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Actualités - ANALYSE

Le Liban-sud dérechef au coeur du problème régional

Trois militaires israéliens tués, un quatrième blessé dans un attentat aux explosifs revendiqué par le Hezbollah. Le problème du Sud rebondit brutalement sur l’avant-scène, pour servir de rampe de lancement aux avertissements que Netanyahu donne à la Syrie et aux menaces que Mordehaï profère à l’adresse du Liban. D’où il ressort que, désormais, la reprise des pourparlers est liée à l’arrêt des attaques de la résistance et que le slogan de Netanyahu «Liban d’abord» redevient prioritaire aux yeux des Israéliens.
Selon un diplomate libanais, «le premier ministre israélien ne cesse de répéter que le Liban-Sud constitue l’un des plus importants problèmes à traiter dans les négociations. En diplomate averti, M. Netanyahu pose à la Syrie une double condition sans préciser d’ordre chronologique: casser le Hezbollah et reprendre langue avec Israël. Le chef de l’Etat israélien Ezer Weizman se montre pour sa part plus net: il ne devrait pas être question de dialoguer avec Damas tant qu’il n’aurait pas fait cesser les attaques au Sud».
«On peut à partir de là, poursuit ce diplomate, ouvrir une parenthèse pour se demander s’il ne vaut pas mieux que les pourparlers s’engagent à trois, Liban-Syrie face à Israël, pour discuter de questions qui s’imbriquent de fait les unes dans les autres, comme le dispositif sécuritaire frontalier, les retraits et les eaux. En bonne logique, si les deux volets libanais et syrien sont associés, il faudrait que les deux pays ne forment qu’une délégation...»
C’est une idée qu’évoque Ghassan Tuéni qui relève dans un récent article que les envolées lyriques sur la communauté de destin sont loin de se traduire en actes, par une unification réelle des deux volets. A son sens, il y a de la sorte une perte de crédit sur le plan international pour le Liban, tandis que Damas se contente de prendre acte du souhait libanais de fusionner les deux volets en continuant pour sa part à négocier unilatéralement sur un seul créneau.
«Toujours est-il, reprend le diplomate cité, qu’Israël tout en continuant à soutenir qu’il n’a pas de visées territoriales au Liban, multiplie les propositions au sujet d’un contrôle sécuritaire frontalier. Le gouvernement israélien, qu’il soit de gauche ou de droite, ne varie pas ses positions et ses conditions sur ce point: il faut impérativement, affirme-t-il, que le retrait soit précédé d’une période-test de six ou neuf mois au cours de laquelle aucune action de résistance ne serait menée contre les troupes d’occupation. Tel-Aviv prétend qu’il a besoin de s’assurer de la sorte des capacités effectives de l’Etat libanais sur le terrain, en tant que garant de l’ordre, de la stabilité et de la sécurité dans la zone frontalière. En pratique, une telle trêve ne peut être instituée que si le Hezbollah accepte de déposer les armes ou si on l’y contraint. Mais, sans même attendre la réponse du mouvement intégriste qui est connue, le gouvernement libanais fait savoir qu’il n’admet pas qu’on mette la charrue devant les bœufs ni qu’on inverse les responsabilités et les données légales. Il répète donc qu’avant toute suspension d’une action de résistance que légitime le droit international, Charte des Nations Unies en tête, il faut qu’on s’entende sur un calendrier-programme des retraits. Beyrouth ajoute que c’est là déjà une considérable concession de sa part car la 425 l’autorise à exiger une restitution aussi immédiate qu’inconditionnelle de son territoire».

Evolution

Ces positions de part et d’autre sont connues depuis des années. Y a-t-il sur le plan ponctuel des suggestions susceptibles de faire avancer les choses entre Israël, la Syrie et le Liban en ce qui concerne le Sud?
«Certains dirigeants israéliens, répond la même source, font allusion ces derniers temps à la possibilité de formation d’une nouvelle force multinationale englobant notamment les Egyptiens et les Jordaniens. Ils précisent qu’ils ne seraient pas contre une participation française, et surtout syrienne, à cette même force après le départ de leurs propres troupes. Et suggèrent qu’une autre formule serait de déployer une force-tampon syro-française à la frontière. En effet, les Israéliens mettent en doute notre capacité de contrôler le Hezbollah et pensent que les Syriens seuls peuvent y parvenir. Bien sûr, et nos officiels l’ont tout de suite proclamé, il n’est pas question qu’une autre force que l’armée libanaise soit jamais déployée dans un Sud enfin libéré. Comme nos responsables le soulignent, une fois le dernier soldat israélien évacué, plus un coup de feu ne sera tiré en direction de la Galilée. Et s’il devait en être autrement, Israël, qui ne manque pas de puissance militaire, pourrait se considérer attaqué et réagir en conséquence».
Une autre éventualité que l’on évoque de nouveau à Beyrouth serait un brusque retrait israélien, pour créer une situation anarchique explosive au Sud, dressant les unes contre les autres les différentes parties locales armées, notamment l’Armée du Liban-Sud d’Antoine Lahd, le Hezbollah et le mouvement «Amal». Si l’Etat libanais, pris de court, se laissait déborder, Israël, qui aurait de la sorte «appliqué» la 425 et ne devrait plus avoir des comptes à rendre à la légalité internationale, prendrait toute mesure qui lui conviendrait, y compris une réoccupation de la bande frontalière au titre de la sécurité.
Sur un plan général, un retrait israélien sans pourparlers techniques signifierait que le volet libanais est définitivement dissocié du volet syrien, du moins au niveau sécuritaire, capital dans le contentieux libano-israélien. En fait, si l’on en croit le député israélien Yossi Belein, un tel retrait était prévu pour avril dernier et la France avait proposé d’aider à l’organiser; mais Shimon Pérès aurait finalement rejeté l’idée par crainte qu’elle ne lui fasse perdre des voix aux législatives de juillet... Le Parlementaire israélien ajoute qu’à son avis Damas pourrait bien entraver le retrait israélien du Liban-Sud pour garder un prétexte au maintien de ses propres forces à l’intérieur du Liban.
En tout cas, la dernière action d’éclat du Hezbollah relance la polémique en Israël même sur l’occupation militaire du Liban-Sud. Belein estime pour sa part qu’Israël doit se retirer, parce que ses soldats se font tuer par le Hezbollah. Il ajoute que l’opération peut être organisée conjointement avec les Américains et les Français qui serviraient d’intermédiaires avec le gouvernement libanais. Lequel devrait s’engager à désarmer le Hezbollah, Damas se voyant averti de son côté qu’il serait considéré responsable de toute attaque ultérieure contre la Galilée.
L’ancien directeur général des A.E. israéliennes Rubin Merhat et un autre député, membre du Likoud, Gédéon Azar, abondent dans le même sens et affirment qu’il est temps «de mettre fin au massacre des soldats israéliens, dont la présence est techniquement inutile puisque les Katioucha tirées sur la Galilée passent au-dessus de leurs têtes. L’armée israélienne, souligne ce député, n’a pas besoin d’être présente au Liban car elle est capable de riposter à tout acte hostile à partir du territoire israélien».
Mais Meir Daghane, général de réserve, officier israélien de liaison au Sud et membre de la cellule spéciale «antiterroriste», et l’ancien ministre Ephraïm Sinyé affirment qu’Israël ne doit pas se retirer. Et ils avancent les trois raisons suivantes: un départ signifierait la mise en péril des kibboutzim de la Galilée; il serait interprété comme un aveu de défaite face à la pression intégriste; enfin, il laisserait en grave danger les auxiliaires libanais de l’Etat hébreu.
Ouri Lubrani, coordinateur des activités d’occupation, estime pour sa part qu’Israël doit non seulement rester, mais aussi le cas échéant «frapper les intérêts syriens au Liban...».
Quant au ministre israélien des Affaires étrangères, David Levy, il déclare qu’Israël «n’a qu’un seul vrai problème avec le Liban, c’est qu’on n’y trouve pas de responsable réellement en charge. Il faut s’adresser aux Syriens. Et là, la question devient complexe, délicate, voire extrêmement grave. Nous n’avons pas les mains tout à fait libres. Nous ne pouvons pas élargir notre champ d’action car il faudrait alors frapper aussi les civils, les petites agglomérations, ce qui ne mène qu’à des tragédies humanitaires. Dès lors, nous disons que si les Syriens veulent la paix à l’ombre des conditions qui prévalent actuellement au Liban, pour respecter la souveraineté territoriale de ce pays, nous sortirons mais il faudra qu’ils en fassent de même».
Le chef d’état-major israélien, le général Amnon Shahak, dit pour sa part au sujet du retrait: «Quand on effectue une telle opération, on ne peut pas reculer ni ultérieurement revenir. S’il y avait un Etat libanais capable de contrôler ceux qui agissent contre nous, le Hezbollah et les organisations palestiniennes, nous ouvririons un dialogue sérieux avec lui pour organiser notre retrait...».

E.K.
Trois militaires israéliens tués, un quatrième blessé dans un attentat aux explosifs revendiqué par le Hezbollah. Le problème du Sud rebondit brutalement sur l’avant-scène, pour servir de rampe de lancement aux avertissements que Netanyahu donne à la Syrie et aux menaces que Mordehaï profère à l’adresse du Liban. D’où il ressort que, désormais, la reprise des...