Report du sommet Russie-UE L'incapacité permanente de Eltsine de plus en plus évoquée

Le Kremlin n’arrivait plus à cacher hier la gravité de l’état de santé de Boris Eltsine après l’annonce de l’annulation de son voyage à La Haye début février, et l’hypothèse d’une incapacité permanente du chef de l’Etat russe est désormais à l’ordre du jour.
«Une personne dans un tel état devrait (...) passer son temps avec ses petits-enfants, ce serait mieux pour lui, pour sa famille et pour le pays en général», a déclaré à la Radio Echos de Moscou le chef du Parti communiste Guennadi Ziouganov, actuellement à Strasbourg.
Aucune image du président russe n’a été diffusée depuis le 6 janvier, deux jours avant son hospitalisation pour une pneumonie double. Sa sortie de l’hôpital, officiellement annoncée le 20 janvier, n’a été accompagnée d’aucune photo, pas plus que son apparition surprise au Kremlin mercredi dernier, qui est mise en doute par les plus sceptiques.
«Nous ne pouvons pas encore montrer d’image de lui», expliquait sans plus de détails, il y a quelques jours son porte-parole Sergueï Iastrjembski assurant toutefois que le président russe se remettait et que ses engagements internationaux imminents étaient tous maintenus.
Le Kremlin a toujours diffusé le plus rapidement possible des photos du chef de l’Etat, y compris après le quintuple pontage coronarien qu’il avait subi avec succès le 5 novembre. Les photos avaient été prises par une de ses filles.
L’annulation du sommet Russie-Union européenne prévu les 3 et 4 février à La Haye et la reconnaissance du fait que M. Eltsine n’est pas en état de prendre l’avion, surviennent trois jours après le report du sommet de la CEI qu’il devait présider mercredi, et qui devait marquer son retour sur la scène politique.

Embarras
Le Kremlin a du mal à cacher son embarras. le médecin- chef de la présidence Sergueï Mironov, d’ordinaire assez ouvert aux questions de la presse, a annulé à deux reprises une table ronde prévue vendredi puis lundi sur les ondes de Radio Liberté.
Sergueï Iastrjembski n’a pas tenu lundi de point de presse. Vendredi dernier, il avait assuré à une agence russe que le président préparait sa rencontre avec le président français Jacques Chirac prévue — et maintenue en principe — dimanche prochain près de Moscou.

«Eltsine hors jeu»
«Tout le monde aura compris d’ici deux mois maximum que Eltsine est hors jeu», pronostiquait hier le général Alexandre Lebed, 46 ans, opposant politique et prétendant à la succession de Boris Eltsine.
Dans les cercles du pouvoir, l’optimisme de façade se traduit en communiqués constants des agences officielles russes faisant état de la «convocation par M. Eltsine d’une réunion sur l’élection tchétchène» ou de la tenue «prochaine à Moscou du sommet de l’UE» reporté lundi.
Mais différentes sources proches de ces milieux rapportent leur inquiétude croissante. «Les problèmes pulmonaires sont terminés, il s’agit désormais d’autre chose, il va falloir faire passer l’idée d’un président invalide», indiquait une de ces sources.
Course à
la présidence
Les médias russes continuent à protéger le chef de l’Etat, et diffusent de vieilles photos accompagnant des communiqués. Mais après trois semaines, les images de ZIL officielles quittant l’hôpital ou censées amener Boris Eltsine au Kremlin ne suffisent plus à rassurer les télespectateurs les plus avertis.

«Depuis une dizaine de jours, on sent à nouveau la course à la présidence», reconnaît une source diplomatique. La presse écrite fait ainsi état de contacts discrets entre le général Lebed et certains financiers puissants, voire de rencontres entre des proches collaborateurs actuels de Boris Eltsine et le même général.