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Actualités - DISCOURS

Le message de Noël du catholicos de Cilicie Aram 1er : la reconstruction perd de sa valeur si elle n'est pas fondée sur la réconciliation

Avant tous les projets de construction, ce qu’il faut réédifier au Liban, c’est la confiance mutuelle que se font les Libanais «de toutes religions et régions, cultures et traditions». «La reconstruction perd de sa valeur et de sa portée nationales, si elle n’est pas fondée sur la réconciliation». C’est l’essentiel du message rendu public hier, à l’occasion de la Noël arménienne, célébrée le 6 janvier, par le catholicos Aram Ier, chef de la communauté arménienne-orthodoxe au Liban. Voici le texte de ce message:
«La Nativité de Dieu: incarnation de l’amour», «Toi l’amour, et tu t’humilias pour et par amour...».
«Le mystère de Bethléem se résume dans ces quelques mots simples d’un cantique de l’Eglise arménienne.
«Comment Dieu devint-Il homme? Comment selon le témoignage de l’Evangile, le Verbe s’unit-il le corps humain et ce, totalement, parfaitement et véritablement?
«Ni la raison humaine, ni les données scientifiques ne purent et ne pourront, même en ce siècle de la science par excellence, pénétrer les profondeurs de Bethléem. Avec son Enfant Jésus, Bethléem reste et restera toujours «mystère profond...», inexplicable et insondable.
«Mais pourquoi Bethléem dans l’histoire de l’humanité? Pourquoi la venue de Dieu au monde?
«C’est l’Evangile même qui nous donne l’explication simple et claire de ce pourquoi: «Dieu a tant aimé le monde qu’Il a donné son Fils unique...». (Jean 3: 16). Autrement dit, Dieu devint homme parce qu’Il aima l’homme.
«Voici donc la cause de l’incarnation de Dieu; le mystère et le message de Bethléem.
«Du point de vue chrétien, Dieu est une existence intelligible et non point une réalité incompréhensible et inconcevable, éloignée de l’homme et du monde. Ceci est le fondement de la foi chrétienne. La révélation de Dieu est la révélation de Sa personne et de Son œuvre et non point une simple information à Son sujet. Donc la connaissance que l’homme a de Dieu n’est pas le résultat d’un effort de sa raison mais essentiellement de la grâce divine donnée à l’homme par la révélation. De par Sa révélation et tout en restant Dieu, Dieu devient aussi homme, tout en demeurant invisible Il devient visible, tout en restant inintelligible Il se rend intelligible.
«La foi chrétienne ancrée dans la révélation divine affirme que Dieu est amour. Dans la révélation, l’être humain est invité à engager un dialogue avec Dieu qui est non seulement un père affectueux, mais source d’amour éternel. En d’autres termes, l’amour n’est pas un simple attribut mais la nature même de Dieu.

Dieu aime en premier

«Effectivement, mû par son immense amour pour l’être humain, Dieu se révéla en devenant homme, «afin de révéler Son amour infini pour nous, (Il) dut prendre corps» comme le dit saint Grégoire de Narek. Et c’est Dieu qui, le premier, aima l’homme. L’amour de Dieu ne fut point une réciproque de l’amour des hommes pour Lui. L’Apôtre Jean le dit bien, «Quant à nous, aimons, puisque Lui nous a aimés le premier» (Epître I, 4:19). L’homme s’était éloigné de Dieu; ayant abîmé son image divine il était devenu un enfant prodigue. Par Son incarnation Dieu venait montrer que Son amour n’est pas conditionnel et circonstanciel, mais gratuit, infini et éternel; il est donné à tous, il appartient à tous, même aux enfants prodigues.
«C’est cet amour qui s’incarna à Bethléem.
«Célébrer l’Epiphanie revient donc à célébrer la révélation de l’amour de Dieu aux hommes et à le porter dans le monde. Dans le courant de notre vie tellement surchargée nous rendons-nous compte, même pour un instant seulement, que c’est pour nous que Dieu descendit du ciel sur terre, parce qu’Il nous aimait? Pensons-nous qu’Il revêtit l’aspect d’un serviteur, qu’Il fut avec les pauvres, les malades, les miséreux, qu’Il fut persécuté, torturé et même crucifié, parce qu’Il nous aimait? Dieu s’incarna et versa Son sang afin que nous nous aimions les uns les autres. Aimer Dieu signifie aimer notre semblable, notre frère et même notre ennemi. Aimer notre semblable signifie aimer Dieu. Dieu est absent de là où ne règne pas l’amour. L’Apôtre qui vécut dans la communion de l’amour incarné de Dieu nous rappelle «Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous» (Jean I, 4: 12).
«L’amour c’est la vie de la croix, c’est suivre le Crucifié. L’amour est la vie de l’humanité authentique. L’amour est un pont d’or reliant ciel et terre; un pont d’où non seulement Dieu descendit sur terre mais que l’homme a la possibilité d’emprunter pour s’élever au ciel. Avec les mots de l’auteur médiéval Hovhannes Blous Vardapet, «l’homme agit comme Dieu, car par Son amour Dieu devint comme l’homme» (Office du Jeudi Saint).

Un «coffret d’amour»

Par son incarnation Dieu transforma chacun de nous en «un précieux coffret d’amour», selon la définition du chroniqueur arménien du IVe siècle, Agathange. Donc l’être humain est un précieux coffret d’amour recréé par Dieu incarné. Lorsque l’on y place d’autres «trésors», ceux-ci ne sont pas acceptés par Dieu.
«Pendant longtemps le Liban fut un «précieux coffret d’amour». C’était là le trésor du Liban. Nous avons aimé tout le monde et le monde nous a aimés. D’autres ont introduit parmi nous haine et zizanie. Ils nous ont exploités et nous ont éloignés les uns des autres. Mais le Bon Dieu nous a toujours aimés.
«Quel est le message de l’Epiphanie pour nous Libanais? Grâce à Dieu la destruction de notre pays a pris fin et sa reconstruction a commencé. Mais si cette reconstruction n’est pas fondée sur la réconciliation, vraie et totale, entre tous les Libanais, elle perd de sa valeur et de sa portée nationales. Ce dont nous avons besoin avant et par-dessus tout c’est d’approfondir l’amour et la confiance entre Libanais. Il faut donc avant tout reconstruire la grande famille libanaise par les valeurs spirituelles et morales qui constituent l’identité même du Liban. Ceci doit être notre projet national placé avant et au-dessus de tous les projets de construction.
«Il faut redonner au Liban sa vocation particulière dans la région et dans le monde, celle de «précieux coffret d’amour». Coffret où Libanais de toutes religions et régions, de toutes cultures et traditions vivent ensemble dans l’amour et la confiance mutuels. Un «coffret d’amour» ouvert au monde entier.
«Voici le Liban. Voici la libanité du Liban, d’un Liban réédifié par l’engagement de tous ses enfants».
Avant tous les projets de construction, ce qu’il faut réédifier au Liban, c’est la confiance mutuelle que se font les Libanais «de toutes religions et régions, cultures et traditions». «La reconstruction perd de sa valeur et de sa portée nationales, si elle n’est pas fondée sur la réconciliation». C’est l’essentiel du message rendu public hier, à l’occasion de...