
Le défilé Zegna dans l'impressionnant Dubai Opera. Photo DR
Dubai Opera, nef de verre et de métal posée face à Burj Khalifa, est ce temple contemporain entre dunes numériques et faste baroque que Zegna a choisi pour présenter sa collection été 2026. Un défilé pas tout à fait comme les autres, pensé comme une traversée : de l’Oasi Zegna, sanctuaire naturel des Alpes italiennes, jusqu’aux lumières brûlantes de la métropole émiratie. Un passage entre deux mondes, entre la quiétude sylvestre et la démesure urbaine, entre le silence des feuillages et la rumeur de la ville.
Chez Zegna, tout commence avec une idée presque utopique. En 1910, Ermenegildo Zegna regarde une vallée sauvage du Piémont, et là où d’autres ne voient que broussailles et solitude, lui imagine un paradis écologique, industriel et humain. Il plante des milliers d’arbres, construit une route panoramique, rêve déjà à une entreprise textile enracinée dans le paysage. Cette vallée deviendra l’Oasi Zegna et plus d’un siècle plus tard, c’est encore elle qui murmure à l’oreille d’Alessandro Sartori, directeur artistique de la maison. Il n’y puise rien moins que sa vision.
« Vision », ce mot est partout dans le discours de Zegna. Pas une simple tendance, mais un projet esthétique et éthique. La collection Été 2026 est le fruit de cette pensée cultivée à flanc de montagne et transplantée dans le sable doré de Dubaï.
Quand les premiers invités pénètrent dans la Dubai Opera, c’est donc une oasis qui les attend. Rattan naturel, feuillages tropicaux, lumière diffuse filtrée par des voilages couleur sable. Le désert ici est doux, végétal, habitable. On est loin du cliché aride : Zegna réinvente le désert comme espace fertile, comme projection de ce qu’il pourrait devenir si la mode y semait ses idées.
Les silhouettes des mannequins glissent parmi les plantes comme des mirages en mouvement. Les coupes sont souples, les matières respirantes : lin lavé, soie technique, laine ultrafine. Des teintes de dune, de calcaire, de pistache fané. Le costume s’efface derrière des vestes kimono, des pantalons à plis généreux, des sahariennes revisitées. Le tailoring n’a jamais été aussi libre, aussi fluide, aussi nomade.
C’est là tout l’art de Sartori : garder l’élégance du geste tout en brisant les carcans. Son vestiaire ne s’adresse pas à un homme figé dans sa fonction, mais à un voyageur de l’imaginaire, qui pourrait aussi bien méditer sous un pin de l’Oasi qu’arpenter les galeries climatisées de Dubai Mall.
Vue du Dubai Opera. Photo DR
Quelques heures avant le show, dans les entrailles de l’Opera, les dernières retouches s’effectuent sous les arches. Alessandro Sartori circule entre les portants, fronce un tissu, remonte une manche, replace une écharpe de lin couleur sauge. La tension est douce, les gestes sûrs. À travers les miroirs de la loge, on croise le regard d’un modèle, lunettes oversize et manteau texturé. Tout est calme, presque silencieux. Ce n’est pas un chaos de backstage, c’est une chorégraphie bienveillante.
Sur les portants, des vêtements d’une blancheur céleste attendent leur entrée. Leur coupe rigoureuse contraste avec la légèreté de leur allure. On y sent le vent, la lumière, l’horizon. Il y a dans chaque pièce le souvenir d’un lieu – une clairière, une terrasse au soleil, un pas dans la poussière.
La collection Été 2026 n’a rien d’anecdotique. Elle marque un tournant dans la stratégie de Zegna : affirmer son identité de maison moderne, consciente, enracinée et tournée vers l’avenir. Le choix de Dubaï ne doit rien au hasard. La ville, avec son architecture futuriste, son goût du spectacle, sa capacité à accueillir l’impossible, devient un miroir de cette mode en mouvement. Zegna n’y vient pas pour épater, mais pour dialoguer : entre nature et béton, entre mémoire et innovation.
Sartori, avec sa maîtrise du vocabulaire classique masculin, ajoute des néologismes à la grammaire du style. Les sandales épaisses rencontrent les pantalons d’atelier ; les trenchs s’allègent jusqu’à devenir voiles. On pense à des nomades ultramodernes, à des navigateurs du désert numérique, à des promeneurs méditatifs. Rien n’est criard, rien n’est jetable. Chaque vêtement semble conçu pour durer, vieillir, évoluer avec celui qui le porte.
En convoquant les souvenirs d’un lieu réel, l’Oasi Zegna, et en les transposant dans un endroit aussi symbolique que Dubaï, la maison italienne réussit une synthèse rare : entre fidélité et audace, tradition et utopie. Le défilé devient alors plus qu’une présentation de mode. C’est une invitation à imaginer ce que pourrait être une élégance en harmonie avec son environnement. L’oasis se prolonge dès lors en un espace mental où l’on peut encore penser, créer, se projeter.
À travers cette collection estivale, Zegna entend créer un futur désirable. Pas celui des technologies froides, mais celui des gestes simples, des tissus justes, des dialogues sincères.