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Idées - Point de vue

Observations juridiques sur le projet de loi de restructuration bancaire

Une agence bancaire à Beyrouth, en novembre 2019. Photo d’illustration Joseph Eid/AFP

Le Conseil des ministres a approuvé, lors de sa séance du 12 avril 2025, le projet de loi précité ainsi qu’un projet de décret le transmettant au Parlement. Cette adoption met fin à une longue période d’attente stérile ayant mis le Liban en quasi-confrontation avec le Fonds monétaire international, lequel demeure vraisemblablement l’unique voie vers une réforme financière et bancaire. Parallèlement, la question des dépôts a été exploitée dans des campagnes politiques n’ayant apporté aucun bénéfice ni aux déposants ni au secteur bancaire.

L’objectif des présentes observations est de renforcer le texte, de l’enrichir et de le placer sur une trajectoire solide avant son examen parlementaire. Cette étude n’a donc nullement vocation à contribuer à une quelconque forme d’atermoiement, dont l’État libanais et les déposants continuent de souffrir.

Toujours pas de contrôle des capitaux

Il convient cependant, dès l’abord, de souligner certains éléments que les rédacteurs du texte auraient dû prendre en compte :

Il aurait été opportun de consulter l’Association des banques du Liban, principale concernée par les dispositions du projet. De même, les avis des déposants auraient dû être recueillis à travers leurs représentants sérieux et reconnus dans les milieux financiers, juridiques et syndicaux, notamment auprès de l’ordre des avocats de Beyrouth qui a pris l’initiative de former une commission de défense de leurs droits.

De plus, il aurait été plus judicieux – ce qui n’a pas été fait en temps dû – de commencer par adopter une loi de contrôle des capitaux avant d’examiner le présent projet, permettant ainsi de structurer l’arsenal législatif nécessaire à la relance bancaire, monétaire et économique, tout en assurant la protection des droits des déposants et la reddition de comptes à tous les niveaux.

Mais encore, il semble que la responsabilité de l’État dans l’effondrement financier, monétaire et économique n’ait pas été prise en compte. Ainsi, l’article 3 dispose que l’un des objectifs du texte est de « limiter l’utilisation des fonds publics dans la réforme du secteur bancaire ». À cet égard, il importe de rappeler la décision du Conseil d’État n° 209/2023-2024 du 6 février 2024, rendue en la forme définitive et portant annulation de la décision du Conseil des ministres n° 3 du 20 mai 2022, laquelle approuvait la stratégie de redressement du secteur, en particulier par l’abolition d’une part importante des engagements en devises étrangères de la Banque du Liban envers les banques. Cette mesure visait à réduire le déficit de la Banque du Liban et clôturer sa position de change ouverte nette (Net Open FX Position). L’arrêt du Conseil d’État précise notamment : « Les données contenues dans le plan adopté par le Conseil des ministres et les exigences liées au redressement du secteur bancaire ne justifient nullement qu’une autorité réglementaire ou législative prenne une mesure aussi extrême, à savoir la suppression des dettes de la Banque du Liban envers les banques, lesquelles représentent en réalité les dépôts des clients. Une telle suppression, qui s’apparente à une forme manifeste d’expropriation, n’est accompagnée d’aucun mécanisme de compensation pour les créanciers. Cela constitue une atteinte flagrante au droit de propriété garanti par la Constitution et la Déclaration universelle des droits de l’homme, en plus d’être en contradiction avec les lois en vigueur. »

Enfin, les rédacteurs du texte ont bien fait de réviser l’article 37 du projet de loi afin de conditionner sa mise en œuvre à l’adoption, la promulgation et la publication de la loi sur le traitement de la perte financière, laquelle vise à rétablir l’équilibre de l’ordre financier au Liban, conformément d’ailleurs à l’article 2 du projet en question. Les deux réformes sont en effet complémentaires, bien que leurs approches et objectifs diffèrent.

Juge et partie

Sur le fond, nous signalons brièvement ce qui suit, en privilégiant les points les plus cruciaux :

Il est inexact d’affirmer que la Haute Autorité bancaire a été créée par la loi n° 28/67 du 9 mai 1967. Le projet de loi actuel en modifie en réalité sensiblement la composition.

Sur un autre niveau, qu’en est-il si le client est un simple déposant, et que son dépôt revêt le caractère d’une fiducie au sens de la loi n° 520 du 6 juin 1996 (Développement des marchés financiers et contrats de fiducie) ? Serait-il exclu de la protection juridique accordée aux dépôts des clients par le présent texte ?

Quant au champ d’application du projet de loi, il pose plusieurs problèmes, notamment le fait de soumettre à ses dispositions les banques étrangères opérant hors du territoire souverain. Qu’en est-il de l’ordre public étranger et du principe de la territorialité des lois ? Et quid du principe d’égalité – de nature constitutionnelle – entre personnes placées dans une situation juridique identique, surtout en ce qui concerne les succursales de banques libanaises à l’étranger, soumises aux législations et règlements des pays hôtes ?

Le grand paradoxe réside dans la réorganisation de la Haute Autorité bancaire, à laquelle le projet de loi attribue la responsabilité de la réforme du secteur, comme détaillé au titre II. Pourtant, et indépendamment de l’identité du gouverneur actuel qui jouit d’une moralité exemplaire et d’un solide savoir, il n’en demeure pas moins que cette autorité, bien que statutairement indépendante, fait partie intégrante de la Banque du Liban, présidée par le gouverneur.

Or la Banque du Liban elle-même est en difficulté, impliquée dans les pertes et soumise à une vérification juricomptable inachevée, mais largement entamée. La BDL ne peut donc jouer à la fois le rôle de juge et de partie. Voilà pourquoi il serait impératif de confier la réforme à une entité distincte, réellement indépendante, quoique présidée par le gouverneur lui-même, à l’instar de l’Autorité des marchés financiers ou de la Commission d’investigation spéciale (CIS).

Pire encore, le président de la Commission de contrôle des banques a été intégré à la nouvelle structure, brouillant davantage la séparation entre les fonctions de supervision, d’évaluation et de restructuration (articles 7, 10, 12, 17 et 19 du projet), ce qui génère un conflit d’intérêts évident.

Les garanties judiciaires auraient pu parer les insuffisances de ce texte, mais hélas elles s’y trouvent réduites, alors qu’elles sont expressément prévues par l’article 20 de la Constitution. Voici un exemple : les résultats de la deuxième évaluation d’une banque sont déclarés définitifs et exécutoires de plein droit et soustraits au droit de recours prévu par l’article 31 du projet de loi.

De plus, quid des droits fondamentaux protégés par la Constitution et la Déclaration universelle des droits de l’homme ? Comment la Haute Autorité bancaire se réserve-t-elle le droit d’imposer un changement de propriété d’une banque ? Et par quel moyen, et avec quelle compensation ?

Ce texte apporte-t-il vraiment une sécurité juridique suffisante aux personnes morales et physiques concernées et un réel espoir d’une sortie de crise latente et inerme ? Ou bien ne serait-il que le prélude de contentieux inévitables et massifs entre déposants, banques et liquidateurs ?

Courir ne sert pas toujours la bonne cause, quand il fallait partir à point.

Avocat au barreau de Beyrouth, ancien ministre de la Justice.

Le Conseil des ministres a approuvé, lors de sa séance du 12 avril 2025, le projet de loi précité ainsi qu’un projet de décret le transmettant au Parlement. Cette adoption met fin à une longue période d’attente stérile ayant mis le Liban en quasi-confrontation avec le Fonds monétaire international, lequel demeure vraisemblablement l’unique voie vers une réforme financière et bancaire. Parallèlement, la question des dépôts a été exploitée dans des campagnes politiques n’ayant apporté aucun bénéfice ni aux déposants ni au secteur bancaire.L’objectif des présentes observations est de renforcer le texte, de l’enrichir et de le placer sur une trajectoire solide avant son examen parlementaire. Cette étude n’a donc nullement vocation à contribuer à une quelconque forme d’atermoiement, dont l’État...
commentaires (1)

ou etait passee la science de ce mr. du temps ou il faisait la pluie et le BO? temps comme conseiller de michel aoun? le conseillait il d'aussi bonne maniere mais il ne l'ecoutait pas, preferant suivre les conseils du pti gendre?

L’acidulé

09 h 54, le 28 avril 2025

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Commentaires (1)

  • ou etait passee la science de ce mr. du temps ou il faisait la pluie et le BO? temps comme conseiller de michel aoun? le conseillait il d'aussi bonne maniere mais il ne l'ecoutait pas, preferant suivre les conseils du pti gendre?

    L’acidulé

    09 h 54, le 28 avril 2025

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