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Actualités - ANALYSE

Hébron, le Liban et l'obsession de la sécurité chez Netanyahu

Le Liban a rapidement réagi à l’accord sur Hébon paraphé mercredi dernier à l’aube entre les Palestiniens et les Israéliens. L’encre du «texte historique» n’avait pas encore séché que le président de la République, M. Elias Hraoui, exprimait en plein Conseil des ministres les craintes libanaises découlant des retombées éventuelles de l’accord sur le redéploiement israélien dans la plus grande ville de Cisjordanie. Cette prise de position officielle avait été précédée de nombreuses mises en garde et de multiples critiques adressées aux négociateurs palestiniens par les hommes politiques libanais de tous bords.
«Maintenant, Benjamin Netanyahu a les mains libres pour s’occuper du dossier libanais», répète-t-on dans les cercles politiques à Beyrouth. Dans des circonstances différentes, nous aurions été tentés de parler de «précipitation» et de «paranoïa». Nous aurions aussi qualifié les hommes politiques de ce pays de «moutons de Panurge» qui se contentent de réciter comme des perroquets les commentaires parus dans la presse de Damas ou les déclarations des responsables syriens. Mais les exemples abondent montrant que ces appréhensions sont en grande partie justifiées. Déjà en 1948 le Liban avait été la première victime — après les Palestiniens — de la création de l’Etat d’Israël en accueillant sur son territoire des dizaines de milliers de réfugiés chassés par les orgnisations terroristes sionistes.
Il n’est pas nécessaire de remonter aussi loin dans l’histoire pour comprendre que les inquiétudes suscitées au Liban par l’accord sur Hébron sont fondées. En mars 1978, alors qu’il était en «négociations de paix» avec l’Egypte, l’Etat hébreu a lancé son armée contre le Liban-Sud dans une vaine tentative de briser l’OLP, avec laquelle il conclut aujourd’hui des accords. Plus récemment encore, en décembre 1992, soit quatorze mois après la conférence de Madrid, Yitzhak Rabin a ordonné l’expulsion vers Marj el-Zouhour dans la Békaa-Ouest de 415 Palestiniens. Cette décision avait été prise à un moment où les négociations bilatérales se poursuivaient d’arrache-pied à Washington entre les délégations arabes et israéliennes. Et, au risque de torpiller le processus de paix, la direction israélienne avait refusé d’autoriser le retour immédiat des déplacés qui sont finalement rentrés chez eux au compte-gouttes au bout de deux ans.
Le Liban a aussi payé très cher la conclusion des ccords d’Oslo. En juillet 1993, deux mois avant la poignée de main historique entre Yasser Arafat et Yitzhak Rabin à la Maison-Blanche, l’Etat hébreu a lancé une violente offensive contre la population du Liban-Sud faisant des dizaines de morts et de blessés, des civils pour la pluart. Cette action criminelle a été perpétrée alors que les pourparlers israélo-palestiniens se poursuivaient dans le plus grand secret en Norvège en même temps que les négociations bilatérales aux Etats-Unis.
Mil neuf cent quatre-vingt-seize ne fut pas une exception à la règle. L’année dernière, le Liban a été la première, sinon la seule victime, du «sommet des bâtisseurs de la paix» de Charm el-Cheikh (Egypte) organisé en mars. Un mois ne s’était pas encore écoulé depuis la fin de cette conférence, que Shimon Pérès déclenchait l’offensive d’avril avec son cortège de morts et de destructions. Aux attentats du Hamas perpétrés à Jérusalem et à Tel-Aviv en février et en mars, les Etats-Unis ont répondu par la convocation du sommet «antiterroriste» et Pérès a riposté en lâchant son armée contre... le Liban.

Le postulat de Netanyahu

Ce sont là des dates charnières dans l’histoire des agressions isaéliennes contre le Liban. Il y en a beaucoup d’autres qui ne sont pas restées gravées dans nos mémoires, mais que les habitants du Liban-Sud et de la Békaa-Ouest vivent au quotidien depuis la fin des années soixante. Et, comme nous l’avons constaté, les vastes offensives israéliennes précèdent, accompagnent ou suivent généralement d’importants développements ou échéances régionaux. L’accord sur Hébron s’inscrit dans le cadre de ces événements. D’ailleurs, la reprise des négociations sur le redéploiement israélien dans cette ville n’a-t-elle pas été précédée, en septembre, d’une explosion de violence qui a fait 70 morts à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem?
Cette approche historique n’est pas la seule illustration justifiant les craintes libanaises des retombées de cet accord. Il y a d’autres arguments non moins convaincants et qui sont inhérents à la vision de Benjamin Netanyahu du règlement du conflit arabo-israélien.
La sécurité est l’obsession du premier ministre israélien. Pas question pour lui de reconnaître le postulat de Madrid de «la terre contre la paix». Dès le lendemain de son élection, il a proposé aux Arabes et au monde le principe «non négociable» de «la sécurité contre la paix». Les modalités du redéploiement à Hébron traduisent parfaitement cette obsession. L’armée israélienne maintiendra une présence dans 20% de la ville pour assurer la protection de 400 colons (en fait, ils sont seulement 120 à passer la nuit dans la localité) représentant... O,35% de la population.
Au Liban également, le souci de la sécurité s’est manifesté à travers l’option «Liban-d’abord» qui, bien qu’étant floue et imprécise, se résume en un point: la neutralisation de la résistance en contrepartie d’un hypothétique retrait israélien.
De source politique à Beyrouth, on indique que Netanyahu n’est pas pressé de conclure avec le Liban et la Syrie une paix qui nécessiterait de la part d’Israël des concessions que le Likoud n’est pas en mesure de faire. A défat d’une paix globale, le gouvernement de droite se contenterait d’un règlement partiel qui lui ouvrirait, via les Palestiniens et la Jordanie, les portes du Golfe. Même l’Egypte est reléguée au second plan dans la vision de Netanyahu, ce qui explique l’attitude particulièrement ferme du Caire à l’égard de Tel-Aviv. «Les travaillistes voulaient une paix globale contre une normalisation totale avec tous les pays arabes y compris la Syrie. Le Likoud veut une paix partielle quitte à ne pas normaliser ses relations avec certains pays arabes», ajoute-t-on de même source. Dans les cercles diplomatiques occidentaux à Beyrouth, on confirme cette annalyse. «Il n’y aura pas de déblocage du processus de paix dans les trois prochaines années», précise un diplomate, qui exclut par ailleurs un retrait unilatéral israélien du Liban-Sud.
Mais cette paix partielle ne constitue une victoire pour Israël que dans la mesure où la guerre d’usure qu’il subit au Liban-Sud s’arrête. La priorité pour lui consiste donc à neutraliser le Hezbollah par tous les moyens même si pour atteindre ce but il lui faut recourir à la déstabilisation interne du Liban et de la Syrie. Et c’est cela qui suscite les craintes des responsables libanais. Avec l’accord sur Hébron, le premier ministre israélien a atteint deux objectifs. Il a d’abord obtenu un répit sur le front palestinien et il s’est fait une virginité politique en ne passant plus aux yeux de la communauté internationale pour un homme incapable de faire la «paix». Maintenant, son regard va se porter ailleurs... Vers le Liban-Sud plus précisément.
Paul KHALIFEH
Le Liban a rapidement réagi à l’accord sur Hébon paraphé mercredi dernier à l’aube entre les Palestiniens et les Israéliens. L’encre du «texte historique» n’avait pas encore séché que le président de la République, M. Elias Hraoui, exprimait en plein Conseil des ministres les craintes libanaises découlant des retombées éventuelles de l’accord sur le...