
Le président Joseph Aoun et son homologue palestinien, Mahmoud Abbas, lors de leur entretien à Baabda, le 21 mai 2025. Mohammad Yassine/L’OLJ
Un pas (de plus) vers le monopole des armes par l’État libanais vient d’être fait par... l’Autorité palestinienne. Mercredi, au premier jour d’une visite officielle de trois jours à Beyrouth, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, s’est entretenu avec le chef de l’État, Joseph Aoun, au palais de Baabda. Les deux présidents ont par la suite assuré, dans un communiqué conjoint, qu’il n’y aurait plus d’armes échappant au contrôle de l’État libanais. Une déclaration faite alors que Beyrouth s’est engagé à récupérer le monopole de toutes les armes, notamment par le désarmement du Hezbollah.
Après le démantèlement de l’arsenal du parti chiite au sud du Litani, la démilitarisation des camps palestiniens est perçue comme la deuxième étape de ce chantier, avant de passer aux armes du Hezbollah sur le reste du territoire. Cette visite de M. Abbas est la première depuis 2017 au pays du Cèdre, qui abrite quelque 220 000 réfugiés palestiniens vivant dans des camps surpeuplés échappant au contrôle des autorités libanaises. Le président de l’Autorité palestinienne s’est rendu à Baabda dès son atterrissage à l’Aéroport international de Beyrouth, où il a été accueilli par le ministre des Affaires étrangères, Joe Raggi.
Dans leur communiqué conjoint – qui montre que les deux présidents sont sur la même longueur d’onde –, MM. Aoun et Abbas « proclament leur conviction que l’ère des armes échappant à l’autorité de l’État libanais est révolue ». M. Abbas a également réaffirmé « son engagement à ne pas utiliser le territoire libanais comme point de départ pour toute opération militaire et à respecter la politique déclarée du Liban, consistant à ne pas s’ingérer dans les affaires des autres pays et à se tenir à l’écart des conflits régionaux ». Suite à deux tirs de roquettes non revendiqués en mars depuis le Liban-Sud vers Israël, plusieurs Palestiniens – dont des membres du Hamas – ont été arrêtés par les autorités libanaises. S’il n’est pas clair si ce mouvement palestinien a lui-même commandité ces attaques, le conseil supérieur de défense a formulé, début mai, une mise en garde historique au Hamas.
« Paix juste et stable »
Toutefois, au-delà de cette position de principe, aucune mesure concrète ou calendrier n’ont été annoncés dans le communiqué. Un responsable gouvernemental libanais avait indiqué plut tôt mercredi à l’AFP que M. Abbas évoquerait « la mise en place d’un mécanisme pour rassembler les armes et les retirer des camps ». En vertu d’un accord tacite, la sécurité dans les camps de réfugiés est assurée par des factions palestiniennes, où le Fateh de Mahmoud Abbas mais également le Hamas et d’autres groupes armés palestiniens sont présents. Dans ce cadre, une source du Fateh a affirmé, dans la soirée, à la chaîne al-Arabiya que l’Organisation pour la libération de la Palestine « est prête à contrôler les armes dans les camps palestiniens au Liban ».
Il faut noter que M. Abbas ne représente pas nécessairement la position du Hamas, grand rival du Fateh, disposant d’une présence armée notable au Liban. Interrogé par l’AFP, un responsable du Hamas au Liban, Ali Barakeh, a réclamé une « approche globale » de la question de la présence palestinienne au Liban, qui ne serait pas « limitée au dossier des armes ou de la sécurité ». « Nous respectons la souveraineté, la sécurité et la stabilité du Liban, mais demandons en même temps la garantie des droits civils et humains » des Palestiniens, auxquels le Liban interdit notamment d’exercer des dizaines de professions, a-t-il dit.
Dans leur communiqué, les deux présidents ont rappelé « les relations fraternelles entre les peuples libanais et palestinien » et « leur engagement commun à renforcer la coopération et la coordination à différents niveaux ». Ils ont aussi insisté sur « la nécessité de parvenir à une paix juste et stable dans la région, afin de permettre au peuple palestinien d’établir son État indépendant, conformément aux résolutions internationales ». MM. Aoun et Abbas ont aussi indiqué qu’ils « reconnaissent à tous les pays et à tous les peuples de la région leurs droits légitimes », comme le précise le communiqué, sans plus de précision. Les deux responsables ont de plus condamné la poursuite de l’agression israélienne contre la bande de Gaza, « qui a entraîné de lourdes pertes humaines et une catastrophe humanitaire sans précédent ». Ils ont appelé la communauté internationale « à prendre des mesures immédiates et sérieuses pour y mettre fin et assurer la protection totale des civils palestiniens ». MM. Aoun et Abbas ont souligné dans ce cadre la nécessité « d’activer le rôle des Nations unies et de ses institutions pour assurer la protection du peuple palestinien et veiller au respect du droit international et à la mise en œuvre des résolutions de la légitimité internationale ».
Pression sur Israël
Ils ont enfin condamné les attaques israéliennes répétées contre le Liban et appelé la communauté internationale, en particulier les États-Unis et la France, « à faire pression sur Israël pour qu’il mette en œuvre l’accord de cessation des hostilités conclu en novembre 2024 sous le parrainage des deux pays, notamment le retrait des collines occupées par Israël et le retour des prisonniers libanais, afin de permettre à l’armée libanaise d’achever son déploiement jusqu’aux frontières internationalement reconnues, en application de la résolution 1701 du Conseil de sécurité, dont le Liban s’est engagé à respecter l’intégralité des dispositions ».Dans une interview accordée dimanche soir à la chaîne égyptienne « ON TV », le président Aoun avait insisté sur le fait que seul l’État devait avoir « le monopole des armes ». Il a annoncé que l’armée libanaise avait démantelé six camps d’entraînement d’organisations palestiniennes situés hors des camps de réfugiés.
ABBAS ? IL NE REPRESENTE QUE SA PERSONNE.
13 h 26, le 22 mai 2025