De la Crète à la Macédoine en passant par la Toscane et les jardins de l'Espagne, la musique fleurait bon la lumière et les couleurs vives et éclatantes.
Ouverture avec les Cinq danses grecques (op. 11b) de Nikos Skalkottas, lui qui a écrit trente-six danses en tout et qui furent son plus grand succès populaire et planétaire.
Élève d'Arnold Schonberg et de Kurt Weil, ce compositeur séduit aujourd'hui par l'alternance de la violence de ses rythmes, ses cadences variées, ses couleurs panachées et tranchantes. Entre corde patriotique et accents jaillis du cœur du folklore, ces danses (Epirotikos, Cretikos, Tsamikos, Kleftikos et Arkadikos) témoignent de l'élan et de la chaleur de vivre d'un peuple à la civilisation éblouissante et millénaire.
Avec le Concerto n'1 op. 99 pour guitare et orchestre de Maria Castelnuovo-Tedesco voilà trois mouvements (Allegretto, andantino-alla romanza, et Ritmico e cavalleresco) qui mettent en valeur l'art de pincer les cordes (clair hommage à Segovia après l'avoir rencontré en Espagne) certes, mais aussi clin d'œil à l'élégance de la voix de Boccherini pour une guitare aux notes délicates, futées et rapides comme un pas de chat, tout en équilibre périlleux, sur la charpente d'un toit...
Il y a aussi au second mouvement cette mélancolie, cette douce langueur pour (probablement) de tendres souvenirs en Toscane aux longs cyprès se balançant au vent du soir...
Pour conclure, feu des accords et des grands arpèges ibériques avec le dernier mouvement se déployant telle une farouche ballade d'un intrépide chevalier des chimères de Don Quichotte...
En bis, Iakovos Kolanian, tout en subtil art de tirer les sons les plus clairs et les plus émouvants de la guitare, a exécuté un brillant et flamboyant Asturias de Granados, du meilleur cru ibérique... Vifs applaudissements d'un public qui en redemandait encore...
Pour terminer la longue et majestueuse Symphonie n° 1 dite Levendia, dédiée au poète Costis Palamas, de Manolis Kalomiris, figure de proue de la musique grecque savante de la moitié du XXe siècle.
Quatre mouvements (Maestoso patetico, lento, scherzo et finale) pour traduire, en termes colorés, emphatiques et souvent d'une force extrême, tout le nationalisme grec, à travers une narration d'un lyrisme somptueux et grandiose où cuivres, percussions et instruments à cordes ont des mugissements et des déchaînements saisissants. Notamment ce « finale » en apothéose où interviennent les chœurs (du Conservatoire et de l'Université antonine sous la direction des pères Khalil Rahmé et Toufic Maatouk) en ce magnifique hymne du septième siècle byzantin à la Vierge Marie.
Nouveau tonnerre d'applaudissements, gerbe de fleurs au maestro et le public rejoint au-dehors la nuit où un grand croissant de lune argenté gèle de froid...