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Politique - Décryptage

Entre la France et le Hezbollah, les relations sont maintenues malgré les critiques

La déclaration du président français le 7 mai lors de la conférence de presse avec le président syrien a pris de court le Hezbollah. Surtout qu’Emmanuel Macron a parlé de « la nécessité de faire face au Hezbollah et de limiter son influence » avec Ahmad el-Chareh, lequel ne semble pas pardonner au parti chiite son rôle actif aux côtés du précédent régime des Assad. Y a-t-il un lien entre les deux positions ? L’Occident, par la voix du président français, aurait-il donné un feu vert à Chareh pour attaquer le Hezbollah ? Autant de questions que se sont sûrement posées les responsables du parti chiite. Il leur a d’ailleurs fallu deux jours pour digérer le choc et réagir par le biais d’un communiqué de Ammar Moussaoui, chargé des relations arabes et internationales de la formation, dans lequel il n’a pas ménagé ses critiques à l’adresse d’Emmanuel Macron.

Pour le Hezbollah, le choc était grand pour deux considérations. La première consiste dans le fait que parmi les dirigeants occidentaux, généralement hostiles au parti, Macron est l’un des rares à avoir conservé des relations directes avec lui. De même, depuis des années, la France est l’un des États européens qui insiste pour ne pas mettre tout le Hezbollah sur la liste des organisations terroristes, se contentant de limiter sa nomination à la branche militaire de la formation. La seconde considération est la crainte du Hezbollah d’une éventuelle attaque contre lui dans la Békaa à partir du territoire syrien. En effet, depuis le renversement du régime Assad et l’arrivée au pouvoir de l’ancien chef de Haya’at Tahrir el-Cham – contre laquelle le Hezbollah s’était battu pour défendre son allié, mais surtout la voie de passage entre la Békaa et l’Iran que représente pour lui la Syrie – les dirigeants de la formation reçoivent, selon des sources proches d’eux, des signaux agressifs qu’ils ne peuvent ignorer.

Il y a même eu quelques escarmouches le long de la frontière est. De plus, selon plusieurs sources concordantes, durant chaque rencontre entre des personnalités libanaises et des responsables syriens, ces derniers évoquent sans détour le rôle du Hezbollah en Syrie et la nécessité de lui demander des comptes. Plus même, certains milieux du Hezbollah précisent que le nouveau pouvoir en Syrie pourrait chercher à lancer une attaque contre la formation à partir de la Békaa et du Nord, pour gagner les faveurs des Occidentaux, en particulier les Américains et les Européens, tout en servant indirectement les intérêts israéliens. Certains vont même jusqu’à affirmer qu’un tel projet pourrait même obtenir l’aval des États du Golfe qui n’ont jamais vu d’un bon œil l’influence importante du Hezbollah au Liban.

Pour certaines parties libanaises, l’insistance du Hezbollah à parler d’une menace venue de Syrie pourrait n’être qu’un nouveau moyen de chercher à justifier la conservation de ses armes. Selon cette thèse, le Hezbollah a visiblement décidé de ne pas riposter aux violations israéliennes et de donner une chance aux négociations diplomatiques, laissant ainsi entendre qu’il renonce à ses armes dans la zone au sud du Litani. Ce qui réduit forcément les risques d’une nouvelle confrontation directe entre lui et les Israéliens. Il aurait donc besoin d’un nouvel argument pour justifier le maintien de ses armes.

Que cette interprétation soit vraie ou non, la déclaration du président français intervient dans un contexte délicat et confus, au moment où les relations entre le nouveau pouvoir en Syrie et les dirigeants libanais ne sont pas encore claires, en raison d’un lourd passif au cours des décennies précédentes. Principal visé par cette déclaration, le Hezbollah a aussitôt multiplié les contacts avec des canaux communs pour tenter de connaître les raisons de cette déclaration... avant de réagir par un communiqué assez virulent sur la forme plus que sur le fond. En effet, les précisions parvenues à la fois aux dirigeants libanais et au Hezbollah sont plutôt rassurantes.

Les Français ont ainsi rappelé que la position d’Emmanuel Macron est inchangée. Ce dernier soutient clairement et totalement le président libanais Joseph Aoun dans sa volonté de privilégier le dialogue au sujet des armes et de donner la priorité à la stabilité du Liban. Des sources diplomatiques françaises rappellent que dans une tentative de rapprocher les points de vue et de faciliter le dialogue entre le Liban et le nouveau pouvoir en Syrie, Macron avait établi une conversation à trois entre lui, Joseph Aoun et Ahmed el-Chareh lorsqu’il a reçu le président libanais à l’Élysée, le 28 mars. De plus, la France a réitéré à plusieurs reprises sa demande pour la protection des minorités en Syrie et au Liban. Sa position à l’égard de ce qui se passe à Gaza est également claire, et le ministre français des Affaires étrangères a même déclaré récemment que son pays pourrait envisager de prendre des sanctions contre les Israéliens à cause de ce qui se passe dans l’enclave.

De même, concernant le Liban, la France pousse en faveur de la délimitation des frontières avec la Syrie, parce qu’elle estime que ce serait un gain pour le pays du Cèdre. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle elle a remis au Liban des cartes datant de 1920 pour faciliter le processus de délimitation. Et sa position en faveur du Liban, de sa stabilité et de son État, ne peut pas être remise en question. C’est d’ailleurs, dans le cadre de l’intérêt qu’elle porte au Liban que la France organise aujourd’hui à la Résidence des Pins à Beyrouth une réunion du Quintette, élargie à d’autres États qui ont des bataillons au sein de la Finul comme l’Italie et l’Espagne, pour évoquer des sujets libanais qui intéressent la communauté internationale, comme les réformes et évidemment des dossiers sécuritaires communs. Même si elle est critique à l’égard du Hezbollah, la position reste donc la même, la France maintient les contacts avec la branche politique de cette formation et elle fait tout ce qu’elle peut pour favoriser la stabilité au Liban.

La déclaration du président français le 7 mai lors de la conférence de presse avec le président syrien a pris de court le Hezbollah. Surtout qu’Emmanuel Macron a parlé de « la nécessité de faire face au Hezbollah et de limiter son influence » avec Ahmad el-Chareh, lequel ne semble pas pardonner au parti chiite son rôle actif aux côtés du précédent régime des Assad. Y a-t-il un lien entre les deux positions ? L’Occident, par la voix du président français, aurait-il donné un feu vert à Chareh pour attaquer le Hezbollah ? Autant de questions que se sont sûrement posées les responsables du parti chiite. Il leur a d’ailleurs fallu deux jours pour digérer le choc et réagir par le biais d’un communiqué de Ammar Moussaoui, chargé des relations arabes et internationales de la formation, dans lequel il...
commentaires (6)

Au lieu d’envisager une éventuelle frappe contre le Hezbollah dans la Békaa, le président, coupeur de gorges, ferait mieux de riposter aux bombardements israéliens quasi-quotidiens contre Damas. Et puis il a tout intérêt à sortir de son silence au sujet des nouveaux territoires syriens occupés récemment par Israël.

Hitti arlette

13 h 46, le 12 mai 2025

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Commentaires (6)

  • Au lieu d’envisager une éventuelle frappe contre le Hezbollah dans la Békaa, le président, coupeur de gorges, ferait mieux de riposter aux bombardements israéliens quasi-quotidiens contre Damas. Et puis il a tout intérêt à sortir de son silence au sujet des nouveaux territoires syriens occupés récemment par Israël.

    Hitti arlette

    13 h 46, le 12 mai 2025

  • FAUT ENVOYER UN TURBAN EN CADEAU A MACRON AVEC UNE IMAGE EN OR DE FEU HASSAN NASRALLAH DONT LES AILES POLITIQUES LUI ONT SURVECU D,APRES MACRON.

    LA LIBRE EXPRESSION : LA PATRIE EST EN PERIL

    11 h 37, le 12 mai 2025

  • Mr. Macron avait bien amorcé son approche vers le Liban, visite du port, réunions avec les partis politiques etc..Depuis la guerre d'Ukraine, c'est un autre Macron, souvent plus royaliste que le roi, et qui prend la première ligne Otanaise. Comme un politologue avait écrit, lui adressant une lettre, "on ne peut pas être l'ami d'Israël et celui du Liban en même temps ". De même pour les "Islamistes " , bête noire en France, mais diplomatie bon enfant de Macron-al Shareh. Que veut au juste Mr. Macron (?) Le plat du jour où choisir ses plats à la carte (??)

    Raed Habib

    11 h 16, le 12 mai 2025

  • HAHAHAHA. quand le coeur ou le-mauvais penchant- ont leur raisons que la raison contredit ! " une chevre memme si on la voit voler" dit l'adage libanais .

    L’acidulé

    09 h 41, le 12 mai 2025

  • Il y a de nombreuses raisons qui expliquent cela : De l'existence d'otages français en Iran à la convergence d'intérets économiques en Afrique. Pour cela les Présidents Français ont toujours mis de l'eau dans leur vin. Et plus prosaiquement, il faut avoir aussi la force de sa politique: La France est un nain économique et militaire qui gesticule. Son adossement à l'Europe n'amène pas non plus une valeur ajoutée : A chaque décision c'est le Plus Petit Commun Multiple qui est décidé.

    Moi

    09 h 29, le 12 mai 2025

  • Concrètement, la france dit ce que son interlocuteur du moment veut entendre !! Et après on s'étonne que sa voix ne soit plus prise au sérieux...

    Ludovic Hasquette

    09 h 18, le 12 mai 2025

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