Un homme sur le lieu de la frappe israélienne sur la banlieue sud de Beyrouth, le 27 avril 2025. Photo AFP
Un avion de chasse israélien a bombardé dimanche après-midi un bâtiment de Hadath, dans la banlieue sud de Beyrouth, menacé environ une heure auparavant par l'armée israélienne, dans un rare avertissement depuis l'entrée en vigueur du cessez-le-feu, fin novembre 2024. Aucune information n'était immédiatement disponible concernant d'éventuelles victimes. Par contre, les tirs en l'air visant à alerter les habitants ont fait selon les médias locaux six blessés.
Sur des vidéos montrant depuis différents angles le bombardement, on peut entendre le vrombissement d'un avion de chasse et voir clairement au moins trois missiles s'abattre sur leur cible. Un incendie s'est déclaré sur les lieux mais a été rapidement circonscrit, selon des médias locaux, tandis qu'une épaisse fumée s'élevait au-dessus du quartier.
La frappe a touché « une installation abritant des missiles de précision du Hezbollah qui représentaient une menace pour la sécurité d'Israël », ont déclaré le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le ministre de la Défense Israel Katz dans un communiqué conjoint, cité par le quotidien Haaretz. Des sources de sécurité contactées par la radio de l'armée israélienne avaient accusé peu auparavant le Hezbollah d'avoir « stocké des armes » dans le bâtiment frappé par l'aviation. L’armée israélienne a pour sa part expliqué que « des mesures ont été prises pour éviter de blesser des civils, notamment la diffusion d’un avertissement préalable aux habitants ainsi que l’utilisation de munitions de précision ». Concernant le lieu pris pour cible, elle a indiqué qu’il s’agissait d’une « infrastructure utilisée pour le stockage de missiles de précision appartenant au Hezbollah ». Des médias libanais indiquaient que le lieu touché est une salle utilisée pour les commémorations de Achoura. Elle se situait dans la zone dite de Jamous.
La radio de l'armée israélienne, citant ses sources, précise que l'armée avait prévenu les États-Unis avant de mener sa frappe.
La France et les États-Unis face à leurs « responsabilités »
Le chef de l'Etat Joseph Aoun a condamné la frappe dans un bref communiqué publié sur son compte X. Il a appelé la France et les États-Unis, parrains de l'accord de cessez-le-feu et faisant partie du comité normalement chargé de la surveillance de l'application de l'accord, à « assumer leurs responsabilités et forcer Israël à mettre immédiatement un terme à ses attaques ». Le Premier ministre Nawaf Salam a de son côté condamné la « terreur qu'Israël inflige aux gens dans leurs maisons, alors qu'ils veulent retrouver une vie normale », selon un communiqué publié sur X par le Grand Sérail. Il a appelé les « États qui parrainent l'accord de sécurité pour la cessation des hostilités à prendre des mesures pour mettre fin à ces attaques et accélérer le retrait total d'Israël du territoire libanais ». Le ministre libanais des Affaires étrangères Joe Raggi a, lui, assuré qu'il « poursuivra ses contacts » pour mettre fin aux violations israéliennes de la trêve.
Avant la frappe, dont la détonation a été entendue à des kilomètres à la ronde, trois tirs d'avertissement, avec un drone, ont été lancés sur la zone menacée.
L'avis d'évacuation pour la cible de la frappe, un hangar, a été publié par le porte-parole arabophone de l'armée israélienne, Avichay Adraee, sur son compte X. Il appelait à l'évacuation de « toute personne se trouvant dans l’immeuble marqué en rouge sur la carte jointe, ainsi que dans les bâtiments voisins », désignant sur une carte un hangar qu'il expliquait être une « installation appartenant au Hezbollah ». De tels avertissements étaient courant en octobre et novembre 2024 durant la guerre ouverte entre le Hezbollah et Israël.
Il s'agit de la troisième frappe visant la banlieue sud de Beyrouth depuis le cessez-le-feu, le 27 novembre 2024, qui a mis fin à plus d'un an de guerre entre le parti chiite et l'Etat hébreu. La première avait eu lieu le 28 février à Hadath avec un avertissement préalable similaire, faisant au moins un blessé, tandis que la seconde s'est déroulée dans la nuit du 30 mars au 1er avril, sans avertissement, faisant au moins quatre morts.
« Je n'en peux plus »
Après la publication de l'ordre d'évacuation, les habitants du secteur ont pris la fuite, alertés notamment par des tirs en l'air nourris. Khadija Husseini, qui vit le long de la route de l'aéroport, dans la banlieue sud de Beyrouth, raconte à L'Orient-Le Jour qu'elle dormait lorsqu'elle a été réveillée par les tirs. « Je me suis réveillée, j'ai vu que j'avais des dizaines de messages sur WhatsApp sur l'avis d'évacuation... j'ai fait mon café et attendu la frappe, qu'est-ce que je pouvais faire d'autre », lâche-t-elle, fataliste.
En larmes, Zahra Sbeity, 16 ans, a expliqué quant à elle qu'elle vit « dans un état de peur constant » depuis la frappe du 1er avril sur la banlieue sud menée sans avertissement par l'armée israélienne. « Je n'arrive pas à dormir et je vérifie constamment le compte X d'Avichay » Adraee, le porte-parole de l'armée israélienne, explique-t-elle. « Je n'en peux plus ».
Ghinaj Abou Khalil, qui habite à Jamous et restée chez elle après l'avertissement, a déclaré quant à elle qu'elle était devenue « engourdie et immunisée ». « Avant la guerre (entre Israël et le Hezbollah), je prenais peur au moindre claquement de porte, mais aujourd'hui, j'entends une frappe sans même sursauter. Les choses ont pris une tournure terrible après la mort du Sayyed (Hassan Nasrallah, ancien chef du Hezbollah, tué le 27 septembre 2024) ».
Houssam Breité, qui a dû conduire sa fille de 5 ans et sa femme hors de la banlieue sud après l'avertissement afin qu'elles « n'entendent pas la frappe et ne se rendent pas compte de ce qui se passe », critique pour sa part la politique de la diplomatie des autorités libanaises. S'exprimant depuis Aïn el-Mreissé, il estime que « l'État n'a jamais défendu les chiites contre les attaques israéliennes, c'est pourquoi nous avons dû nous armer. Il en a toujours été ainsi », soulignant que l'affaiblissement du Hezbollah a rendu la situation pire.
Lamentable! Si l’état veut comme il le prétend assurer le monopole des armes, alors après le bombardement (de la banlieue ou ailleurs): Pourquoi ne pas commencer simplement par un cordon de sécurité de l’armée excluant le HB?
16 h 12, le 28 avril 2025