
Le président Joseph Aoun (g.), et le chef du Courant patriotique libre (CPL), Gebran Bassil, à Baabda, le 4 juillet 2025. Photo X / @LBPresidency
Le chef du Courant patriotique libre (CPL, aouniste), Gebran Bassil, a appelé à un retrait israélien du Liban-Sud et à la fin de la mainmise israélienne sur les ressources du pays, qui ouvriront la voie à un désarmement du Hezbollah selon lui, lors d'une visite vendredi au président Joseph Aoun au palais de Baabda.
« Pour que le Hezbollah remette ses armes à l’État, il doit y avoir un retrait des territoires libanais occupés, la fin des agressions israéliennes et de la mainmise sur nos ressources naturelles, qu’il s’agisse de l’eau, du pétrole ou du gaz », a affirmé M. Bassil dans un communiqué publié par son bureau de presse. «Il faut que chacun sente que ces armes n’ont pas été remises en vain, et que, transférées à l’État et à l’armée, elles nous protègent tous et défendent le Liban», a-t-il ajouté.
Cette déclaration est faite alors que l’État libanais tente de reprendre le monopole des armes à travers un dialogue engagé depuis Baabda avec le Hezbollah. Parallèlement, d’autres forces politiques libanaises, ainsi que des puissances occidentales et Israël, exigent un calendrier clair pour le désarmement.
Selon M. Bassil, pour que l’État fonctionne véritablement, «il faut un sentiment d’égalité et de justice, et les citoyens doivent avoir le sentiment que cet État se construit selon les principes qu’ils souhaitent, et qu’ils s’y sentent rassurés». Il a ainsi invité le Hezbollah à « saisir cette opportunité, afin que nous ayons tous le sentiment d’avoir gagné pour le Liban, et qu’aucun de nous ne soit perdant, car si l’un perd, nous perdons tous ». « Nous réaffirmons notre position de soutien au président et à la présidence. En tant que Courant patriotique libre et en tant que Libanais, nous sommes engagés dans la réussite de ses missions, et pour l’établissement d’un État de droit et de justice, dans lequel tous les citoyens se sentent protégés par la Constitution », a souligné le chef du CPL.
Abordant la question des migrants syriens et réfugiés palestiniens, M. Bassil a estimé qu’« il est naturel que le Liban réclame une solution à la question des réfugiés palestiniens et des déplacés syriens. Si certains affirment que la cause palestinienne est liée au conflit plus large du Moyen-Orient, la question des déplacés syriens, elle, n’est plus rattachée à rien : la guerre est terminée, le régime est tombé, les sanctions ont été levées, et leur retour doit désormais être immédiat et rapide, ce serait là un acquis national ».
Depuis la chute du régime de Bachar el-Assad le 8 décembre dernier, la pression s’est accentuée sur les réfugiés syriens présents au Liban pour qu’ils regagnent leur pays. En mars, le ministre libanais des Affaires étrangères, Joe Raggi, a déclaré que « le retour des réfugiés syriens n’est pas seulement possible, il est désormais impératif ». Après l’annonce par le président Donald Trump de la levée des sanctions américaines sur la Syrie le 14 mai, le sujet a refait surface au Parlement, où Gebran Bassil a appelé à adopter une loi imposant leur retour sous six mois, estimant que «le Liban a payé le prix de la crise syrienne et qu’il a le droit de bénéficier de sa résolution». Concernant les réfugiés palestiniens, les autorités libanaises se sont récemment mises d’accord avec le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, sur le désarmement des factions palestiniennes présentes dans les camps. Le processus devait débuter en juin, mais n’a pas encore commencé.
« Révision stratégique majeure » au sein du Hezbollah
Alors que publiquement, le Hezbollah continue de refuser son désarmement, trois sources proches du dossier ont indiqué à l'agence Reuters que le parti chiite avait entamé une « révision stratégique majeure » suite à la guerre l'ayant opposé entre octobre 2023 et novembre 2024 à Israël, et dans laquelle il a perdu une bonne partie de ses capacités, ainsi qu'un grand nombre de combattants et son chef Hassan Nasrallah.
Selon les informations obtenues par l'agence, le parti pro-iranien envisage de réduire son rôle en tant que mouvement armé, sans pour autant aller jusqu’au désarmement complet. Ces questions font l'objet de discussions internes qui ne sont pas encore finalisées et n'avaient pas encore été révélées, qui reflètent les fortes pressions exercées sur le Hezbollah. Un responsable au courant des discussions internes indique que le parti tient des réunions clandestines pour déterminer ses prochaines étapes.
Des petits comités se réunissent en présentiel ou à distance pour discuter de sa structure de commandement, de son rôle politique, de ses actions sociales et de développement, ainsi que de la question de son armement, selon cette source anonyme. Avec deux autres sources proches des débats, elles ont indiqué que le Hezbollah en est arrivé à la conclusion que son arsenal, conçu pour dissuader toute attaque israélienne, était devenu un handicap. « Le Hezbollah avait un excès de puissance », a déclaré l’une d’elles. « Toute cette force est devenue une faiblesse. »
Depuis l'entrée en vigueur de la trêve en novembre 2024, le Hezbollah a remis plusieurs dépôts d'armes dans le sud du Liban à l'armée libanaise, et les sources de Reuters affirment qu'il envisagerait maintenant de remettre une partie de son arsenal stocké dans d’autres régions du pays — notamment les missiles et les drones, considérés comme les plus menaçants pour Israël — à condition que l'État hébreu se retire du Liban-Sud et cesse ses attaques.
Cependant, le groupe ne rendrait pas la totalité de son arsenal, selon ces mêmes sources. Il entend conserver des armes légères et des missiles antichars, présentés comme un moyen de résistance face à de futures attaques. Un responsable européen au fait des évaluations effectuées par les services de renseignement indique, quant à lui, qu’il y a beaucoup de réflexions internes au Hezbollah, mais pas encore de décision claire. Il affirme que le statut militaire du groupe « fait partie de son ADN, et qu’il serait difficile d’en faire un simple parti politique ».
Visite réussie, il a eu sa photo dans le journal.
07 h 09, le 05 juillet 2025