
Jean-Clément Martin est le maître bien connu de l’histoire de la Révolution française dont il a entrepris une révision complète dans une série d’ouvrages, souvent rapportés ici.
La Révolution française, publié aux éditions Eyrolles, appartient à un autre genre plus récent qui pourrait être défini comme l’Histoire par les objets. Loin d’être exhaustive, cette liste regroupe des items très hétérogènes comme le trône, la cocarde, les pierres de la Bastille, les départements, etc. L’ordre chronologique est respecté, allant de l’année 1789 aux jeux des mémoires jusqu’à notre siècle. Le tout est évidemment accompagné d’une abondante iconographie permettant de voir de quoi il s’agit.
Chaque objet est pris aussi bien dans sa matérialité que dans sa signification symbolique. Le trône est l’expression du pouvoir monarchique mais ceux qui le renversent font la confusion avec le pouvoir exécutif et se perdent entre débats parlementaires et règlements de compte. Il en résultera jusqu’à aujourd’hui une sorte de fascination pour une république monarchique.
La cocarde tricolore signifie la révolution en marche et les contre-révolutionnaires vont se servir de la cocarde blanche. Cette dernière sera ensuite interdite sous peine de mort.
La guerre des propagandes passe par des assiettes illustrées. Les boutons des uniformes servent à préciser les allégeances d’abord envers la monarchie constitutionnelle, puis envers la République.
On rencontre ainsi les symboles révolutionnaires comme la pique ou la lanterne tandis que les « aristocrates » sont définis par le parapluie. On trouve aussi l’origine du drapeau rouge, du bonnet de même couleur qui deviendra ensuite le bonnet phrygien. La contre-révolution aura pour représentation la faux des paysans vendéens et le Sacré-Cœur brodé sur un morceau d’étoffe. Le pantalon s’impose avec les sans-culottes, mais il est interdit aux femmes. L’iconoclasme frappe les symboles royaux (statues, tombeaux) suivi d’une dénonciation du vandalisme et d’une muséification qui trouvera son apogée avec la confiscation des œuvres d’art étrangères particulièrement en Italie.
Ces objets ne nous permettent pas d’avoir une histoire linéaire et explicative de la période révolutionnaire et de sa mémoire, mais nous font comprendre dans leur matérialité les dynamiques qui sont en cours. Par le jeu des représentations, ils nous introduisent dans l’air du temps bien mieux que toute description littéraire.
Jean-Clément Martin le fait avec beaucoup de talent et une verve parfois ironique. Il faut le remercier pour cette belle réussite.
La Révolution française de Jean-Clément Martin, Éditions Eyrolles, 2025, 208 p.