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Parcours de Golfes

Le businessman américain est un monsieur qui, durant la matinée, parle de golf au bureau et qui, le reste de la journée, discute affaires sur le terrain de golf (Jerry Lewis).

Donald Trump a beau être un as de l’immobilier, il a visiblement de sérieux problèmes avec la géographie. Et aussi avec l’histoire.

Comme si de vouloir transformer les ruines de Gaza en scintillante Riviera n’était pas encore assez, il a hargneusement débaptisé le Golfe du Mexique pour en faire celui d’Amérique. Et voici qu’à la veille même d’entreprendre sa tournée des royaumes pétroliers du Moyen-Orient, il envisage de soumettre le golfe Persique à la même et abrupte opération de rebranding, pour en faire celui d’Arabie. En écartant d’un revers de main deux millénaires de références cartographiques universellement reconnues et respectées, le président américain a réussi le tour de force d’unifier les Iraniens dans une même protestation indignée, en même temps qu’il s’attirait les risées des humoristes de la télé. Reste à savoir si ce précédent a tout de même de quoi mettre d’humeur houleuse l’océan Indien, ainsi que les mers Rouge, Blanche et Noire, pour n’en citer que quelques unes …

Toujours est-il que c’est sous le double signe du bizness et de la diplomatie que le président des États-Unis a débarqué mardi en Arabie saoudite, première étape d’un périple qui le mènera à Qatar et dans les Émirats unis. Il se promet de moissonner des centaines de milliards de dollars en gigantesques achats d’armements et en investissements générateurs d’emplois dans une économie américaine affectée par les mesures protectionnistes qu’a décrétées Washington. Et comme les affaires familiales coexistent fort bien avec ce partenariat stratégique, c’est un chapelet de terrains de golf ultrasélects et de tours Trump que le gendre Jared Kushner ambitionne de faire fleurir tout le long de l’itinéraire présidentiel. Sourd aux nombreuses accusations de corruption, le chef de la Maison-Blanche a néanmoins dû préciser qu’il n’userait qu’à titre temporaire du Super Jumbo, véritable palace volant, que lui a offert la famille royale de Qatar en remplacement des Air Force One qui prennent de l’âge …

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Force est de reconnaître cependant que tout ne se résout pas aux gros sous. Rarement en effet la diplomatie très personnelle que pratique Donald Trump n’aura aussi visiblement démenti ses premières velléités d’isolationnisme. Tout en discutant avec l’Iran, Washington a pris langue avec les houthis et puis avec le Hamas, obtenant ainsi la libération d’un de ses ressortissants retenu en otage à Gaza : tout cela en court-circuitant le partenaire israélien, privé cette fois de la rituelle, de l’incontournable escale présidentielle à Tel-Aviv. Si Trump n’a encore rien de neuf à proposer pour Gaza, s’il songe par contre à alléger les sanctions frappant la Syrie, il se dit tout disposé à pousser une pointe à Istanbul pour y aider négociateurs russes et ukrainiens à s’entendre. Et maintenant qu’Indiens et Pakistanais, à leur tour, se sautent à la gorge, le pompier Trump se porte volontaire pour maîtriser un tout nouveau foyer d’apocalypse nucléaire : pour clôturer en beauté, bâton de golf en mains, son théâtral parcours de 18 trous.

* * *

Alors Persique ou Arabique en fin de compte, cette étendue d’eau salée par où transite le brut et qui revêt une aussi exceptionnelle importance stratégique ? Qu’on n’y voie nulle malice ou offense aux susceptibilités des uns ou des autres mais pour nous Libanais, ce serait plutôt kif-kif. Pour désigner cette région bénie du dieu pétrole, n’avons-nous pas d’ailleurs pris le pli de dire le Golfe tout court (al Khalij) sans autre précision ? Et l’essentiel ne réside-t-il pas ailleurs que dans les appellations décernées par convention aux caprices géologiques de notre bonne vieille Terre ?

Cet essentiel-là est d’une infinie simplicité. Pour imparfaite et même approximative qu’elle puisse être, la démocratie libanaise n’a évidemment aucune sorte d’affinité avec les deux modèles de systèmes qu’offrent l’Iran et l’Arabie saoudite. Le premier s’est acharné à prendre le Liban en otage, à en faire sa chair à canon. La seconde, de concert avec les autres monarchies du Golfe, héberge depuis des décennies des centaines de milliers d’expatriés libanais. Mieux encore, c’est en franchissant le portail du Golfe que le Liban rescapé des chemins de traverse persans se réinsère dans son environnement arabe. Et si le retour de l’enfant prodigue suscite tant de chaleureux témoignages de bienvenue, c’est en bonne partie parce qu’après toutes ces années de décrépitude, de faiblesses et d’abandon, le pouvoir libanais a enfin retrouvé ces trésors perdus, bien plus précieux en vérité que tout le contenu des coffres de la Banque mondiale et du FMI : respectabilité, crédibilité, fiabilité.

Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

Le businessman américain est un monsieur qui, durant la matinée, parle de golf au bureau et qui, le reste de la journée, discute affaires sur le terrain de golf (Jerry Lewis).Donald Trump a beau être un as de l’immobilier, il a visiblement de sérieux problèmes avec la géographie. Et aussi avec l’histoire.Comme si de vouloir transformer les ruines de Gaza en scintillante Riviera n’était pas encore assez, il a hargneusement débaptisé le Golfe du Mexique pour en faire celui d’Amérique. Et voici qu’à la veille même d’entreprendre sa tournée des royaumes pétroliers du Moyen-Orient, il envisage de soumettre le golfe Persique à la même et abrupte opération de rebranding, pour en faire celui d’Arabie. En écartant d’un revers de main deux millénaires de références cartographiques universellement reconnues et...