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Campus - ARCHITECTURE

Quand la jeunesse universitaire libanaise revient sur l’habitat illégal à travers la création littéraire

Des étudiants et des lycéens ont relevé le défi du concours de rédaction créative « Abitare illegale », en livrant une réflexion personnelle sur le sujet à partir d’un texte de l’anthropologue Andrea Staid.

De gauche à droite, le doyen de l’ALBA Fadlallah Dagher, Mohammad Khamis (ALBA) ; Karen Merhi (UL), Léa Hankash, (Sagesse High Schoo), le Dr Angelo Gioé, directeur de l’Institut culturel italien, et Nour Emma Heraoui (ALBA). Photo ALBA-Université de Balamand

Une quinzaine d’étudiants issus de cinq universités libanaises – l’Académie libanaise des beaux-arts (ALBA-Université de Balamand), l’Université Saint-Joseph (USJ), l’Université libano-américaine (LAU), l’Université libanaise (UL), l’Université arabe ouverte (AOU) –, ainsi que d’une école secondaire : la Sagesse High School, ont répondu à l’appel du concours de rédaction créative « Abitare illegale », proposé par l’Institut culturel italien en partenariat avec l’ALBA-Université de Balamand. Ce concours invitait les participants à rédiger un texte de réflexion à partir de de l’anthropologue Andrea Staid, « Abitare Illegale » (Vivre dans l’illégalité), publié dans le volume bilingue Le livre du plaisir à ceux qui aspirent à franchir les horizons - Le monde entre les lignes de la science. Quatre candidats ont été sélectionnés pour la pertinence de leur réflexion et la richesse de leurs références : Nour Emma Heraoui, étudiante en 1re année de design de produits à l’ALBA ; Mohammad Khamis, étudiant en master d’architecture et d’urbanisme à l’ALBA ; Karen Merhi, étudiante en langue et traduction à l’UL, qui a choisi de présenter son projet en italien ; et Léa Hankash, la seule participante issue de la Sagesse High School. Mais c’est Emma Nour Heraoui qui a séduit le jury, « par l’élaboration d’un discours personnel issu d’une expérience vécue, et non pas uniquement fondé sur un devoir d’analyse critique des récits lus », comme l’a souligné le doyen de l’ALBA, le professeur Fadlallah Dagher, en lui remettant le 1er prix.

« À travers la lecture de ce recueil d’articles, qui mêle anthropologie et architecture et qui offre un regard croisé sur notre manière d’habiter le monde et de voir les choses différemment, nous avons voulu inciter les étudiants libanais à réfléchir à la question de l’habitation illégale, en les encourageant à une démarche de pensée critique et de dialogue », a déclaré le directeur de l’Institut culturel italien, le Dr Angelo Gioé, lors de la remise des prix aux quatre gagnants.

Repenser les habitations illégales

Au cours d’une cérémonie qui s’est tenue le 8 avril à l’auditorium Fondation Abdallah Lahoud à l’ALBA, les quatre candidats ont, à tour de rôle, lu leurs réflexions devant le jury composé du Dr Angelo Gioé qui présidait le jury, du professeur Fadlallah Dagher et du Dr Maroun Daccache (LAU) et du Dr Joseph Zaarour (USEK). Chaque participant a proposé une réflexion personnelle sur un éventuel processus de régénération urbaine dans une ville donnée. Pour Emma Nour Heraoui, lauréate du concours, c’est « le sentiment ressenti après un tremblement de terre vécu et la peur de perdre sa maison et le cocon familial qui constitue toute sa vie et son bien-être », qui ont été le moteur de toute sa réflexion. Pour la jeune étudiante, ces « abitare illegale » dont parle Andrea Staid, sont « un acte de rébellion » contre l’injustice humaine et sociale qu’éprouvent tous ces sans-abri privés de toits, une révolte qui les pousse à s’insurger et à construire des bidonvilles. Elle a basé sa proposition d’une régénération urbaine de sa ville sur trois axes : « Ramener la nature que les hommes ont injustement exclue des habitations, transformant celles-ci en lieux artificiels dépourvus de toute chaleur humaine ; réintégrer des matériaux naturels dans la construction en bâtissant des maisons adaptées aux besoins de ceux qui les habitent ; adopter un rythme de vie plus lent, qui permet d’apprécier les petits plaisirs de la vie et d’absorber ce qui nous entoure et nous agresse. Pour Mohammad Khamis, qui a obtenu le 2e prix pour la cohérence de son texte, c’est « l’essor technologique et l’effet d’expansion des villes après la révolution industrielle, qui ont conduit à la démolition des quartiers marginalisés, dans un état insalubre, occupés illégalement par les citoyens et ouvriers ». « La reconstruction neuve sous contrôle au XXe siècle a permis d’accueillir de nouveaux habitants au statut social plus élevé, ce qui a conduit à une distinction et une exclusion sociale », relève-t-il dans son texte. Concernant le processus de régénération urbaine qu’il a proposé, Mohammad Khamis a choisi la ville de Beyrouth, ville marquée par l’histoire et les crises, suggérant de « repenser les espaces, non seulement comme des possibilités de redynamisation urbaine, mais comme un moyen de rapprocher ces infrastructures des communautés qu’elles desservent ». « Cela peut inclure la transition vers un modèle axé sur des quartiers autonomes où les services essentiels sont accessibles à pied ou à vélo, ainsi que la transformation des espaces délaissés, qualifiés de non-lieux, en un espace évolutif capable de répondre à des besoins sociaux, culturels et urbains : réaménagement d’espaces verts publics, création de marchés centraux et lieux de rencontres communautaires ». Karen Merhi, qui a obtenu le 3e prix pour la « créativité » de son texte, admet que c’est « la vision de Staid, qui « prône le droit de chaque personne à posséder sa propre maison » qui l’a beaucoup inspirée et lui a donné énormément d’espoir dans sa façon de reconsidérer ces habitations illégales. « Malheureusement, le Liban est en proie à l’émergence d’habitations illégales qui ont détruit la beauté de notre ville et étouffé tous les vestiges qu’elle renferme, notamment dans la ville de Saïda où je suis née », martèle-t-elle fermement lors de sa présentation en italien. « Cette ville a toujours été victime de constructions illégales et insalubres encouragées par une certaine classe de politiciens qui favorisent leurs intérêts personnels au détriment de leur ville. Mais aujourd’hui, l’élection d’un nouveau président nous redonne l’espoir de reprendre le pays en main et de le reconstruire en mettant en avant toute sa beauté, notamment au Liban-Sud longtemps marginalisé et délaissé. » Pour Léa Hankash, « la différence entre ces deux mondes que l’on constate dans la ville – entre la richesse et la pauvreté, visibles à travers ces maisons insalubres qui côtoient les nouveaux bâtiments – crée une sorte de rupture au sein de la population », affirme la jeune lycéenne. « Il ne faut pas que l’État développe une partie de la ville au détriment de l’autre », estime-t-elle. « Il faut donner la chance à chacun de vivre décemment. » Et la jeune étudiante de conclure : « Il faut résister pour garder les vieilles demeures qui créent toute l’identité de Beyrouth, et racontent l’histoire de cette ville, sept fois démolie, sept fois reconstruite. Aujourd’hui, en bâtissant ces immeubles modernes qui ne ressemblent plus à Beyrouth, nous démolissons la ville pour la huitième fois, lui ôtant toute son âme et son histoire. »

Ce concours a permis aux jeunes de repenser ces habitations avec une approche humaniste qui va au-delà du matériel, pour retourner aux sources et à la nature qui faisaient partie intégrante des habitations de l’homme.


Une quinzaine d’étudiants issus de cinq universités libanaises – l’Académie libanaise des beaux-arts (ALBA-Université de Balamand), l’Université Saint-Joseph (USJ), l’Université libano-américaine (LAU), l’Université libanaise (UL), l’Université arabe ouverte (AOU) –, ainsi que d’une école secondaire : la Sagesse High School, ont répondu à l’appel du concours de rédaction créative « Abitare illegale », proposé par l’Institut culturel italien en partenariat avec l’ALBA-Université de Balamand. Ce concours invitait les participants à rédiger un texte de réflexion à partir de de l’anthropologue Andrea Staid, « Abitare Illegale » (Vivre dans l’illégalité), publié dans le volume bilingue Le livre du plaisir à ceux qui aspirent à franchir les horizons - Le monde entre les lignes de la...
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