
Jodie Foster, Kristen Stewart et Scarlett Johansson, trois stars qui ont illuminé une fois de plus cette année la Croisette. Photos Reuters et AFP/Montage L’OLJ
Elles ont des choses à dire, des causes à défendre, entre les montées des marches et les photo shoots où elles savent briller. Retour sur Foster la francophone, Stewart la rebelle et Johansson l’intouchable.
Jodie Foster, un premier « grand rôle » dans la langue de Molière
C’est l’une des plus francophiles et francophones des actrices américaines, mais Jodie Foster a attendu d’avoir 62 ans pour tourner son premier « grand rôle en français » dans Vie privée, présenté hors compétition à Cannes.
Elle avait « peur » et cherchait derrière la caméra « quelqu’un qui (la) soutiendrait », a expliqué l’actrice de Taxi Driver, film pour lequel elle avait débarqué sans invitation à Cannes, du haut de ses 13 ans, et du Silence des agneaux.
Jodie Foster a appris la langue française adolescente, au Lycée français de Los Angeles. Elle interprète, dans ce drame psychologique de Rebecca Zlotowski, pur produit du cinéma tricolore, une psychiatre qui perd les pédales en menant une enquête sur l’une de ses patientes, morte subitement.
Celle qui a joué aux côtés de Robert De Niro, Mel Gibson ou Anthony Hopkins donne cette fois la réplique à des stars françaises : Daniel Auteuil, qui joue son ex, Virginie Efira et Mathieu Amalric, dans le rôle de la patiente et de son mari, ou Vincent Lacoste, dans celui de son fils. Le film sort en salle en France le 26 novembre.
Jodie Foster à la projection de « Vie privée » le 20 mai. Stéphane Mahé/Reuters
« Je cherchais un vrai film français, dit-elle dans un français parfait. Je ne voulais pas que ce soit une sorte de coproduction française et américaine, avec un gros budget, qui parle d’espions, avec de belles robes et tout... Ça ne m’intéresse pas ! Je voulais que ce soit un vrai film d’auteur, avec un vrai metteur en scène. »
L’heureuse élue est donc Rebecca Zlotowski, 45 ans, repérée en dirigeant Tahar Rahim et Léa Seydoux dans Grand Central en 2013, puis l’ex-escort Zahia Dehar dans Une fille facile en 2019 et Virginie Efira, déjà, dans Les enfants des autres en 2022.
Américaine amoureuse de la France, l’actrice contourne les questions politiques qui se sont imposées à Cannes depuis le discours anti-Trump de Robert De Niro à l’ouverture du festival. Elle le connaît bien, pour avoir commencé sa carrière, adolescente, à ses côtés dans Taxi Driver.
« Tout le monde a le droit de faire ce qu’il veut, nous avons tous nos façons de gérer la tragédie dans laquelle on est maintenant. Lui, bon, c’est un type de New York », la ville de Trump, répond-elle, interrogée sur cette prise de position. Elle-même préfère ne pas s’exprimer sur « quelque chose dont (elle) n’est pas experte ».
Même esquive sur Mel Gibson, un autre proche devenu un ultraconservateur assumé et que Trump a désigné, en janvier, pour être l’un de ses « ambassadeurs » symboliques à Hollywood. « Le fait que Trump utilise des artistes pour son bien, ce n’est pas tout nouveau. »
Kristen Stewart, un premier film sur « l’expérience très violente » d’être une femme
Qu’on ait ou non vécu les maltraitances subies par l’héroïne de son premier film, le très dur The Chronology of Water, adapté du livre éponyme et présenté cette année à Cannes, « être une femme est une expérience très violente » qui a guidé les premiers pas de réalisatrice de l’actrice américaine Kristen Stewart. Rebelle et libre, dans le choix de ses rôles autant que de sa vie amoureuse et ses orientations sexuelles, la jeune femme de 35 ans, tantôt brune, tantôt blonde, ambassadrice de Chanel depuis de nombreuses années, joue de son look, s’amuse, séduit, sans jamais perdre de sa profondeur.
Le long-métrage, que la star de la saga Twilight devenue figure du cinéma indépendant s’est battue pendant 8 ans pour faire exister, est tiré des Mémoires de la nageuse américaine Lidia Yuknavitch, dans lesquels elle raconte sa survie aux abus endurés durant son enfance. Que Lidia Yuknavitch soit « capable de prendre des choses vraiment laides, de les traiter et de produire quelque chose avec lequel on peut vivre, quelque chose qui a réellement de la joie », est inspirant.
Kristen Stewart en tailleur et short Chanel à la projection de « The Chronology of Water » le 16 mai. Photo Stéphane Mahé/Reuters
Le livre est un « véritable canot de sauvetage », poursuit la réalisatrice, qui a également écrit le scénario. « Je n’ai pas besoin d’avoir été agressée par mon père pour comprendre ce que cela signifie d’être dépouillée, d’avoir ma voix étouffée et de ne pas me faire confiance. Il faut beaucoup d’années pour que cela disparaisse », souligne Stewart. C’est l’actrice britannique Imogen Poots, « la meilleure de notre génération », qui joue ce rôle. « Elle est si luxuriante, si belle, et elle s’est tellement ouverte dans ce film. C’est une expérience très féminine », conclut la réalisatrice. « Je ne dramatise pas mais, en tant que femmes, nous sommes des secrets ambulants », conclut-elle.
Scarlett Johansson : les histoires doivent être racontées pour ne pas disparaître
Après Kristen Stewart, une autre star hollywoodienne, Scarlett Johansson, a présenté à Cannes son premier film de réalisatrice, Eleanor the Great, une réflexion sur le passage du temps et la nécessité de maintenir certaines histoires vivantes.
L’actrice June Squibb, 95 ans, incarne Eleanor, une vieille dame vivant en Floride dont la meilleure amie décède. Dévastée, elle déménage à New York, où elle ne parvient pas à renouer les liens avec sa fille.
« Eleanor dit que si elle ne raconte pas l’histoire (de son amie), personne d’autre ne le fera. Et à une époque où nous débattons constamment de qui a le droit de raconter l’histoire de quelqu’un d’autre, (...) nous devons aussi affronter le fait que les histoires doivent être racontées, sinon elles disparaîtront », précise Scarlett Johansson, également au casting du dernier film de Wes Anderson, en lice pour la Palme d’or. Découverte en 1998, lorsqu’elle apparaît à l’affiche de L’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux auprès de Robert Redford – elle décroche alors le Young Star Award décerné par The Hollywood Reporter –, cinq ans plus tard, elle accède au rang de star internationale aux côtés de Bill Murray dans le sublime Lost in Translation.
Ayant grandi à New York, Scarlett Johansson a pu facilement s’identifier « aux thèmes de l’identité juive », a-t-elle expliqué, s’inspirant de ses expériences personnelles pour étoffer le personnage d’Eleanor. « J’avais une grand-mère qui n’était pas exactement comme Eleanor, mais une personne vraiment formidable aussi – et parfois impossible –, dont j’étais très, très proche », a-t-elle confié, un brin aimable, un brin inaccessible.
Scarlett Johansson au Festival de Cannes le 20 mai. Benoît Tessier/Reuters
L’actrice qui, à 40 ans, a déjà tourné avec les plus grands cinéastes, de Woody Allen (Match Point, Scoop, Vicky Cristina Barcelona) aux frères Coen en passant par Christopher Nolan et Sofia Coppola, prouve avec ce premier film, proche de l’esprit du cinéma indépendant américain, qu’elle est aussi capable de s’éloigner des grandes productions, comme la saga des Avengers où elle interprète le rôle de Natasha Romanoff. « Je pense que je travaille depuis suffisamment longtemps pour ne plus avoir à me soucier de disparaître, ce qui est très libérateur. »
« Tous les acteurs sont extrêmement peu sûrs d’eux, c’est en partie pour cela (qu’ils) sont si convaincants », a ajouté Scarlett Johansson, qui dit aussi avoir pris beaucoup de plaisir à travailler avec June Squibb, une actrice « si vive » et « efficace ».
« Elle a rendu mon travail si facile, car je me suis rendu compte que je donnais des instructions à quelqu’un qui prenait des notes et les suivait depuis 70 ans », poursuit la réalisatrice.
Quant à savoir si Eleanor the Great lui permet à nouveau de rêver d’un Oscar : « Je rêve toujours d’un Oscar ! » répond-elle dans un éclat de rire. Et de conclure : « C’est un film sur l’amitié, sur le deuil, sur le pardon. Et je pense que ce sont tous des thèmes dont nous avons particulièrement besoin aujourd’hui (...) C’est un film que je trouve historique et également très actuel. »