Même si les enjeux, les circonscriptions et la loi électorale ne sont en règle générale pas les mêmes, la tendance actuelle est de dire que les municipales ont constitué une sorte d’avant-première des législatives prévues en mai 2026. De l’avis de tous, c’est donc en prévision de celles-ci que la vraie bataille commence.
Indépendamment de ce que proclame chaque partie, tous les protagonistes s’emploient actuellement à scruter attentivement les résultats électoraux pour voir comment les améliorer en 2026. D’autant que le monde est en train de changer, l’actualité s’emballe et le Liban est forcément concerné. Les législatives de 2026 devraient donc déterminer son nouveau visage à travers un Parlement fraîchement élu. De l’avis de nombreux observateurs, au cours des onze prochains mois, chaque partie devrait donc chercher d’abord à définir ses points faibles et trouver le moyen d’inverser la tendance. C’est d’autant plus vrai que les municipales n’ont pas vraiment donné des résultats clairs et irréversibles.
Plusieurs exemples peuvent ainsi être avancés et examinés. La première leçon qui semble se dégager des élections dans toutes les régions du pays, c’est l’échec de ce qu’on a appelé les forces du changement ou de la société civile. Après les législatives de 2022 et la révolte populaire de 2019 et pour la première fois depuis des années, des députés dits du changement avaient fait leur entrée à l’hémicycle, et même s’ils n’étaient pas très nombreux, on pensait que le mouvement était lancé et qu’il devait forcément s’amplifier. Cela n’a pas été le cas dans le cadre des municipales, où ces forces ne faisaient pas vraiment partie du paysage politique, occupé par les familles et les partis traditionnels. Faut-il en conclure que les électeurs libanais sont réfractaires au changement politique et préfèrent continuer à suivre les mêmes partis avec des slogans qui remontent parfois aux années de guerre ? C’est ce que les forces du changement vont étudier au cours des prochains mois. Leurs divisions n’ont d’ailleurs pas renforcé leur crédibilité et elles devraient donc revoir leur copie.
La deuxième leçon que l’on pourrait tirer sur le plan sunnite, c’est qu’en dépit du retrait du courant du Futur et de son chef, Saad Hariri, les électeurs de cette communauté continuent à les préférer aux alternatives, lesquelles ne parviennent toujours pas à mobiliser la rue. Seule parmi les acteurs qui ont progressé au sein de la rue sunnite, la Jamaa islamiya a profité de la guerre à Gaza et au Liban et du soutien quasi instinctif des sunnites aux Palestiniens, dans ce cas précis au Hamas, pour renforcer son rôle sur le plan interne. Mais cette tendance est-elle appelée à se poursuivre au cours des prochains mois, surtout si un accord est conclu à Gaza ? Il est sans doute trop tôt pour le dire, et en attendant, tout semble indiquer que le Futur et son chef restent les plus populaires.
Sur le plan chrétien, les Forces libanaises avaient tendance à croire qu’elles se sont imposées comme la principale force politique. Elles ont remporté des victoires dans la plupart des villes ou localités où elles ont présenté des candidats, et très rapidement, les médias ont annoncé une régression dramatique du Courant patriotique libre. Toutefois, à Jezzine, qui constitue la seule bataille qu’il a ouvertement menée, le CPL a remporté la victoire avec l’aide d’Ibrahim Azar, face à une liste appuyée par les FL et les Kataëb et d’autres composantes. Est-ce un indice suffisant pour prédire ce qui se passera aux prochaines législatives ? Certainement pas, mais cela montre que rien n’est encore joué et que les résultats de mai 2026 dépendront en grande partie de ce qui se passera au cours des mois à venir, notamment des réalisations du gouvernement dont les FL font partie, et des développements dans la région.
Reste la rue chiite qui constitue, aux yeux de nombreuses parties internes mais aussi arabes et occidentales, le facteur déterminant pour la nouvelle orientation du Liban. On peut dire à ce sujet que les municipales n’ont pas montré une grande volonté de changement politique chez les électeurs de cette communauté. Au contraire, dans la plupart des localités à majorité chiite, notamment au Sud ravagé par la guerre, les électeurs ont tenu à exprimer leur soutien au tandem chiite, en dépit de leurs maisons et villages détruits et malgré l’absence de perspective réelle.
Et même lorsque ces listes ont subi des percées de candidats venant de listes rivales, celles-ci s’inscrivaient aussi dans « l’esprit de la résistance ». Est-ce à dire que les jeux sont faits pour 2026 ? Les avis sont partagés. Certains pensent qu’il faut intensifier les pressions sur cette communauté au cours des prochains mois et empêcher par conséquent le lancement du plan de reconstruction avant le désarmement du Hezbollah. Car cela devrait forcément pousser les chiites à vouloir en finir avec cette formation, ne serait-ce que pour pouvoir reconstruire leurs maisons. D’autres, au contraire, pensent qu’il faudrait accélérer le processus de reconstruction justement pour leur donner un avant-goût de ce que pourrait être la vie sans les armes du Hezbollah. Dans ce contexte, tous les partis scrutent les résultats et attendent de voir à quoi va ressembler le Parlement de 2026. Celui qui pourrait voter la normalisation avec Israël...
D’une part, en l’absence d’une force de dissuasion, Israël va poursuivre ses violations quotidiennes en maintenant sa mainmise sur les cinq points qu’il occupe au sud du pays. D’autre part les grands partis « dits politiques »ne sont en fait qu’une représentation officielle des trois grandes communautés du pays.
16 h 07, le 27 mai 2025