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Actualités - REPORTAGE

Les icônes alépines de Balamand en Portfolio (photos)

LES ICONES ALEPINES DE BALAMAND EN PORTFOLIO
De belles icônes alépines sont conservées au Couvent de Balamand. Cette collection - aujourd’hui publiée en un portfolio de 12 planches - est commentée ci-après par Mahmoud Zibawi, le spécialiste auteur d’«Orients Chrétiens» et de «l’Icône, Sens et Histoire».
«Byzance expire au milieu du XVe siècle. L’Empire romain d’Orient n’est plus, mais l’Eglise demeure et son art continue à resplendir. Sous le règne des Ottomans, l’icône connaît une ultime floraison et se renouvelle en se nourrissant de nouvelles énergies créatrices. Les diverses écoles d’iconographie se prolongent et s’unifient. Grecs, Serbes, Bulgares, ou Syriens: les iconographes semblent pratiquer une même activité. Les ateliers locaux participent d’un seul mouvement, adoptant un langage commun, nourri et panaché de colorations qui leur sont propres. Toujours ouverte sur l’invisible, l’icône célèbre la sainteté en lignes et couleurs et dévoile «la demeure de Dieu avec les hommes».
A Antioche, une forte production d’icônes prolonge celle qui se poursuit dans le monde helleno-balkanique. Un atelier d’Alep semble constituer son foyer principal. Son maître est Youssof al-Musawwir; Peintre remarquable, il est le fondateur d’une dynastie de peintres d’icônes, allant du père à l’arrière petit-fils: Youssof, Neemetallah, Hanania et Girgis. Les mutations de cette production poursuivie d’un âge à un autre reflètent parfaitement celles que connaît l’icône des temps modernes. Ainsi, la création de Youssof témoigne de la fidélité à la tradition grecque. L’œuvre de Neemetallah s’avère plus originale. Le traitement plastique est constamment renouvelé. Les prototypes fixés sont enrichis de nouveaux éléments anecdotiques. L’activité de Hanania présente un art de transition. Le dernier descendant de la dynastie témoigne du déclin de l’art post-byzantin.
Les plus belles des icônes alépines sont conservées au Couvent Notre-Dame de Balamand. La peinture adopte fidèlement les modèles établis et évolue progressivement vers une écriture originale. Des œuvres telles «La Crucifixion» ou «La Descente aux Enfers» suivent minutieusement les prototypes traditionnels. Les bras étendus sur la croix, le Sauveur «sommeille pour ressusciter le troisième jour». La Vierge et saint Jean participent aux douleurs du Crucifié. Les anges déplorent la mort du Christ en voilant le visage de leurs mains. A ce spectacle impitoyable répond la glorieuse descente «dans les régions inférieures de la terre» (Ep.4, 9). Foulant les portes rompues de l’enfer, le Christ libère Adam et Eve de la mort et ouvre aux hommes la voie de la vie éternelle.
La Passion de saint Georges reprend le modèle panégyrique diffusé dans l’étendue du monde gréco-balkanique. Victime suppliciée, ou cavalier affrontant un monstre qui se cabre, le saint rayonne de la gloire de la vie plus forte que la mort. Le lieu et le temps changent, les actions sont multiples, mais l’être demeure impassible. Dépassant toute dualité, le saint est prière pure. Il vit, souffre et triomphe: dans sa prière intérieure, il demeure dans la suprême béatitude, et déjà dans ce monde, il connaît l’incorruptibilité et l’immortalité.
Le Christ Evêque des Evêques et la Vierge Conductrice offrent d’autres caractéristiques. Le décor polygonal évoque les reliures islamiques. Le motif couvrant le fond et les tuniques vestimentaires sont largement empruntés à l’art ottoman. Magnifiquement ouvragée, la surface dorée révèle un espace gravé harmonieusement de frises, d’arabesques et de rinceaux. La chromatique se réduit aux visages et aux mains. Intégré dans cet univers de signes, l’humain transfiguré resplendit d’or et de feu.
Des icônes portraitiques aux icônes de groupe, le langage ornemental se précise et se cristallise. Les modelés sont précis et les ombres prononcées sont d’une grande plasticité. Les ors s’accordent harmonieusement aux tons colorés. Etendu sur le sol, Jessé s’endort. Son arbre fleurit et ses branches en feuilles sont chargées de roses, de grenades et de sarments de vigne. La Vierge prend place au cœur de cette floraison. Installés autour d’elle, les douze prophètes portent des rouleaux dépilés: les écritures calligraphiées nomment les traditionnelles préfigurations de la Vierge.
Le goût de l’anecdotique se manifeste dans les icônes narratives. «La Dormition de la Vierge » s’enrichit de nouveaux éléments qui accentuent le caractère pittoresque de la scène. Les événements s’enchaînent sous un même ciel. Les apôtres sont transportés sur les nuages jusqu’à Jérusalem pour se recueillir pieusement devant la Mère de la Vie. Au centre de l’image, le Christ porte sur son bras un nouveau-né emmailloté, image de l’âme immaculée de sa mère. Plus loin, l’iconographe met en scène la Vierge mise en bière. L’action culmine dans la gloire: au milieu d’une mandorle lumineuse, la Mère de la Vie remet sa ceinture à Saint Thomas.
Les «Quarante martyrs de Sébaste» ajoute au prototype fixé de nouveaux détails hagiographiques. Condamnés à mourir de froid dans l’étang gelé, les témoins forment un seul corps. A droite, n’y tenant plus, un d’eux renonce au martyre et entre dans un bâtiment. Au-dessus, un soldat païen touché par la grâce s’apprête à rejoindre l’assemblée des martyrs. L’action se poursuit sur le registre supérieur. Derrière la masse des saints, se côtoient l’empereur Licinius, les corps des martyrs entassés dans une charrette, un moribond transporté par sa mère et, enfin, un brasier où les corps des martyrs se consument.
L’iconographe procède à la création de nouvelles compositions. Puisant dans ses sources, le peintre emprunte, sélectionne et ordonne de nouveaux modèles. Tout en s’inspirant d’un modèle post-byzantin fixé vers le milieu du XVe siècle, l’école d’Alep crée un prototype inédit réunissant Syméon le stylite et Syméon du mont admirable. Les deux grands ascètes siègent sur deux longues colonnes de marbre élevées au milieu du paysage rocheux. Dix scènes évoquent leurs vies et leurs miracles, telles la visite du dignitaire arabe envoyé par la reine israélienne souffrant de stérilité, la résurrection du disciple de Syméon, et des guérisons obtenues par un démoniaque et un possédé.
Chefs-d’œuvres de l’art syro-chrétien, les icônes d’Alep occupent une place d’honneur dans l’histoire de l’art post-byzantin. Loin de constituer une simple réminiscence d’une production saturée, elles révèlent une création fidèle et novatrice qui ramifie la tradition héritée et la vivifie.

M.Z.
LES ICONES ALEPINES DE BALAMAND EN PORTFOLIODe belles icônes alépines sont conservées au Couvent de Balamand. Cette collection - aujourd’hui publiée en un portfolio de 12 planches - est commentée ci-après par Mahmoud Zibawi, le spécialiste auteur d’«Orients Chrétiens» et de «l’Icône, Sens et Histoire».«Byzance expire au milieu du XVe siècle. L’Empire romain...