Le démenti de la présidence n’a pas été rendu public mais aurait été adressé aux deux journaux qui en avaient fait état. Selon le quotidien libéral «Yeni Yuzyil» par ailleurs, le président Suleiman Demirel aurait demandé au vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères Tansu Ciller de mettre fin à sa coalition avec M. Necmettin Erbakan «pour que le régime républicain ne tombe pas dans une crise». Les deux journaux populaires «Hurriyet» et «Sabah» avaient annoncé de leur côté que le chef de l’Etat avait enjoint au premier ministre islamiste de cesser toute activité antilaïque, faute de quoi il devrait en supporter les conséquences.
Demirel reçoit Erbakan
«Il existe une conviction générale selon laquelle vous avez dévié de la voie de la république laïque et démocratique et je partage cette conviction», a déclaré M. Demirel dans cette lettre, selon «Hurriyet».
«Si vous insistez, en tant que gouvernement, dans votre attitude actuelle, le régime sera en danger. L’armée, les universités et la rue sont mal à l’aise aujourd’hui. Vous devez éviter les initiatives qui attiseraient ce malaise», a-t-il encore écrit.
Dans la soirée de jeudi, et comme pour démentir les démentis, le président Demirel recevait M. Erbakan mais rien ne transpirait de l’entretien que les deux hommes ont eu à cette occasion. Dans la journée, «Sabah» avait reproduit des propos attribués au premier ministre, lequel affirmait que son parti, le Refah, avait recueilli 21% des voix aux dernières élections, alors que les prolaïcs ne représentaient que 3% de la population. En conclusion, il dénonçait «le fascisme de la laïcité en Turquie».
Et à Ankara, des observateurs s’inquiétaient hier du fait que M. Erbakan et ses amis ne semblent pas entendre tous les avertissements qui leur sont prodigués depuis quelques jours.
De fait, mercredi, Mesut Yilmaz, chef du principal parti d’opposition, la Mère Patrie (Anap, droite), avait appelé les partis laïcs à former «un gouvernement de consensus à base étendue afin d’empêcher un coup d’Etat».
Les leaders de trois centrales syndicales avaient lancé un appel similaire «pour sauvegarder le régime démocratique».
Tout cela survient sur fond de tension entre l’armée, gardienne traditionnelle de la laïcité, et Refah, à qui les militaires reprochent une dérive fondamentaliste.
Aujourd’hui vendredi, le tout-puissant Conseil national de sécurité (MGK), où siègent les hauts responsables civils et militaires, doit se réunir pour discuter des activités fondamentalistes dans le pays.
L’ensemble de la presse s’attend que M. Erbakan passe un mauvais moment lors de cette réunion où il sera seul face aux représentants de la Turquie laïque.
Un des vice-présidents du Refah, Aydin Menderes, a estimé que «l’avenir du gouvernement dépend» de cette réunion, ajoutant que le pays «ne peut rester longtemps dans une situation où, tous les matins, on s’interroge sur la possibilité d’un coup d’Etat».
Sur un autre plan, on apprend de source diplomatique à Ankara que le gouvernement s’apprête à rappeler son ambassadeur à Téhéran et son consul général à Ouroumiyeh «pour consultations». En outre, le consul d’Iran à Erzurum a été déclaré persona non grata après avoir vivement critiqué les responsables de l’armée.
Le rappel des deux diplomates turcs s’inscrit dans le cadre d’une crise diplomatique turco-iranienne créée par les propos favorables à la charia (loi coranique) tenus le mois dernier par l’ambassadeur d’Iran à Ankara Mohammad Reza Bagheri. Les deux hommes ont quitté la Turquie la semaine dernière.
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