Troïka : l'artillerie lourde se repositionne et attaque de nouvelles cibles...

C’est la belle saison des distinctions: les César, les Molière, les Victoires de la musique, les Globes puis les Oscars. Il faudrait — à tout prix... — trouver une récompense spéciale pour la troïka, à la créativité insurpassable en matière de scénarios-catastrophe. Avec beaucoup de zèle, les partenaires de ce cirque s’efforcent de faire en sorte que le public ne soit jamais lassé et dès qu’un sujet de querelle a l’air de rancir, hop, ils en sortent un autre de leur chapeau de magicien de chapiteau.
Mieux même, dès qu’une combinaison de match s’étire on la change. Ainsi, une fois la dispute entre Baabda et Ayn el-Tiné arrivée à son paroxysme, c’est une empoignade entre le chef du Législatif et le chef du gouvernement qui a pris le relais. Dernier épisode, Elyssar et les occupants des sites — suquatters ou pas — qu’elle veut absorber sans bourse délier au titre du plan d’urbanisme, de lotissement et de construction. Une tentative qui a provoqué le courroux de M. Nabih Berry, qui accuse M. Rafic Hariri d’entretenir à dessein le feu de la discorde au sein de l’appareil dirigeant, dans un but d’hégémonie politico-administrative.
Alors même que le président de la Chambre se déchaîne contre l’Exécutif, ses proches répètent qu’il ne le fait qu’à contre-cœur, contraint et forcé dans ses retranchements. Laissant entendre qu’il procède actuellement à un repositionnement de ses batteries de campagne, ces sources affirment aujourd’hui que «M. Berry ne voulait pas du tout en arriver avec M. Elias Hraoui à un climat aussi empoisonné. Ses critiques étaient en réalité dirigées bien plus contre le président du Conseil que contre le chef de l’Etat. Il est étonnant que ce doit ce dernier qui ait réagi, alors que M. Hariri restait habilement dans l’ombre, évitant de répondre aux commentaires développés par le président de la Chambre devant la délégation du syndicat de la presse». Et d’avouer que «nous avions nous-mêmes pris contact avec les médias pour leur faire part des points soulevés par M. Berry durant cette rencontre et que le syndicat, pas plus que les médias officiels, n’avaient cru devoir rapporter...».
Ces mêmes sources confirment ensuite qu’à la pressante demande des décideurs, une trêve verbale avait été conclue avec Baabda, tandis que des amis communs développaient de nouvelles tentatives de conciliation.
D’autre loyalistes indiquent de leur côté que «les autorités de Damas n’ont pas caché que la tournure personnelle donnée aux différends qui opposent encore une fois les dirigeants libanais les indispose fortement. D’autant semble-t-il que M. Berry a renvoyé sèchement plusieurs médiateurs venus lui conseiller de faire un pas en direction de Baabda, en leur répliquant qu’il connaît fort bien le chemin du palais ce qui sous-entend qu’il sait l’emprunter tout seul, si — et quand — cela lui convient. Après cela, soulignent ces sources, les conciliateurs locaux n’ont plus eu qu’à baisser les bras. Pourtant, un jour pas si lointain, le président Berry confiait encore à M. Raymond rouphaïl que jamais il ne se disputerait avec un chef de l’Etat qui défend si bien la cause du Sud et de la 425...»
Toujours est-il que les modérés ayant échoué, le conflit au sein de la troïka, en reprenant de l’ampleur, affecte très fortement la situation intérieure. Car chaque composante du paysage politique est appelée à se ranger en ordre de bataille aux côtés de tel chef ou de tel autre, les trois mobilisant à fond leurs forces, notamment en vue de la séance parlementaire de demain mercredi...
Encore une fois donc, et pour ne rien changer, la crise ne connaîtra de véritable dénouement que lorsque les décideurs — qui jusqu’hier soir se contentaient toujours de conseils généraux d’apaisement — seront intervenus en arbitres. Souverains.

Ph. A.-A.