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Nos Lecteurs ont la Parole

Beyrouth, le feu et la lumière

Le jeudi 15 mai était organisée, par l’Institut français, la Nuit des idées, entre les murs de Beit Beirut, ce musée qui n’était autrefois que l’emblématique immeuble Barakat, aussi appellé la Maison jaune.

L’immeuble Barakat, dans le secteur de Sodeco, fait l’angle entre la rue de l’Indépendance et la rue de Damas : un croisement particulièrement, multiplement symbolique ;

d’autant plus symbolique que la coïncidence est fortuite, une ironie de l’histoire.

Historiquement, Damas (entendre les régimes qui s’y sont succédé), s’est toujours opposé, ne serait-ce que par les actes, à l’indépendance du Liban, qu’il s’est acharné à saper.

La rue de Damas longe, et séparait, ce qui était pendant la guerre Beyrouth-est, la zone majoritairement chrétienne de Beyrouth, et Beyrouth-ouest, la zone majoritairement musulmane ; elle divise. Alors que la rue de l’Indépendance, coupe la rue de Damas pour traverser Beyrouth d’un côté à l’autre ; elle joint.

Du fait de son emplacement, le très bel immeuble Barakat, immeuble bourgeois de style néo-

ottoman construit dans les années 1920-1930, a servi d’avant-poste aux combattants chrétiens, dans ce secteur particulièrement chaud de la ligne de démarcation et offrait tant par son emplacement que par son architecture un abri de choix aux francs-tireurs.

Ces mêmes murs acceuillaient, cette nuit-là, un public cultivé, intellectuel, sensible et de brillants intervenants.

Je suis arrivé au moment où l’ancienne ministre française de la Culture commençait à lire une sélection de poèmes. Un violoniste jouait entre deux lectures. À l’entracte, j’ai vu dans l’assistance mes profs de fac. Il s’en est suivi une discussion, animée par le rédacteur en chef de L’Orient-Le Jour, entre le journaliste Pierre Haski et la romancière Dominique Eddé qui a ravi l’assistance avec sa verve et son humour ; en même temps, un dessinateur humoristique illustrait leurs propos et projetait ses dessins sur un écran. Il fut question de notre époque, de notre région, de Palestine, d’Israël, de la guerre, de la paix, etc.

À la fin de la soirée, Nasri

Sayegh, DJ, artiste, auteur, acteur, s’est mis derrière les platines, pendant que ses vidéocollages étaient projetés sur un grand écran. Ce dernier a récemment joué dans un film, Le Quatrième Mur, adaptation du roman éponyme de Sorj Chalandon, le rôle (un peu caricatural) de Joseph Boutros, un chef de milice chrétienne. Dans une des scènes, filmée dans ce même immeuble Barakat, on le voit en treillis derrière un mur, tirer à travers un trou.

Le contraste frappant, pour qui pouvait le voir, entre Joseph Boutros et Nasri Sayegh, entre le rôle et l’acteur, entre cet avant-poste militaire qu’était l’immeuble Barakat pendant la guerre, et le lieu de rencontre et de culture qu’il est aujourd’hui, entre les hommes qu’il a abrités à l’époque et le public qu’il accueille aujourd’hui, m’a troublé.

J’y pensais encore, en sortant, quand m’est venue à l’esprit une phrase célèbre de Bachir Gemayel, le vrai chef de la « milice chrétienne » : « Nous sommes les saints de cet Orient et ses diables, sa lumière et son feu, capables de le brûler si on nous brûle, et de l’éclairer si on nous laisse être libres. »

Au plus fort de la guerre, il parlait des chrétiens, mais elle est valable pour tous les Libanais. Capables du pire et du meilleur, d’être le feu qui brûle et la lumière qui éclaire.


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Le jeudi 15 mai était organisée, par l’Institut français, la Nuit des idées, entre les murs de Beit Beirut, ce musée qui n’était autrefois que l’emblématique immeuble Barakat, aussi appellé la Maison jaune.L’immeuble Barakat, dans le secteur de Sodeco, fait l’angle entre la rue de l’Indépendance et la rue de Damas : un croisement particulièrement, multiplement symbolique ;d’autant plus symbolique que la coïncidence est fortuite, une ironie de l’histoire.Historiquement, Damas (entendre les régimes qui s’y sont succédé), s’est toujours opposé, ne serait-ce que par les actes, à l’indépendance du Liban, qu’il s’est acharné à saper. La rue de Damas longe, et séparait, ce qui était pendant la guerre Beyrouth-est, la zone majoritairement chrétienne de Beyrouth, et Beyrouth-ouest, la zone...
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