
Capture d'écran des photos du barrage de Chabrouh à un an d'intervalle, d'après une vidéo qui circule sur les réseaux sociaux. Elle montre la différence frappante des niveaux d'eau entre 2024 et 2025.
La vidéo a fait le tour des réseaux sociaux il y a quelques jours : sur ces images, on aperçoit les eaux du barrage de Chabrouh, à Faraya, sur les hauteurs du Kesrouan, le 18 mai 2024, ainsi qu'un an plus tard, jour pour jour, à un niveau nettement plus bas, pris sous le même angle.
L’hiver 2024-2025 a été particulièrement pauvre en eau : à Beyrouth il est tombé cette saison 382,1 millimètres de pluie contre 1051,3 l’année dernière, et 822 comme moyenne sur trente ans, selon les chiffres de Météo-Liban. La neige a elle aussi été rare, et cela s’est naturellement répercuté sur les ressources en eau disponibles à la distribution cet été.
Jean Gebran, directeur de l’Office des eaux de Beyrouth et du Mont-Liban, a confirmé à L'Orient-Le Jour l'authenticité des images du barrage de Chabrouh. « Ce barrage n’a stocké cette année que 30 % de sa capacité, c’est-à-dire moins de deux millions de mètres cubes d’eau au lieu de sept millions normalement », déplore-t-il.
Pour le Kesrouan et une partie du Metn, les perspectives pour cet été s'annoncent sombres. « Nous essayons de compenser le manque par l’exploitation des puits de la région, mais ceux-ci ne peuvent au meilleur des cas assurer plus de 40 % des besoins », dit-il.
La situation n’est guère plus reluisante dans les autres régions : qu’il s’agisse de sources d’eau ou de barrages, le stockage de l’eau naturel ou artificiel ne dépasse pas les 30 % des capacités habituelles. Comme Chabrouh, le barrage de Qaissamani (caza de Baabda) présente un niveau d’eau très bas, selon Jean Gebran. Il indique que c'est également le cas pour des sources généralement abondantes comme Afqa, sur les hauteurs de Jbeil, ou dans les régions du Chouf et de Aley. « Même l’eau des puits que nous gérons est à un niveau plus bas que d’habitude, mais nous devons y avoir recours malgré les coûts supplémentaires de leur exploitation », explique-t-il.
Une eau plus rare, de piètre qualité et plus chère
Le haut fonctionnaire se dit inquiet de la tendance grandissante à la sécheresse et au bouleversement du régime des précipitations. « Au Liban et ailleurs, on constate graduellement que 80 % des pluies annuelles tombent d’un coup, et non de manière étalée dans le temps comme par le passé, ce qui entrave la pénétration de l’eau dans le sol et le réapprovisionnement des nappes phréatiques et des sources », dit-il. Quant aux barrages existants, ils devraient être remplis par la fonte des neiges : or un manteau neigeux moins abondant et une fonte rapide due à la hausse brutale des températures compromet ce renflouement.
La conséquence est prévisible : un rationnement sévère. « Nous nous voyons contraints de ne fournir l’eau aux ménages qu’environ trois fois pas semaine actuellement, et probablement deux fois à mesure que l’été avance », précise Jean Gebran. Et même en faisant cela, il craint que les ressources suffisent à peine à répondre à la demande d’ici à septembre prochain. « Nous tentons de distribuer l’eau de manière à ce que les ressources puissent durer jusqu’à la saison prochaine des pluies », généralement en septembre, souligne-t-il.
Plus encore que d’habitude, la population aura recours à l’achat de citernes d’eau, prédit le responsable. D’où provient cette eau si l’État n’y a pas accès ? « Elle provient essentiellement de puits privés – et parfois illégaux – dont le niveau d’eau est tout aussi bas cette année que dans les autres sources », répond-il. Il ajoute : « Cela signifie malheureusement que cette eau sera plus rare, de piètre qualité, et qu’elle s’échangera à prix élevé, du fait de la pénurie générale. Nos puits sont régulièrement stérilisés et traités, mais les autres ne sont pas contrôlés. »
Non seulement l’application ne présente qu’une partie de l’article mais aussi le tableau est flou quand on essaie de l’agrandir en zoomant dessus
11 h 22, le 26 mai 2025