aucun Japonais n’avait été interpellé, il s’avère que huit des neuf personnes arrêtées sont de nationalité nippone, la neuvième étant la Libanaise Oumayya Abboud. Cinq de ces Japonais sont des membres de l’Armée rouge et ils seront transportés, ce matin, au Palais de justice pour y rencontrer des diplomates de leur pays en poste à Beyrouth.
Même si, officiellement, le procureur général près la Cour de cassation, M. Adnane Addoum, s’est refusé hier à confirmer l’identité des détenus, celle-ci ne fait pratiquement plus de doute. D’autant que la délégation sécuritaire japonaise — qui a rencontré M. Addoum le matin-même — a dévoilé les noms des 5 membres de l’Armée rouge actuellement arrêtés au Liban, après avoir procédé aux vérifications nécessaires avec les autorités nippones. Il s’agit donc du célèbre Kozo Okamoto, aujourd’hui âgé de 49 ans, qui avait participé à l’attentat contre l’aéroport de Tel-Aviv en 1972. (Il avait d’ailleurs été détenu pendant 13 ans en Israël, à la suite de cette opération, avant d’être échangé en 1985 contre des prisonniers israéliens). Les autres membres de l’Armée rouge arrêtés sont Haruo Wako (48 ans), Mariko Yamamoto (56 ans), Masao Adachi (57 ans) et Kazuo Tohira (44 ans). L’identité des trois autres Japonais n’a pas été divulguée, car, pour les autorités japonaises, ils ne sont pas membres de l’Armée rouge et ils ne sont donc pas «intéressants». Une copie des noms a d’ailleurs été remise au ministère des Affaires étrangères par le premier conseiller de l’ambassade du Japon au Liban, M. Hiroshi Okada.
Selon le procureur général, les informations de la délégation japonaise ont été aussitôt transmises aux membres de la police judiciaire (en l’occurrence la Sûreté de l’Etat) en charge de l’instruction préliminaire. Ceux-ci devront interroger les détenus à ce sujet
et les confronter avec les pièces d’identité fournies par la délégation, avant de clôturer leur enquête et de remettre leur rapport aux autorités. M. Addoum a affirmé que l’enquête préliminaire sera clôturée, au plus tard, demain jeudi. A partir de là, le dossier sera transmis au parquet de la Cour d’appel de Beyrouth qui le déférera à son tour au juge d’instruction. Celui-ci mènera sa propre enquête avant de décider si les détenus doivent être jugés — et il lancera dans ce cas des mandats d’arrêt à leur encontre — ou s’il peut prononcer un non-lieu à leur égard.
Bien que l’enquête préliminaire soit en principe secrète, des sources judiciaires informées précisent que de nombreuses charges sont déjà retenues contre les personnes arrêtées. Celles-ci, en effet, sont accusées de détention de passeports falsifiés et de faux visas, mais aussi d’entrée illicite sur le territoire libanais et peut-êre de détention illégale d’armes— ce qui pourrait entraîner leur transfert devant la justice militaire. Si le juge décide donc d’accumuler les charges, les détenus seraient passibles d’au moins trois ans de prison. Selon la loi libanaise, ils doivent d’abord purger leur peine avant que soit examinée l’éventualité de leur extradition vers leur pays d’origine.
Ainsi (et tel est bien sans doute le but recherché) les autorités japonaises ne peuvent espérer que les 5 membres de l’Armée rouge leur soient remis dans un proche avenir. Il faut ajouter à cela le fait qu’il n’existe pas d’accord d’extradition entre le Liban et le Japon et que, dans ce cas, la loi libanaise interdit d’extrader un détenu poursuivi dans son pays pour un crime politique... Même s’il est recherché par Interpol, Les sources précitées affirment que, pour l’instant, Interpol n’a pas informé le Liban de l’existence de mandats d’arrêt internationaux contre ces personnes. «Mais quoi qu’il en soit, ajoutent-elles, celles-ci doivent d’abord être jugées au Liban si le juge d’instruction décide de retenir des charges contre elles».
L’aspect juridique semble donc bien complexe. Après avoir tenté de nier l’existence des détenus japonais, et dans une tardive tentative de réparer ce qui a été considéré par certains responsables comme une bévue, les autorités libanaises veulent désormais laisser la justice suivre son cours, afin de retarder au maximum la présentation par le Japon d’une demande d’extradition. Selon certaines sources judiciaires, les Libanais auraient même essayé de persuader les émissaires japonais que les personnes arrêtées ne faisaient pas partie de l’Armée rouge, mais ces derniers possédaient déjà un dossier complet à ce sujet et il n’aurait pas été possible de les induire plus longtemps en erreur.
Désormais donc, la vérité se précise. Pour satisfaire au moins partiellement les Japonais, le procureur général près la Cour de cassation a donné hier son accord pour que des diplomates accrédités à Beyrouth puissent rencontrer aujourd’hui-même les détenus japonais. Ceux-ci seront transportés au Palais de justice à cet effet; mais M. Addoum a bien précisé qu’il n’était pas question de laisser des agents de la sécurité japonaise et autres experts de la lutte antiterroriste s’entretenir avec les détenus. L’entrevue devrait se limiter à des questions humanitaires, car, selon M. Addoum, la loi autorise un diplomate étranger à rendre visite aux citoyens de son pays emprisonnés au Liban, afin de s’enquérir de leurs conditions de détention. «Il s’agit d’une entrevue humanitaire, sans plus. Et nous n’autoriserons pas les diplomates à poser la moindre question relative à l’enquête ou aux activités présumées des détenus», a affirmé M. Addoum, qui a assuré que ces dispositions étaient prévues par la loi afin d’éviter toute interférence sur le cours d’une enquête.
Installés dans le bureau du procureur général, qui, depuis quelques jours est pratiquement devenu leur QG, les journalistes ont vainement tenté d’obtenir quelques détails. Mais M. Addoum, arguant du secret de l’enquête, n’a rien voulu dire, se contentant de déclarer en réponse à une question, que selon les rapports qui lui sont parvenus, les détenus japonais ne parleraient pas l’arabe. A un journaliste nippon, il a refusé de parler de l’état mental de Kozo Okamoto, affirmant n’avoir pas lui-même rencontré les détenus.
Interrogé sur le retard de l’enquête préliminaire qui se prolonge depuis une quinzaine de jours, M. Addoum a laissé entendre que les vérifications entreprises par les Japonais ont pris beaucoup de temps. Et Oumayya Abboud, acupunctrice de profession (elle a effectué un stage au Japon) son identité était-elle aussi tellement mystérieuse? Arrêtée le 15 février, elle croupit depuis dans une geôle, sans que nul ne puisse préciser la nature du crime qui lui est imputé.
Dans 24 heures au plus tard, les derniers points encore obscurs seront éclaircis, a promis le procureur général. N’aurait-il pas été plus simple de jouer la transparence dès le départ, au lieu de ce ridicule imbroglio?

S. H.
Après quinze jours d’un lamentable cafouillage officiel, le mystère des «détenus asiatiques» se dissipe. Finalement, et en dépit des dénégations des responsables qui, dans les jours qui ont suivi les arrestations opérées le 14 février dernier, assuraient qu’aucun Japonais n’avait été interpellé, il s’avère que huit des neuf personnes arrêtées sont de...