Rechercher
Rechercher

Actualités - ANALYSE

Une trêve qui ne manque pas de piquants...


C’est fini, bien fini: on se respecte, on ne se traite plus de tous les noms d’oiseaux, on ne se lance pas des accusations — vagues mais redoutables — à la figure, on ne fait plus appel à des journalistes amis pour leur glisser de venimeuses confidences sur «l’autre»... Et si l’on soutient la campagne moraliste post-polémique de Hoss, c’est pour le principe général, sans rapport affirme-t-on avec la hache de guerre de nouveau enterrée...
C’est donc la trêve. A cette nuance près que les petites piques et les petites gens ne comptant pas, on s’en prend maintenant aux seconds couteaux.
Les hraouistes attaquent ainsi des fonctionnaires membres du mouvement «Amal» et naturellement partisans de M. Nabih Berry. Ils les accusent d’être à l’origine des fuites en direction des médias qui ont alimenté le brasero de crise lors de la récente bataille des chefs.
Reprochant à ces braves gens, dont il ne distingue sans doute pas tout le mérite social, leur totale absence du sens de l’Etat, un loyaliste s’étonne que «des commis publics livrent à la presse des informations classées, en vue de nuire au président de la République qu’ils sont censés sinon servir du moins respecter en tant que symbole de la nation et tête de l’Etat dont ils sont les employés. Le clientélisme est un mal aussi pernicieux que la corruption et l’Administration actuelle en souffre gravement, la loyauté de beaucoup de ses cadres, dont certains assermentés, s’adressant à des leaders plutôt qu’aux autorités compétentes».
A partir de là les hraouistes enfourchent allègrement un des anciens chevaux de bataille du président de l’Assemblée nationale: la réforme de l’Administration «en profondeur, bien au-delà d’une simple épuration à la va-vite comme en 93». Ils précisent que, conjoncture faisant loi, «il faut commencer par s’assurer que le fonctionnaire obéira à sa fonction même, à ses impératifs techniques ou éthiques ainsi qu’à la hiérarchie administrative, non au «bey» dont il est partisan ou à la personnalité qui lui aura fait obtenir son poste. Il est de plus intolérable qu’un fonctionnaire prenne contact avec la presse au sujet d’affaires publiques, à plus forte raison quand il se livre ainsi à des calomnies, à la propagation de fausses rumeurs. De tels agissements doivent recevoir une juste sanction, indépendamment des tiraillements entre les dirigeants. Le chef de l’Etat, précisent ces sources, est très irrité et se demande comment personne ne réclame des comptes aux coupables».
«Dans le temps, affirment ces sources dont la mémoire est un peu défaillante, il était interdit aux fonctionnaires en tant que tels de manifester des sentiments politiques. Ils ne pouvaient pas appartenir à un parti ni être protégés par les politiciens moyennant services. Ils n’avaient même pas le droit de lire les journaux...».
Ni de boire du café les pieds sur le bureau... en principe car en pratique ce n’est pas d’aujourd’hui mais depuis les Ottomans que l’Administration brille de toutes les qualités qu’on lui connaît: zèle, célérité, autonomie morale, probité, compétence, efficience... On aura cependant rarement atteint par le passé l’incroyable niveau actuel. Ainsi un député raconte qu’interrogeant un directeur général, nommé dernièrement, sur ses allégeances, il s’est vu répondre avec une franchise qui frise l’imprudence: «Quelle question! Tout le monde sait que je suis cadre dans une formation politique, que c’est mon chef de parti qui a obtenu ma désignation et que c’est à lui, et à lui seul, que je suis tenu de répondre de mes actes ou de rendre service».
La reconnaissance du ventre vaut bien un coup de chapeau. «Et de balai», insistent les hraouistes. Quand on leur remontre qu’ils ont peu de chances en pratique d’obtenir gain de cause, le système étant ce qu’il est, ils répondent, le sourire en coin par une simili-menace: «Nous sommes prêts à relever le défi, même Place de l’Etoile, fief présumé du camp adverse... Il n’est pas sûr en effet qu’avec l’appui combiné autant que paradoxal des formations opposantes, du bloc haririen et de ses alliés nous ne parvenions pas à y ébranler le socle du perchoir», nom que l’on donne comme on sait au siège de la présidence de l’Assemblée qui est le plus élevé dans l’hémicycle.

P.A-A.
C’est fini, bien fini: on se respecte, on ne se traite plus de tous les noms d’oiseaux, on ne se lance pas des accusations — vagues mais redoutables — à la figure, on ne fait plus appel à des journalistes amis pour leur glisser de venimeuses confidences sur «l’autre»... Et si l’on soutient la campagne moraliste post-polémique de Hoss, c’est pour le principe...