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Culture - Exposition

Maqam, ou le regard démultiplié

C'est avec une première exposition thématique, « Paysages ruraux et urbains* », que la galerie Maqam Lebanese Modern Art a ouvert ses portes. Un espace planté dans le quartier de Saïfi et destiné à mettre en lumière l'art libanais moderne.
Pour réhabiliter cet art libanais moderne et lui redonner sa place de chef de file qu'il occupait au début du XXe siècle. Pour sortir certains grands artistes libanais (notamment les anciens) de l'oubli et les imposer face au marché chaotique créé par des grandes manifestations artistiques dans les pays de la région. Pour assurer la préservation des œuvres de qualité et veiller à ce que leur restauration se fasse dans les normes artistiques et pour lutter contre un réseau de faussaires qui sévit récemment au Liban. Enfin, pour éduquer l'œil et enseigner surtout aux jeunes générations montantes la lecture d'une œuvre («car on n'apprend pas seulement l'art dans les livres, mais à travers la fréquentation de galeries ou de musées»). Pour toutes ces raisons et d'autres encore, Saleh Barakat, propriétaire de la galerie Agial, a pris l'initiative d'ouvrir Maqam, une sorte de sœur jumelle, voire une sœur aînée à la précédente, au cœur du quartier Saïfi.
«C'est vers la fin du XIXe siècle que la notion d'art moderne a commencé à s'imposer au Liban grâce à des pionniers comme Daoud Corm, Habib Srour et Khalil Saliby. Cet art qui a atteint l'âge de la maturité a accompagné la marche du temps en permettant l'émergence d'artistes dignes de leurs prédécesseurs. Et pourtant, il n'a pas bénéficié de l'appui de l'État qui s'est distingué par son absence », avoue Saleh
Barakat.
Ce sont donc en grande partie les galeries qui ont vu le jour ces dernières décennies qui ont contribué à l'éveil artistique d'une majorité de la population libanaise. Face aux jeunes qui prétendent représenter les premières vagues d'artistes libanais, car ils n'ont jamais eu des références visuelles à l'instar des musées, cet espace souhaite contredire ces allégations en présentant, aux profanes ainsi qu'aux professionnels du métier, ces pionniers de l'art pictural
libanais.

Passé et présent recomposés
«Ce mini-musée viendrait ainsi combler certaines lacunes en rassemblant les œuvres libanaises de la première partie du XXe siècle jusqu'à la période des artistes nés dans les années 50, ajoute Joseph Tarrab (critique d'art et responsable de Maqam). Les jeunes ne faisant pas partie de cette catégorie-là, puisqu'ils appartiennent à la période postmoderne et qu'ils sont présentés entre autres galeries par Agial».
Qualité, rareté et authenticité, voilà ce que propose l'esprit de Maqam, qui a pris place dans cette rue de Saïfi. Ainsi, un thème devra se déployer tous les deux à trois mois, permettant aux élèves d'écoles et d'instituts de venir tâter de près le passé pictural de leur pays.
Un espace à l'architecture des vieilles demeures libanaises et à la «muséographie» épurée et linéaire qui accueille des expositions collectives et non individuelles. Cet espace est destiné à jouer, parallèlement à son rôle de galerie marchande, un rôle culturel (par les thèmes choisis, les références visualisées et les catalogues accessibles). C'est pourquoi les responsables ont tenu à ne pas encombrer les murs, ni surcharger le lieu pour que chaque œuvre puisse avoir sa présence et son impact.
«Landscapes, Cityscapes» (Paysages ruraux et urbains) n'est ni une rétrospective ni une étude anthologique, mais un long travail visant à montrer les différentes sensibilités et perceptions des artistes
libanais.

La nature se ramifie
Une vingtaine de toiles affichées traduisent à travers le temps la vitalité et la richesse de l'art pictural libanais. Il s'agit d'abord des pionniers, comme Khalil Saliby, César Gemayel, Moustapha Farroukh, Omar Onsi, Saliba Doueihy et d'autres encore qui ont travaillé sur les effets de l'ombre et de la lumière à travers leur représentation de la nature. Autant dans la toile représentant la fontaine (Onsi) que dans celle de la vue panoramique (Farroukh) et les quatre petits formats de Georges Corm, ou encore L'arbre de pin de Youssef Hoyeck, c'est la lumière de la Méditerranée qui y est magnifiée. Plus tard, pour ceux qui ont suivi, l'illustration de la nature devenait un reflet de l'âme et non du sujet en lui-même peint sur la toile.
Des travaux sur papier mais avec un différent regard, comme ceux de César Gemayel et Aref Rayess; sur le thème de la nuit, comme ceux de Rayess, Charaf, el-Mir, Hussein Badreddine ou encore de Théo Mansour, lequel parvient à reproduire la nuit avec ses bruits et ses parfums. Mais aussi des œuvres plus récentes qui mettent l'accent sur les couleurs (Color Field Variations de Farid Haddad) ou de Georges Cyr. Ces montagnes (Khaddage, Cyr et Guiragossian), ces arbres (Guvder, Madi, Nabil Nahas ou Rima Amyuni), ces sentiers sinueux d'un village (Khalil Zghaib) ou encore la nature empruntant désormais le nom d'environnement, comme dans la composition de Marwan Rechmawi, sont des œuvres issues d'un même terreau qu'elles reviennent aujourd'hui fertiliser.
À travers ce temps suspendu, où passé et présent se confondent, le futur pointe déjà du nez.

* Maqam Lebanese Modern Art, Saifi Village, du mardi au vendredi de 14h00 à 19h00 et samedi de 12h00 à 17h00, jusqu'au 31 mars.Tél : 01/991212. www.maqamart.com
Pour réhabiliter cet art libanais moderne et lui redonner sa place de chef de file qu'il occupait au début du XXe siècle. Pour sortir certains grands artistes libanais (notamment les anciens) de l'oubli et les imposer face au marché chaotique créé par des grandes manifestations artistiques dans les pays de la région. Pour assurer la...

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