
Rami Makhlouf, le cousin germain maternel du président déchu syrien Bachar el-Assad, le 17 juillet 2020. Louai Beshara/AFP
C’est seulement sa deuxième publication sur Facebook depuis la chute le 8 décembre dernier du président syrien Bachar el-Assad, son cousin germain. Et c’est une déclaration séparatiste. Si L'Orient-Le Jour n'a pas pu vérifier que le compte appartenait bien à Rami Makhlouf, l’homme d’affaires le plus puissant de Syrie avant de tomber en disgrâce, les déclarations ont été reprises par plusieurs médias et des spécialistes de la Syrie. Sur ce même compte, un message avait déjà dénoncé le 9 mars dernier les massacres contre des alaouites commis notamment par des membres des nouvelles forces de sécurité sur le littoral, bastion de la communauté, après une attaque de factions loyalistes au clan Assad. Il avait alors taclé également la Quatrième division de Maher el-Assad, frère du président déchu, qui aurait dû s’attendre à une réaction violente du nouveau pouvoir – dirigé par les islamistes de Hay’at Tahrir el-Cham, ainsi que son cousin lui-même, « président fugitif » qui a « détruit et divisé le pays, détruit l’armée et l’économie et affamé son peuple » avant de « fuir avec de l’argent qui, s’il était distribué au peuple, n’aurait laissé personne affamé ou pauvre ». S’il avait annoncé alors travailler à « des solutions radicales » pour empêcher la répétition de telles exactions et garantir la sécurité et sûreté de tous dans ces régions, le milliardaire a désormais présenté son plan pour y parvenir.
Forces armées pour la « région côtière »
Dans un long message publié dimanche 27 avril sur son compte Facebook, Rami Makhlouf se pose comme le défenseur de la communauté alaouite, rôle longtemps accaparé par le clan Assad, annonçant la formation d’une force armée de près de 150 000 combattants d’élite et de 15 divisions militaires, en plus d’une réserve de taille similaire. Visant à défendre la « région côtière », il affirme en outre s’être lié à Suheil el-Hassan, surnommé « Le Tigre », commandant des forces spéciales sous le régime Assad désormais recherché par Damas et proche de la Russie. Avec la formation de comités populaires qui rassembleraient un million de personnes dans la « région côtière », imposée comme un nouveau défi au président de la transition Ahmad el-Chareh tentant de centraliser son pouvoir, il a proposé des discussions entre le gouvernement syrien pour trouver des arrangements. « Vous avez été incapables de nous protéger des massacres, des meurtres, des enlèvements et de la captivité qui se poursuivent à ce jour », a écrit Rami Makhlouf, disant néanmoins « tendre la main pour une nouvelle ère ». Souhaitant capitaliser sur les craintes d’autres communautés minoritaires, l’ancien homme fort du régime Assad a appelé ses concitoyens à se « rassembler pour combattre un ennemi appelé pauvreté », prônant la réconciliation.
De l’autre côté, il appelle néanmoins la communauté internationale, en tête de laquelle il place la Russie, à prendre en charge la région côtière pour la placer sous son protectorat, alors que des exactions se poursuivent contre des civils alaouites. Sous sanctions américaines depuis 2008, Rami Makhlouf demande ainsi à ses « amis » d’entrer en contact avec le gouvernement de Damas pour trouver un mécanisme d’action conjoint, alors qu’il a adopté l’ancien drapeau syrien comme l’emblème de la « région côtière ». Certains observateurs ont noté que son message avait été diffusé depuis les Émirats arabes unis, pays qui a normalisé ses relations avec la Syrie sous Bachar el-Assad, et qui aurait servi d’escale pour la fuite du président déchu, de ses proches et de ses biens avant d’atteindre la Russie. Des rumeurs avaient en outre circulé sur la présence de Maher el-Assad dans la fédération émiratie après la chute du régime. Deux sources de la faction Jaych el-Islam, qui a désormais intégré les forces régulières syriennes, ont par ailleurs affirmé lundi 28 avril à l’AFP que leur chef, Issam Buwaydani, avait été arrêté à l’aéroport de Dubaï quelques jours plus tôt alors qu’il allait quitter les Émirats après une visite privée. Si Abou Dhabi n’a pas confirmé l’arrestation de ce responsable au sein du ministère syrien de la Défense, les sources précitées ont déclaré que Damas avait pris contact avec la fédération émiratie. D’autres estiment néanmoins que Rami Makhlouf se trouverait encore sur le littoral syrien.
Nouveau chef de fil des alaouites ?
« Nous avons été lésés sous le régime précédent et massacrés sous le nouveau », a écrit Rami Makhlouf, revendiquant un « droit à se défendre » pour la communauté alaouite. Assimilés au régime Assad, dont la famille dirigeante était issue, une partie des alaouites est cependant loin d’avoir bénéficié des privilèges accordés aux proches du clan régnant. Voulant se poser en nouveau leader de la communauté, s’adressant autant aux partisans de l’ancien régime qu’à ceux qui ont subi en silence, Rami Makhlouf a rappelé dans son message qu’il avait averti il y a quelques années que l’effondrement du régime était imminent et que si cet « imposteur » d’Assad ne l’avait pas écarté, il aurait fait en sorte que la Syrie ne tombe pas.
« Nous avons soutenu le pays militairement, économiquement, socialement et administrativement, empêchant l’armée de s’effondrer durant la guerre, toujours à corriger les erreurs de ces garçons qui ont noyé le pays dans l’injustice, la corruption et qui ont accablé le peuple de souffrances, de pauvreté et de drogues. » Rami Makhlouf a même évoqué une « trahison » et une « humiliation » alors que son cousin s’est retourné contre lui en 2020, ordonnant la saisie de ses biens sous prétexte d’évasion fiscale et de malversations financières.
On écrit chef de file, pas de fil.
16 h 36, le 28 avril 2025