Critiques littéraires Bande dessinée

Asmahan : Une vie de diva

Le parti pris des autrices est de suivre l’enquête menée par le journaliste et écrivain Mohamed al-Tabai qui s’entête, malgré les menaces, à élucider ce qu’il considère comme un crime.

Asmahan : Une vie de diva

Qui a tué Asmahan ? Tel est le titre d’un album de bande dessinée écrit par l’autrice franco-tunisienne Nadia Hathroubi-Safsaf et dessiné par l’autrice libanaise Laure Ibrahim, publié aux éditions Alifbata.

Mais c’est aussi une vraie question, tant les circonstances de la mort d’Asmahan, survenue le 14 juillet 1944 dans un accident de voiture, sont troubles et soulèvent le doute. Sa vie elle-même est pleine de zones d’ombre : ne l’a-t-on pas dite espionne, au service d’un camp, puis de l’autre ? N’a-t-elle pas défié reines et hommes puissants : tous ceux qui pensaient pouvoir exercer sur elle un pouvoir illusoire ?

Si certains aficionados de la diva ont peut-être leur propre théorie sur les dessous de sa disparition, l’auteur de ces lignes avoue en savoir peu. Avant d’ouvrir l’album, il connaissait à peine la vie et la carrière d’Asmahan. Il a donc pu en tester la lecture comme une véritable découverte du parcours de la diva. Et le pari est réussi : cette biographie s’appuie sur une documentation abondante, tout en usant avec intelligence des outils de la fiction.

Le parti pris des autrices est de suivre l’enquête menée par le journaliste et écrivain Mohamed al-Tabai qui s’entête, malgré les menaces, à élucider ce qu’il considère comme un crime. Tous les personnages présents dans l’album ont existé, et al-Tabai lui-même a réellement publié un ouvrage de référence sur la chanteuse. Le choix d’en faire le fil conducteur du récit s’avère judicieux : derrière sa posture d’enquêteur, il devient aussi, à sa manière, un raconteur, celui qui cherche une cohérence dans la vie d’Asmahan, alors même que celle-ci semble insaisissable.

L’album adopte une forme narrative proche de celle des biographies en BD du duo Catel et Bocquet : c’est-à-dire une vie racontée en petites séquences, séparées par des ellipses parfois brèves, parfois longues de plusieurs années. Chaque fragment synthétise à sa façon une période. Et cette synthèse prend d’autant plus de force que les scènes paraissent volées au quotidien : naturelles, habitées, en mouvement.

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Les dialogues écrits par Nadia Hathroubi-Safsaf sont pleins de piquant. Les mots qu’elle met dans la bouche d’Asmahan portent toute la complexité de son personnage : chargés tour à tour de colère, d’humour, de révolte, d’assurance, d’aspirations ou d’ennui. Car la vie d’Asmahan, reflet de son tempérament, est bouillonnante et changeante.

Le dessin de Laure Ibrahim, quant à lui, est empreint de fraîcheur et d’inventivité. Son trait épais mène le regard vers l’essentiel : le jeu d’acteur des personnages. Et dans cet art, Laure Ibrahim excelle. Les personnages, Asmahan en tête, ne jouent pas de rôles : ils sont humains.

Après avoir refermé l’album, il ne nous reste plus qu’à redécouvrir avec une oreille et un œil neufs les enregistrements et les films de la diva.

Qui a tué Asmahan ? de Nadia Hathroubi-Safsaf et Laure Ibrahim, Alifbata, 2024, 112 p.

Qui a tué Asmahan ? Tel est le titre d’un album de bande dessinée écrit par l’autrice franco-tunisienne Nadia Hathroubi-Safsaf et dessiné par l’autrice libanaise Laure Ibrahim, publié aux éditions Alifbata.Mais c’est aussi une vraie question, tant les circonstances de la mort d’Asmahan, survenue le 14 juillet 1944 dans un accident de voiture, sont troubles et soulèvent le doute. Sa vie elle-même est pleine de zones d’ombre : ne l’a-t-on pas dite espionne, au service d’un camp, puis de l’autre ? N’a-t-elle pas défié reines et hommes puissants : tous ceux qui pensaient pouvoir exercer sur elle un pouvoir illusoire ?Si certains aficionados de la diva ont peut-être leur propre théorie sur les dessous de sa disparition, l’auteur de ces lignes avoue en savoir peu. Avant d’ouvrir l’album, il...
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