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Actualités - CHRONOLOGIE

Le débat s'ouvre aujourd'hui place de l'étoile Budget : la chambre plus agressive après le décès de la Troïka Pas de nouvelles taxes , assure Hraoui en conseil des ministres

C’est à de longues séances oratoires télévisées que les Libanais auront droit, à partir de ce matin, et pour quatre journées consécutives, avec l’ouverture à l’Assemblée nationale du débat budgétaire. Mais contrairement aux séances similaires tenues par le passé, celles qui s’ouvrent aujourd’hui seront marquées par le «décès» de la troïka, en d’autres termes par un degré moindre de connivence entre l’Exécutif et le Législatif, et donc une plus grande indépendance, davantage d’agressivité du Législatif vis-à-vis des projets gouvernementaux.
Toutefois, le débat de politique générale auquel tournent toutes les séances de cette nature ne peut déboucher sur de grandes surprises, étant donné que le projet de budget a déjà été approuvé par les commissions parlementaires, et que son vote est en somme une simple formalité. Le budget proprement dit est d’autant moins intéressant à débattre que 77% de son montant va au paiement des fonctionnaires et au service de la dette publique, de sorte qu’il ne reflète pas vraiment la politique de développement suivie par le gouvernement. Celle-ci repose en effet sur les crédits extérieurs échappant au projet budgétaire en tant que tel.
Il ne faut pas moins s’attendre, de la part des députés de l’opposition, à des procès en règle de la politique du gouvernement, que ce soit en matière de fiscalité, de libertés (la question de l’audiovisuel n’est toujours pas tranchée), d’endettement, de réforme administrative (réamorcée), de prestations sociales, etc. Il sera également question de la commission parlementaire dont la formation est réclamée par le président Sélim Hoss, et dont l’objectif est d’en savoir plus sur les «détournements de fonds» auxquels la troïka aurait servi de couverture, selon M. Nabih Berry lui-même.
Cela dit, il existe une possibilité pour que l’ouverture des séances soit reportée de 24 heures, pour permettre aux députés de prendre connaissance de la longue introduction au projet de budget selon les règles, c’est-à-dire 24 heures à l’avance. Car le document n’a été communiqué aux députés qu’hier, et la Chambre sera appelée en début de séance à se prononcer sur une proposition de report de 24 heures faite par le bloc d’opposition comprenant les présidents Sélim Hoss et Omar Karamé, ainsi que le président Hussein Husseini. Des contacts ont été entrepris hier pour rallier à cette proposition une majorité parlementaire (VOIR PAGES 2 ET 3).

Crises sociales et
économiques

En tout état de cause, les crises sociales et économiques dont souffrent diverses catégories de Libanais — classe moyenne en tête, mais aussi ouvriers, cultivateurs, commerçants, petites et moyennes entreprises —, seront au cœur du débat budgétaire, tout comme elles sont au cœur de la vie quotidienne. Le débat s’ouvre en effet dans un climat de circonspection à l’égard du gouvernement, auquel on prête l’intention d’imposer de nouvelles taxes, et notamment de surtaxer l’essence.
Ce climat de méfiance a marqué hier, à sa façon, le Conseil des ministres qui s’est tenu au palais présidentiel de Baabda, et au cours duquel les projets les plus divers, et les plus inattendus, ont été examinés ou classés.
Dans son compte rendu de la séance, le ministre de l’Information, M. Bassem el-Sabeh, a cité le chef de l’Etat affirmant que «le climat dans lequel s’ouvre le débat budgétaire ne correspond à aucune donnée concrète, et qu’aucune nouvelle taxe ou nouvel impôt ne sont envisagés». Les rumeurs persistantes à ce sujet ont été qualifiées par le président Hraoui de «pure invention», qui a fourni l’assurance que «de nouvelles taxes ou de nouveaux impôts ne seront institués que de façon motivée».
L’une des principales raisons de la méfiance de l’opinion vis-à-vis du gouvernement vient de la volonté déclarée de ce dernier de percevoir la plus grande partie des factures d’électricité impayées qu’il subventionnait jusqu’à présent, soit un montant annuel de 200 milliards de L.L. Ce montant devant financer la rallonge budgétaire réclamée et obtenue par la Chambre.
Le plus grand scepticisme règne en ce qui concerne la capacité du gouvernement à tenir parole dans ce domaine et l’on pense que, tôt ou tard, de nouvelles taxes sont inéluctables, si le gouvernement ne veut pas dépasser le déficit budgétaire qu’il s’est fixé.
Pour améliorer la perception, le chef de l’Etat propose de mettre à contribution les appelés au service du drapeau, et 500 d’entre eux pourraient être détachés à cette fin. Une telle mesure pourrait paver la voie à une privatisation de la perception, dont il a déjà été question.

Pas de Cadmus
pour le moment

Par ailleurs, le gouvernement a décidé de surseoir à l’examen d’un projet de création d’une société immobilière appelée «Cadmus», qui avait soulevé un tollé parmi les députés du Metn. Le projet prévoyait de «mettre sous étude» une zone comprise entre le pont du Fleuve de Beyrouth, Jisr el-Bacha et Antélias. Selon le député Habib Hakim, l’adoption de ce projet signifiait que les ventes de biens-fonds sur une profondeur déterminée, sur les tracés des deux voies reliant le pont de Beyrouth à Jisr el-Bacha, d’une part, et Antélias, d’autre part, allaient être prohibées, et des expropriations jusqu’à 25% de la surface des biens-fonds deviendraient de règle. Toutefois, le parlementaire assure que les contacts des dernières 24 heures avec le chef du gouvernement ont débouché sur l’abandon de ce projet.
Ce projet mort-né, qui avait surpris les députés du Metn eux-mêmes, reflète bien le cachet d’improvisation — voire d’amateurisme — qui marque certains aspects de la politique gouvernementale, et dont un échantillon nous avait été donné il y a encore quelques jours, avec le projet de baisse de la taxe sur le prêt-à-porter qui a été «gelé».
Le gouvernement a également décidé de surseoir à l’examen de projets de décrets relatifs à l’approbation de plans directeurs des zones industrielles à Kalamoun (caza de Tripoli), Halba (Akkar), Bohssas (Tripoli), Zouk Mosbeh et Zouk Mikaël (Kesrouan).
Le Conseil des ministres a par ailleurs chargé le ministère de l’Economie de coordonner son action avec le ministère de l’Intérieur, en ce qui concerne les mesures à prendre pour faciliter l’octroi de visas aux voyageurs désireux de visiter le pays durant le «festival des soldes», en février.
Enfin, des mesures ont été décidées en ce qui concerne la présentation de demandes de cartes électorales et leur livraison.

Violente attaque
d’Abou-Rizk

Au cours d’un iftar hier, le président de la CGTL, M. Elias Abou-Rizk, s’est livré à un procès en règle du projet de budget en particulier, et de la politique d’endettement en général. M. Abou-Rizk a affirmé que la politique d’endettement suivie est «effayante» et «compromet gravement l’avenir du pays».
Au sujet du projet de budget, le président de la CGTL a fait les remarques suivantes:
— le total des dépenses prévues (6.433 milliards de L.L.) se veut inférieur aux dépenses réelles de 1996 (7.225 milliards de L.L.).
— le projet ne prévoit aucune augmentation des salaires des fonctionnaires, prévue lors de l’augmentation de 3.000 L.L. sur le prix de l’essence, datant de juillet 1995.
— le projet comprime au maximum la partie consacrée aux plans de développement, et maintient les dépenses où le gaspillage se produit le plus (ameublement, voitures, représentation, fêtes, voyages, etc.).
— il continue d’être conçu dans l’intention évidente de discréditer le secteur public, dans l’intention de faire triompher la philosophie de la privatisation.
— le projet continue de reposer sur les taxes indirectes.
— il ne reflète pas l’engagement du gouvernement à donner à la question sociale la priorité en 1997.
— le projet affirme que pour toutes nouvelles dépenses, de nouvelles sources de financement sont nécessaires. Pourquoi donc ne finance-t-on pas les services sociaux avec les rentrées assurées par les bénéfices financiers, immobiliers et pétroliers, sans parler des biens-fonds maritimes?
C’est à de longues séances oratoires télévisées que les Libanais auront droit, à partir de ce matin, et pour quatre journées consécutives, avec l’ouverture à l’Assemblée nationale du débat budgétaire. Mais contrairement aux séances similaires tenues par le passé, celles qui s’ouvrent aujourd’hui seront marquées par le «décès» de la troïka, en d’autres...