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Actualités - REPORTAGE

Ebonics , le dialecte noir US va à l'école

— «Man! We be bad»… Comprendre «nous sommes bien», comme le dit d’ailleurs Michael Jackson dans sa chanson «I am Bad». Pourtant, le mot «bad» signifie mauvais, selon le Webster…
— «Lemma ax ya somin», pour «let me ask you something»…

Sûrement, «ya speak no Ebonics». Et l’Ebonics est l’un des grands problèmes de l’heure aux Etats-Unis.
Qu’est-ce que c’est que l’Ebonics (Ebène)? C’est ce parler que les Afro-Américains (l’appellation politiquement correcte des noirs) aux revenus limités ont développé. Acceptable tant que cette «langue de rue» véhiculait le Rap et autres expressions populaires. Mais, tout s’est gâté lorsqu’une école publique d’Oakland en Californie a décidé d’initier ses professeurs à ce patois. La raison invoquée: la plupart des élèves noirs sont à la traîne de leur classe et n’arrivent pas à suivre les cours comme il le faut. Les responsables de l’école d’Oakland ont donc pensé remédier à cet état de choses en familiarisant les enseignants avec l’Ebonics, afin qu’ils comprennent d’abord ce que leurs élèves leur disent avant d’en rectifier les erreurs linguistiques pour leur inculquer les notions de la véritable langue anglaise.
Cette solution a soulevé un véritable tollé à tous les niveaux. Le secrétaire d’Etat à l’Education a immédiatement précisé qu’en aucun cas l’Administration ne déboursera un rond pour financer ce genre d’entreprise. «Considérer que des étudiants qui disent «habin» au lieu de «has been» parlent une langue étrangère n’est pas le meilleur moyen d’élever le niveau de l’enseignement», a-t-il dit.
Même indignation de la classe noire aisée et des intellectuels qui voient là un nouveau genre d’isolationnisme et de séparatisme.
L’Eglise a aussi crié au scandale, arguant que ce n’est pas parce qu’on est noir qu’on ne peut pas être doué mais parce qu’on est issu d’un milieu aux mille difficultés. Alors pour s’en sortir, on bâtit sa propre syntaxe, sa propre orthographe, sa propre prononciation, bref, son propre argot. L’Ebonics abolit par exemple le «s» dans la conjugaison à la troisième personne du singulier, le «th» se prononce «f». Et aussi, on fait comme si la dernière consonne d’un mot n’existait pas.
Les linguistes, eux, en ont perdu leur latin, ne sachant pas comment qualifier ce phénomène: un dialecte, un anglais déformé, une langue séparée baptisée «anglais noir»?
L’école d’Oakland et les autres partisans de l’apprentissage de l’Ebonics au corps enseignant essaient de calmer les esprits en expliquant qu’il s’agit là d’une étape de transition pour remettre les hors-la-langue dans le droit chemin.
Un temporaire, craint-on, qui peut durer, faire boule de neige et défier le droit à la différence.
L’implication politique de cette initiative a été examinée la semaine dernière lors d’une séance au Congrès.
La légitimation de ce parler spontané et fantaisiste aurait de graves conséquences que le comédien noir Bill Cosby souligne dans un article publié par le «Wall Street Journal». Il écrit notamment: «Comment les jeunes, qu’on laisserait s’exprimer librement en Ebonics, pourraient-ils trouver du travail, quand ils ne pourront pas se faire comprendre par leur éventuel employeur? Celui-ci devra-t-il aussi avoir un interprète, comme à Oakland… Et si, autre cas de figure, une infirmière qui pratique l’Ebonics explique au patient l’utilisation de gouttes pour les yeux, ce serait «Put’em in an ear fur near». De là à ce qu’il mette les gouttes dans les oreilles, il n’y a pas loin. Alors que l’infirmière disait: «put them in an hour from now».
La Tour de Babel au sein même du Melting Pot, c’est ce que l’on voudrait éviter. Les noirs en premier.

I.M.
— «Man! We be bad»… Comprendre «nous sommes bien», comme le dit d’ailleurs Michael Jackson dans sa chanson «I am Bad». Pourtant, le mot «bad» signifie mauvais, selon le Webster…— «Lemma ax ya somin», pour «let me ask you something»…Sûrement, «ya speak no Ebonics». Et l’Ebonics est l’un des grands problèmes de l’heure aux Etats-Unis.Qu’est-ce que...