« Pour comprendre la réalité des problèmes, suivez l’argent » (John Le Carré).
À la fin de l’année 2002, le Pentagone a diffusé une étude signée par Donald Rumsfeld et d’autres membres de l’administration qui estimait qu’en 2017, l’ennemi principal des États-Unis serait la Chine. Les extrapolations des analystes des centres de recherche militaires, après avoir introduit les données des tendances démographiques, économiques, technologiques et militaires, ont constaté que vers 2017, l’empire du Milieu commencerait à consommer trop.
La Chine et les États-Unis sont tellement imbriqués ensemble économiquement que l’empire du Milieu pourrait devenir un adversaire qu’on ne combat pas, mais qu’on pourrait isoler, encercler et mettre en état d’infériorité militairement.
Ce qui se passe depuis le début de la guerre d’Ukraine allant jusqu’à Gaza, au Liban, à la Syrie et finalement l’Iran n’est qu’une guerre mondiale asymétrique avec des implications géopolitiques et économiques majeures qui vise à assurer la continuité de l’hégémonie de l’empire américain, conserver l’unipolarité du monde, la suprématie du dollar et coloniser de nouveaux marchés pour une économie américaine en porte-à-faux écrasée par la dette. Comme ce qui s’est passé en Ukraine où en plus de l’accord des métaux rares et l’exploitation des ressources naturelles, le plus grand gestionnaire d’actifs au monde, BlackRock, est impliqué dans la reconstruction, l’agriculture et l’industrie, et cela avec des banques comme JP Morgan et des stratèges comme McKinsey.
L’encerclement de la Chine est déjà mis en place depuis des années. En plus de la présence de la marine américaine en mer de Chine ou sur des îles dans l’océan Indien comme Diego Garcia, les bases militaires américaines s’étendent du Japon à la Corée du Sud, à Guam, aux Philippines et d’autres zones à l’est. Du côté ouest, il y a des bases en Ouzbékistan, au Tadjikistan, au Turkménistan et au Kirghizistan qui servent aussi au brouillage électronique de la Chine.
L’Iran, de par sa situation géographique et ses richesses naturelles, forme un pont qui relie la Russie à la Chine et donc un membre primordial des Brics et de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS). Ajoutons à cela le pacte de coopération stratégique signé avec la Chine en 2021.
Géographiquement aussi, l’Iran – comme l’Ukraine – est un passage inclus dans l’initiative « Ceinture et route » chinoise qui a été contrée par le corridor indien inauguré en septembre 2023 juste avant le
7-Octobre. Sachant que l’Inde avait soutenu Israël dans sa guerre contre le Hamas à Gaza.
Donc il faut abattre l’Iran. Sous le prétexte de la menace nucléaire, la guerre a été initiée par Israël. Qu’on ne se trompe pas : ce sont les États-Unis qui font la guerre en utilisant Israël, et non l’inverse. Le régime iranien est invité à tourner sa politique vers l’Occident, sinon sa survie est en jeu. Les plans de Washington l’exigent.
Il faut détruire l’axe de résistance et dominer l’Iran pour assurer l’hégémonie étatsunienne sur l’Asie de l’Ouest et le Moyen-Orient, coloniser la Palestine, détruire les capacités militaires de l’Iran même en cas de changement de régime comme en Syrie, briser ce pont entre la Russie et la Chine, déstabiliser les Brics et leur projet de monnaie unique alternative, et surtout lancer un avertissement à tous ceux qui pourraient tenter de menacer les pétrodollars.
C’est le début d’une nouvelle ère : une ère de guerre froide – économique, commerciale, militaire et surtout technologique – avec la Chine. L’empire américain, alourdi par sa dette et ses problèmes sociaux domestiques, combat pour sa domination.
Il faut que le Hezbollah au Liban comprenne que ces événements le dépassent lui et des nations entières. C’est une guerre entre deux superpuissances, et dans ce cas-là, il faut garder la tête basse, comme le dit si bien un proverbe libanais. Il y a un changement important dans notre région où la formule ancienne depuis l’avènement du régime des mollahs en 1979 qui a nourri la rivalité et les guerres entre les sunnites et les chiites, avec tous les avantages que cela a fourni à l’Occident depuis, a changé.
Joindre militairement ce nouveau conflit serait non seulement suicidaire, mais absolument inutile et dangereux.
Ajoutons à cela qu’on ne peut pas combattre un empire qui soutient (même légèrement) l’armée nationale du Liban, qui est infiltré dans la plupart des institutions du pays, qui le contrôle, qui lui permet d’utiliser le dollar. Et surtout que lorsque cet empire cherche la stabilité du Liban, pour servir ses intérêts bien sûr, mais en même temps tend la main pour aider à faire sortir le pays de son gouffre économique qui dure depuis six ans où une classe politique pour la majorité corrompue n’a rien fait que s’enrichir encore plus aux dépens du peuple libanais. Pour une fois que les intérêts des États-Unis et du Liban convergent ! Il faut que le Liban saisisse l’occasion tout en sauvegardant sa souveraineté et en libérant ses territoires occupés, ce qui ne peut se faire que par la diplomatie.
Comme le dit si bien Paolo Coelho dans son Manuel du Guerrier de la lumière : « Toute la fureur de l’oiseau ne peut rien contre le chat. » Pour cela, il faut qu’on déclare notre neutralité, que le Hezbollah fasse preuve de sagesse et non d’idéologie, il faut qu’il se détache de l’Iran, qu’il redéfinisse l’intérêt national et chiite et qu’il livre officiellement ses armes aux autorités pour qu’on puisse bâtir un État fort qui pourra suivre les transformations régionales et en bénéficier.
Les Libanais doivent assimiler les métamorphoses qui viennent. Ils doivent aussi comprendre que leur modèle économique ancien est obsolète. Il faut avoir une vision économique et culturelle adaptée à l’avenir. Il faut investir dans l’agriculture et la protéger, dans les infrastructures, la technologie, l’industrie et l’exportation, et non seulement compter sur le tourisme. Il faut que le Liban produise.
Les Libanais doivent dialoguer ensemble et il faut que le Liban devienne un carrefour où toutes les religions se retrouvent et vivent en paix. Un modèle culturel où ils doivent apprendre à bannir la corruption de leur esprit pour qu’elle puisse être bannie des institutions publiques. Il est temps que la République libanaise renaisse de ses cendres et illumine le monde.
Le Liban n’a pas d’intérêt à parasiter les plans d’un géant en déficit, qui est tellement endetté que tout le monde prie tout bas pour sa réussite car sinon il entraînera la planète dans une catastrophe économique dévastatrice. Bref, un empire qui lutte pour sa suprématie et son monopole et qui applique la maxime de Lampedusa dans Le Guépard : « Pour que tout reste pareil, il faut que tout change. »
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