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Détenus et disparus libanais en Syrie : quelques libérations, beaucoup de questions et de désillusion - Détenus en Syrie

Au bout de 18 ans, Moaz Merheb, l'« enfant » de Tripoli, a retrouvé sa ville

« La prochaine fois que je t’appelle, je serai libre », a dit ce Libanais, arrêté près de Damas en juillet 2006, la veille de la chute du régime de Assad.

Au bout de 18 ans, Moaz Merheb, l'« enfant » de Tripoli, a retrouvé sa ville

Illustration: Jaimee Lee Haddad.

Moaz Merheb

Âge : 51 ans

Lieu de résidence : Abou Samra, Tripoli

Date de l’arrestation : juillet 2006

Lieu de l’arrestation : aux alentours de Damas

Durée de détention : 18 ans

Détention : « Branche el-Khatib » de la Sécurité de l’État, « branche Palestine » (2006) ; prison de Saydnaya (2007-2011) ; prison de Adra (2012-2024 ; aile politique, puis délits communs)

Date de libération : 8 décembre 2024, chute du régime Assad

Moaz Merheb est un « enfant » de Tripoli. Dans son appartement, dans le quartier d’Abou Samra, le cinquantenaire a déjà retrouvé ses marques, depuis sa libération, 20 jours plus tôt, fin décembre 2024. « Je suis le seul Libanais incarcéré pour des raisons politiques à s’en être sorti. Tous les autres ont été tués. Ce régime n’avait aucune limite… » affirme-t-il.

Avant d’être détenu par le régime Assad en juillet 2006, Moaz vit dans la capitale du Liban-Nord avec ses deux enfants, Mariam et Mohammad, et sa femme, Nina, maîtresse d’école. À partir de 2005, le père de famille commence à faire des allers-retours entre le Liban et l’Irak, en passant par la Syrie, pour y couvrir la guerre, puis il se met à aider la « résistance irakienne dans les domaines des médias et de la logistique », se contente-t-il de dire, sans nommer le groupe qu’il rejoint alors. « À l’époque, on parlait juste de résistance… C’était une question d’opinion publique. »

Sur le chemin du retour vers le Liban, Moaz est arrêté près de Damas par les autorités syriennes, en juillet 2006. Ce régime et les douleurs qui vont avec, Moaz les connaît depuis l’enfance. Sa famille s’est toujours opposée à l’occupation syrienne : enfant, il a dû fuir son domicile dans le quartier de Qobbeh à cause des services de renseignements et ses grands frères ont été obligés de quitter le pays.

Alors, lorsqu’il se retrouve entre les mains du pouvoir baassiste, il en a déjà la « phobie ». « C’est impossible de décrire le sentiment que l’on a une fois en détention pour se faire interroger. » Sous la torture, le père de famille se fait interroger et est transféré dans différents centre de rétention. « C’est le même traitement, les mêmes questions… Le but est de t’étudier pour te faire porter la meilleure accusation », explique-t-il. Accusé de terrorisme, il est condamné à purger une peine de 12 ans d’emprisonnement. Il en fera six ans de plus.

À Saydnaya, « la torture… c’est un programme en lui-même », raconte Moaz, qui y est incarcéré jusqu’en 2011, année du déclenchement de la révolution syrienne matée dans le sang par le clan Assad. « Il fallait alors vider la prison pour accueillir la nouvelle vague… C’était pire pour eux : quand ils se faisaient torturer, ils étaient au bord de la mort tous les jours », dénonce-t-il.

Au fil des ans, si les images de sa famille l’aident à tenir pendant un temps, elles finissent par s’étioler. « Il n’y a plus de lien avec la vie extérieure. Ta vie, c’est celle en prison », dit-il, alors que sa femme a pu lui rendre pour la première fois visite en 2010. « Je m’étais préparé, je voulais leur donner espoir. En 18 ans, je ne l’ai jamais perdu », lâche Moaz.

Dans la prison de Adra – où il est incarcéré à partir de 2012, d’abord dans l’aile pour les prisonniers politiques, puis transféré dans l’aile des délits de droit commun la dernière année –, les détenus sont au courant de l’avancée des hommes de Hay’at Tahrir el-Cham (HTC) vers Damas fin novembre 2024 et de la libération de prisonniers.

Un jour avant la chute du régime, il fait une promesse à son fils au téléphone : « La prochaine fois que je t’appelle, je serai libre. » Il la tiendra. Dans la nuit du 7 au 8 décembre, Bachar el-Assad fuit la Syrie. Les détenus sont libérés. Moaz parvient à rejoindre Tripoli. En arrivant chez lui, à Abou Samra, il voit sa femme et ses deux enfants, devenus adultes. Il ose à peine les regarder. « J’étais timide, même avec mes enfants et ma femme… Mais ça n’a duré que quelques heures », dit-il en riant. Avec ses proches, il ne parle pas de sa vie carcérale. « Pourquoi perdre mon temps à ressasser le passé ? Nous sommes sortis de prison, et le régime est tombé. Qu’est-ce que je peux demander de plus ? »

Moaz MerhebÂge : 51 ansLieu de résidence : Abou Samra, TripoliDate de l’arrestation : juillet 2006Lieu de l’arrestation : aux alentours de DamasDurée de détention : 18 ansDétention : « Branche el-Khatib » de la Sécurité de l’État, « branche Palestine » (2006) ; prison de Saydnaya (2007-2011) ; prison de Adra (2012-2024 ; aile politique, puis délits communs)Date de libération : 8 décembre 2024, chute du régime AssadMoaz Merheb est un « enfant » de Tripoli. Dans son appartement, dans le quartier d’Abou Samra, le cinquantenaire a déjà retrouvé ses marques, depuis sa libération, 20 jours plus tôt, fin décembre 2024. « Je suis le seul Libanais incarcéré pour des raisons politiques à s’en être sorti. Tous les autres ont été tués. Ce régime n’avait aucune limite… » affirme-t-il.Avant d’être...
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