
Le président libanais Joseph Aoun participant à une conférence de presse conjointe avec le président français Emmanuel Macron au palais de l'Élysée à Paris, le 28 mars 2025. Photo Sarah Meyssonnier/Reuters
Dans un entretien accordé au quotidien qatari al-Arabi al-Jadeed, le président libanais Joseph Aoun est longuement revenu sur le processus de désarmement du Hezbollah, soulignant qu’il œuvrait à faire de 2025 l’année « du monopole de l’État sur les armes ».
« La décision de limiter les armes à l’État a été prise. Reste à déterminer les modalités d’exécution, que je conçois comme un dialogue bilatéral entre la présidence de la République et le Hezbollah », a expliqué l’ancien commandant en chef de l’armée libanaise. « À ceux qui me critiquent parce que je veux retirer les armes du Hezbollah par le dialogue : que feraient-ils à ma place ? », a-t-il interrogé, assurant : « J'œuvre à faire de 2025 l’année de la monopolisation des armes par l’État. »
M. Aoun a également précisé : « Nous ne reproduirons pas l’expérience du Hachd el-Chaabi irakien (coalition de groupes paramilitaires majoritairement pro-iraniens intégrée à l’État irakien, NDLR) en intégrant le Hezbollah dans l’armée ni que le Hezbollah devienne une unité indépendante au sein de cette armée. » Il a cependant ajouté : « En revanche, ses combattants pourront rejoindre l’armée et suivre des formations d’intégration, comme cela a été fait à la fin de la guerre du Liban avec plusieurs autres partis. »
Les frontières
Le chef de l’État a tenu à clarifier certains points concernant ses échanges avec l’émissaire américaine Morgan Ortagus, en visite à Beyrouth il y a une dizaine de jours. « Les Américains demandent d’accélérer le processus de monopole des armes par l’État, mais je leur ai dit : si vous le souhaitez, faites pression sur Israël et laissez-nous la gestion du Hezbollah », a-t-il rapporté, ajoutant : « Je lui ai dit que nous voulons retirer au Hezbollah ses armes, mais que nous ne voulons pas déclencher une guerre civile au Liban. »
Le chef de l'Etat est revenu en outre sur la question des « groupes de travail » potentiels entre responsables libanais et israéliens, notamment sur le tracé de la frontière entre les deux pays, alors que la perspective d'une « normalisation » entre Beyrouth et Tel-Aviv continue d'être évoquée par Washington. « Je n’ai pas discuté avec Morgan Ortagus de la création de comités diplomatiques pour traiter les dossiers sensibles avec Israël, a-t-il indiqué. Je lui ai dit que le maintien d’Israël dans les cinq points frontaliers donne un prétexte au Hezbollah (pour ne pas poursuivre son désarmement) ». « Les Américains savent qu’un processus de normalisation ou de négociations de paix entre nous et Israël n’est pas envisageable actuellement », a-t-il dit.
À ce sujet, le président libanais a confié que son homologue français Emmanuel Macron avait proposé une aide à travers les archives françaises pour confirmer « la souveraineté libanaise sur les fermes de Chebaa », territoire contesté et occupé par Israël à la suite de son annexion du plateau du Golan syrien en 1967.
4 500 soldats supplémentaires
Joseph Aoun a par ailleurs annoncé sa décision « d’intégrer environ 4 500 soldats supplémentaires pour les envoyer au Sud », précisant que ce chiffre atteindra à terme les 10 000. Il a assuré que l’armée « accomplit ses missions sans aucune opposition de la part du parti, que ce soit au sud du Litani, au nord ou dans la Békaa ». Une situation qui l’amène à saluer une nouvelle fois la « retenue » dont ferait preuve selon lui le Hezbollah face aux violations israéliennes quasi quotidiennes de l’accord de cessez-le-feu entré en vigueur le 27 novembre. « Le Hezbollah n’a pas l’intention de se laisser entraîner dans une nouvelle guerre », a-t-il affirmé, assurant que le parti chiite « a fait preuve de retenue et de grande conscience, et s’est montré à la hauteur de ses responsabilités en ne réagissant pas aux violations israéliennes »
Concernant les tirs de roquette non revendiqués lancés en mars en direction de localités israéliennes, M. Aoun a révélé que les autorités disposent désormais « des empreintes digitales de ceux qui ont lancé les roquettes ». « S’ils sont Libanais, nous connaîtrons leur identité », a-t-il assuré, alors que plusieurs arrestations ont été opérées à la suite de cet incident, qui avait provoqué une violente attaque de la part l'armée israélienne sur la banlieue-sud de Beyrouth.
Priorité aux pays arabes
Sur le plan régional, Joseph Aoun a fait savoir que sa visite à Doha mardi avait pour but de remercier le Qatar pour son soutien, soulignant qu'il allait demander à l'émirat de « poursuivre son soutien à l'armée libanaise, et d'investir au Liban en particulier dans les secteurs de l’électricité et du pétrole ». « J’ai demandé à l’émir du Qatar de poursuivre son soutien au Liban sur les questions du pétrole et des salaires des militaires ; sa réponse a été : 'Considérez que c’est fait' » a-t-il déclaré.
Quant à ses priorités diplomatiques, le chef de l'Etat a exprimé son souhait de se rendre à Washington, « mais la priorité va aux pays arabes, qui sont les plus à même d’aider le Liban », a-t-il dit.
Enfin, Joseph Aoun a tenu a souligner qu'il entretenait de bonnes relations avec le président du Parlement Nabih Berry et le Premier ministre Nawaf Salam. « M. Berry et moi sommes d’accord sur tous les sujets, en particulier sur la question du monopole des armes par l’État », a-t-il noté. Quant a sa relation avec le Premier ministre, il a affirmé qu'il « n’y a absolument aucun problème » entre eux.
DE TOUTE URGENCE. DESARMEMENT ET DEMANTELEMENT DU TANDEM DES CATASTROPHES DANS LES SIX MOIS POUR DES LEGISLATIVES LIBRES, SANS COMMUNAUTE ARMEE.
10 h 22, le 16 avril 2025