Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole

Les catalyseurs de l’esprit jamhourien

Discours prononcé à la promotion 2025 du collège Notre-Dame de Jamhour.

« Altius, fortius, virtus », Pierre de Coubertin.

Je m’appelle Robert Moumdjian, je suis de la promotion 1977. Mon grand-père était médecin des pères jésuites. Mon père était de la promotion 1945. Mon oncle est de la promotion 1943. Mes cousins Alain, Jacques et Malek ont tous achevé leur cursus à Jamhour, leurs fils et filles aussi. Mes tantes Lucienne et Nathalie ont enseigné au Petit Collège. Il est donc tout naturel que je sois avec vous ce soir.

Bonsoir la promotion 2025 ! Bonsoir le millésime 2025 !

Toutes les régions vinicoles du monde ont des années millésimées sauf le collège Notre-Dame de Jamhour où toutes les années sont millésimées.

« Ut vitam habeant, abundantius habeant » ; une phrase de l’Évangile selon saint Jean qui veut dire « Afin qu’ils aient la vie et qu’ils l’aient en abondance ». C’est la devise de mon autre alma mater, l’AUB, mais ça aurait pu très bien être celle de Jamhour.

Je vous fais part d’un petit secret : tous les parrains des promotions jamhouriennes précédentes ont été sollicités par le père recteur. A contrario, j’ai moi-même sollicité le révérend père recteur d’être le vôtre ! Je vous dirai à la fin de mon discours la vraie raison.

Vous sortirez ce jour de Jamhour dotés d’un diplôme des études secondaires, une vraie bombe intellectuelle qui explosera en sortant de ce bâtiment ; une énergie quasi atomique se déclenchera que vous ne saurez maîtriser ou dompter. Une arme redoutable qui vous amènera, bon gré mal gré, vers des sommets glorieux et grandioses. Attachez donc vos ceintures !

J’aimerais citer ces quelques phrases de mon ami et mentor Amin Maalouf, secrétaire perpétuel de l’Académie française : « Dans ma jeunesse, jamais je n’aurais imaginé qu’un jour j’éprouverais plus d’émotions encore en revoyant mon école qu’en revoyant ma propre maison (…) Dès les premières années qui ont suivi la fin de ma scolarité, j’avais constaté que j’éprouvais une joie réelle chaque fois que les hasards de la vie me mettaient en présence d’une personne qui me rappelait cette époque de ma vie. »

Vous êtes désormais atteints de la malédiction jamhourienne ; vous allez être reconnus immédiatement et jalousés ; vous ne saurez vous amuser qu’avec des jamhouriens.

Vous serez dignes, raffinés, beaux, élégants, articulés et incapables de fraterniser qu’avec les jamhouriens. Je citerai le poète Samaw’al Ibn Adiya : « On prétend qu’on est peu nombreux, je leur dirais que les âmes bien nées sont peu nombreuses. » Restons humbles...

J’aimerais vous parler des catalyseurs de l’esprit jamhourien.

1- Jamhour, bâtisseur de nations : pour bâtir un pays, il vous faudrait cinq ingrédients : bûcher fort, du pragmatisme, de l’intégrité, du civisme et de la méritocratie. Tous des qualificatifs de l’esprit jamhourien. Il vous incombe donc, à votre tour, de rebâtir ce pays sur des principes jamhouriens. Allez et semez à tout vent ! Récoltez éducation, culture, gloires et lauriers et revenez rebâtir le Liban sur des fondations fédératrices, altruistes et solides.

2- Jamhour et la foi : la vie n’est pas faite que d’instants de bonheur et de félicité, comme ceux que l’on vit aujourd’hui, il y aura, je vous le garantis, des hauts et des bas, et les bas viennent toujours en série. « Abyssus abyssum invocat » (« L’abysse entraîne l’abysse », Psaumes de David, Ancien Testament).

La foi qui nous a été inculquée par les jésuites saura vous donner la force de surmonter les épreuves abyssales de la vie. Ces épreuves vous feront, peut-être, remettre en question votre foi ; rappelez-vous que le doute est une partie et non la moindre de la vraie foi. Durant les sombres périodes de mon existence, mon meilleur copain fut le Saint-Esprit qui m’a tenu compagnie, « through thick and thin ».

Cette foi indéfectible, je la dois à Jamhour. Vous n’avez guère besoin d’aller à la messe pour prier ; chaque fois qu’un médecin sauve une vie, il prie. Chaque fois qu’un avocat libère un prisonnier innocent, il prie. Chaque fois qu’un ingénieur bâtit un pont solide et sécuritaire, il prie. Avant chaque opération, je prie le Saint-Esprit et il ne m’a jamais laissé tomber. Le vrai chrétien vit une vie chrétienne et non pas des apparences chrétiennes.

Cela dit, Jamhour n’a jamais été une école exclusivement pour les chrétiens : « Ad majorem Dei gloriam », ou « Pour la grande gloire de Dieu ». Traduisez cela en arabe vous aurez « Allah Akbar ».

3- Jamhour et le patriotisme : Amin Assouad, Jarjoura Moukarzel, Michel Jabre, Bachir Gemayel, tous des jamhouriens qui ont donné leur vie afin que l’on demeure ancrés dans cette terre plurimillénaire. Allez donc visiter le mur de la gloire, le mémorial des vaillants martyrs ici même à Jamhour. Ce patriotisme nous a été enseigné par des prêtres jésuites, pour la plupart français de mon temps. Chaque samedi, à 13h à la fin de nos cours, nous allions au pied de la statuette de la Sainte Vierge chanter l’hymne national et puis L’ombre s’étend sur la terre... Ce n’est pas un hasard que Jamhour ait produit tant de patriotes et tant de martyrs. C’est dans l’esprit d’abnégation, de générosité et du don de soi.

4- Jamhour et l’excellence, le surpassement ; et je cite de nouveau Amin Maalouf dans Nostalgies de Jamhour : « Je regrette que le pays qui nous était promis n’ait pas été suffisamment animé par l’esprit qui soufflait sur notre propre jeunesse au collège, celui de l’exigence éthique, de la rigueur intellectuelle et de la modernité raisonnée... »

J’aimerais, au risque de vous ennuyer, vous citer quelques-uns de vos prédécesseurs : Amine Maalouf ;

Philippe Jabre ; Raymond Debbané ;

Paul Hassoun ; Patrice Hassoun ; Carlos Ghosn ; Selim Eddé ; Salim Aractingi ; Mario Kassar ; Gabriel Yared ; Chebli Mallat ; Joe Masri ; Zafer Achi ; Joe Saddi ; Salim Bassoul ; Jacques Morcos…

Je pourrais vous réciter, des heures durant, ce chapelet interminable de géants.

Allez, semez à tout vent,

cultivez-vous, éduquez-vous. D’ailleurs, vous n’aurez guère le choix, l’esprit de Jamhour vous obligera à peupler Ponts et chaussées, Polytechnique, Harvard, Stanford, Berkeley, MIT, Columbia, NYU, la Salpêtrière, la Sorbonne... Édouard Herriot disait : « La culture, c’est ce qui demeure dans l’homme lorsqu’il a tout oublié. »

Tous ces gens-là ci-haut cités, que partagent-ils en commun ? Eh bien c’est le collège Notre-Dame de Jamhour, car à Jamhour, et pour paraphraser Cicéron, « l’excellence n’est pas une action, mais une tradition ».

La bombe intellectuelle... elle explosera ce soir, sauriez-vous la dompter ?

Depuis 1540, les jésuites, intellectuels de l’Église, se sont efforcés de répandre foi et culture par où sème le vent.

Nulle école n’a su si bien faire que celle du collège NDJ. Tout comme le jésuite doit se surpasser et se former pendant plus de 15 ans, pour être reçu dans la société de Jésus, les élèves du collège eux aussi se surpassent et j’en connais peu qui n’ont point laissé leur empreinte dans la société.

« Les papes noirs » ont su nous inculquer culture et curiosité du savoir ; Voltaire, Beaumarchais, Camus, Gide et Sartre étaient hors de question, mais l’arme à double tranchant des jésuites nous a incités inéluctablement à les lire aussitôt sortis du collège.

Vous êtes les fruits mûrs de cet arbre du savoir. Tout comme les hordes de l’intelligentsia et de l’élite culturelle francophone libanaise. Le maréchal Foch disait : « Il n’y a pas d’hommes cultivés, il n’y a que des hommes qui se cultivent. »

5- Jamhour « la secte », la confrérie : « Non nobis solum nati sumus » (« On ne naît pas que pour soi-même », Cicéron). En quittant Jamhour, vous allez sentir l’immense besoin de vous ressourcer. N’oubliez jamais, les jamhouriens s’entraident, L’amicale USA (JAUS), dont la devise est « An educated nation never dies », a envoyé grâce aux efforts colossaux de Gabriel Sara des millions de dollars à Jamhour « afin qu’ils aient la vie et qu’ils l’aient en abondance ».

Camus écrivait : « La vraie générosité envers l’avenir consiste à tout donner au présent. » Revenez visiter et cotisez-vous afin d’aider les élèves en besoin et pour permettre à Jamhour de demeurer un phare d’érudition au Liban.

6- Jamhour et le Liban : des écoles jésuites, il y en a partout au monde : en Égypte, en France, en Italie, à New York, Washington, Atlanta... À Jamhour, une alchimie unique a lieu, à savoir l’amalgame des jésuites et du Liban ; plus que 98 % de passage au bac français est unique à Jamhour.

Cette symbiose du Phénicien et de l’esprit de Jamhour fait que nos élèves jalonnent terres et mers pour aller acquérir une éducation.

Josette Saleh disait dans Les 6 001 Jours du Liban : « Il y a de ces lois mystérieuses de la géographie qui font que certaines régions de notre planète défendent pendant des millénaires leur vocation spirituelle, culturelle ou économique ; le Liban est l’un de ces pays privilégiés. Entre deux mers d’eau et de sable, il est île, refuge, abri. Entre les civilisations de l’Occident et l’Orient, il est point de convergence, relais, carrefour. »

Bammate dans Terres saintes clamait : « Rien ni personne n’est entré dans ce pays qui n’ait été transformé par lui. »

Charles Corm, ancien des jésuites et grand poète contemporain libanais, écrivait : « Notre apanage à nous, c’est notre patience, nos armes, nos blasons, c’est depuis six mille ans de penser, d’adorer et d’avoir conscience que le reste est néant. »

Jean Lacouture, historien de De Gaulle, Mauriac, Mitterrand et des jésuites, termina sa visite au Liban en disant : « Au Liban, même les pierres sont hospitalières ! »

Et le philosophe Khalil Gebran de couronner : « Si je n’avais pas de patrie, je choisirais le Liban comme patrie. »

Pour conclure, je vous ai promis de vous faire part de la raison pour laquelle j’ai sollicité de vous parrainer ; au risque de résonner comme un leitmotiv, j’aimerais vous réitérer en quelques points mon curriculum vitae : Jamhour, AUB, McGill University, Columbia University, Harvard, Cornell, Oregon Health Science University, expert auprès de l’Unesco en bioéthique et neurotechnologies, membre de la société neurochirugicale Massin, professeur invité au Vietnam, en Grèce, en France, AUB, Houston, Ottawa, Inde, Colombie, Singapour et j’en passe.

Je ne cite pas tout cela pour « me péter les bretelles », comme disent bien les Canadiens. Tout cela, je le dois à mon père et à Jamhour, et je cite dans le Hadith Nabaoui Charif : « Celui qui ne remercie pas autrui ne remercie pas Dieu. »

Alors, révérend père Marek, cher corps professoral, chers parents et chers amis jamhouriens, aujourd’hui je remercie Jamhour pour remercier Dieu !

Vive la promotion 2025 ! Vive le collège NDJ ! Et vive le Liban !

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Discours prononcé à la promotion 2025 du collège Notre-Dame de Jamhour.« Altius, fortius, virtus », Pierre de Coubertin.Je m’appelle Robert Moumdjian, je suis de la promotion 1977. Mon grand-père était médecin des pères jésuites. Mon père était de la promotion 1945. Mon oncle est de la promotion 1943. Mes cousins Alain, Jacques et Malek ont tous achevé leur cursus à Jamhour, leurs fils et filles aussi. Mes tantes Lucienne et Nathalie ont enseigné au Petit Collège. Il est donc tout naturel que je sois avec vous ce soir. Bonsoir la promotion 2025 ! Bonsoir le millésime 2025 ! Toutes les régions vinicoles du monde ont des années millésimées sauf le collège Notre-Dame de Jamhour où toutes les années sont millésimées.« Ut vitam habeant, abundantius habeant » ; une phrase de l’Évangile...
commentaires (2)

La famille Moumdjian au complet a frequente’’ jamhour et les jésuites depuis 1915 ; jamais ,au grand jamais avons - nous subi des abus , ou etions nous victimes de peres jesuites. La discipline fut rigoureuse oui, mais cette ecole a produit des géants dans tous les domaines et a moulu les hordes de l ‘intelligentia et de l ‘elite culturelle francophone libanaise

Robert Moumdjian

01 h 22, le 04 juillet 2025

Commenter Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • La famille Moumdjian au complet a frequente’’ jamhour et les jésuites depuis 1915 ; jamais ,au grand jamais avons - nous subi des abus , ou etions nous victimes de peres jesuites. La discipline fut rigoureuse oui, mais cette ecole a produit des géants dans tous les domaines et a moulu les hordes de l ‘intelligentia et de l ‘elite culturelle francophone libanaise

    Robert Moumdjian

    01 h 22, le 04 juillet 2025

  • Votre dévouement et enthousiasme sont touchants ! Mais il ne faut pas occulter la part sombre, très sombre du collège. Plusieurs pensionnaires surtout dans les années 50 60 ont été victimes, de prêtres jésuites. Par respect pour eux, disons le haut et fort.

    Citoyen lambda

    09 h 57, le 02 juillet 2025

Retour en haut