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Khamsin


Brume, mais ce n’en est pas une. Flou de l’air qui crisse sous les dents, picote les yeux et emporte les fleurs à peine fleuries. Odeur étrange et étrangère de poussière fine. Valses et tourbillons de déchets légers. Gesticulation affolée des arbres sous ce vent d’ailleurs. Le désert d’Arabie s’invite dans la deuxième saison, la plus douce des quatre de nos manuels scolaires, déjà démenties par la réalité climatique. Ce ciel jaune, ces températures qui font le grand écart, c’est le souffle du rub’ al-Khali, le Quart vide qui, au cinquantième jour du printemps, quitte ses dunes lointaines pour s’offrir une récréation sur nos bords. Khamsin, comme « cinquantième ». Plus au nord, venu des grands vides africains, soufflera son jumeau, l’oriental sirocco, le chergui torpide, humide, oppressant. Sa chape mélancolique est à elle seule une fin du monde. Plus sensuel est le khamsin qui nous découvre déjà d’un fil et roule sur la peau comme un prélude au beau temps à venir. Le petit froid qui surprend parfois dans la nappe mouvante et tiède, c’est la fonte des neiges, le surgissement des torrents, leurs chevelures d’herbes folles, la chance de l’eau dans ce pays qui a le talent de gaspiller ses chances. Pourtant, si l’on parle aujourd’hui du temps, ce tout et rien des bavardages de trottoirs, c’est que l’heure est à la rémission malgré le vrombissement intermittent des drones israéliens et les agressions sporadiques mais continues. Dans une planète qui va si mal, empêtrée dans la montée des fascismes derrière le paravent du pragmatisme économique, ce fragile répit nous autorise, nous invite à sortir de nous-mêmes. Parce que les guerres ont ceci d’avilissant qu’elles nous centrent sur nos propres malheurs. S’asseoir à un chevet, écouter, donner, panser, contribuer à la paix, c’est faire grandir en soi ce que l’on fait grandir en l’autre.

Exsangues, harassés par les crises et les conflits, un très grand nombre de Libanais n’ont pas de visibilité quant à un retour à une vie normale, à savoir regagner leurs maisons et leurs terres, réorganiser un quotidien, assurer le confort et la sécurité de leurs familles. La vie leur est étroite, et cette exiguïté du temps qui transforme tout en urgence crée des frustrations qui vont jusqu’à l’aigreur, jusqu’au rejet et l’amalgame qui font le lit des sociétés injustes.

Des signes clignotent : Le cinquantième anniversaire de la guerre de quinze ans, le décès du pape François, autant d’appels à la nécessité d’une relecture de nos rapports entre compatriotes, d’un retour à l’indulgence et à la compassion. La contrition de ceux qui se sont laissé convaincre par peur et par haine de participer à un conflit dont on a cru ne jamais voir la fin, l’homme qui a dit « Qui suis-je pour juger ? » qui a lavé les pieds des plus misérables, des plus désespérés de cette terre que sont les migrants, nous montrent ce chemin. Gratitude à François, surtout, de nous avoir, lors d’un discours adressé à la curie romaine, le 22 décembre 2014, rappelé la prière de sir Thomas More : « Seigneur, donne-moi l’humour pour que je tire quelque bonheur de cette vie et en fasse profiter les autres. » Les Libanais n’ont jamais manqué d’humour, et l’esprit participe de la qualité de la vie, aide à l’entente et dilue l’hostilité. Il est bon de s’en souvenir quand le bonheur se cache, quand le khamsin monte à la tête, quand les ressources s’étiolent et que l’on pointe du doigt le migrant. Quand l’espace manque, le cœur a encore de la place.

Brume, mais ce n’en est pas une. Flou de l’air qui crisse sous les dents, picote les yeux et emporte les fleurs à peine fleuries. Odeur étrange et étrangère de poussière fine. Valses et tourbillons de déchets légers. Gesticulation affolée des arbres sous ce vent d’ailleurs. Le désert d’Arabie s’invite dans la deuxième saison, la plus douce des quatre de nos manuels scolaires, déjà démenties par la réalité climatique. Ce ciel jaune, ces températures qui font le grand écart, c’est le souffle du rub’ al-Khali, le Quart vide qui, au cinquantième jour du printemps, quitte ses dunes lointaines pour s’offrir une récréation sur nos bords. Khamsin, comme « cinquantième ». Plus au nord, venu des grands vides africains, soufflera son jumeau, l’oriental sirocco, le chergui torpide, humide, oppressant. Sa...
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Magnifique et si juste... Bravo ?

CHARNAY CHRISTIAN

07 h 14, le 24 avril 2025

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Commentaires (1)

  • Magnifique et si juste... Bravo ?

    CHARNAY CHRISTIAN

    07 h 14, le 24 avril 2025

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