
Chaque année, la Semaine de la langue française et de la francophonie célèbre la richesse et la diversité du français à travers le monde. Du 17 au 21 mars 2025 à New York, cette édition a particulièrement mis en lumière le Liban. Un programme riche en événements littéraires, artistiques et musicaux a été célébré dans tous les coins de cette capitale du monde : à la Villa Albertine, avec le conseiller culturel de l’ambassade de France, Mohammad Bouabdallah, en collaboration avec l’Institut du monde arabe (IMA), à la Maison française de New York University (NYU), sous le patronage de la Fondation Raymond Debbanné.
Le point d’orgue de cette semaine si riche en événements culturels consacrés au Liban a été le remarquable concert de « La Francophonie pour la paix », au Lycée français de New York, avec la participation de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), une expérience musicale unique. Ibrahim Maalouf, trompettiste virtuose et compositeur franco-libanais, pointure du jazz nommé deux fois aux Grammy Awards, était accompagné de Hiba Tawaji, figure incontournable du monde arabe, qui avait chanté lors de la réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris devant un million de téléspectateurs à travers le monde. Ensemble, accompagnés d’un magnifique orchestre de jazz, ils ont enflammé le public en hommage à la chanson française, interprétant des titres de Julien Clerc, Serge Gainsbourg, Michel Polnareff, Charles Aznavour, Johnny Halliday. « Je prépare un grand concert en septembre prochain pour le festival de L’Orient-Le Jour », confie Ibrahim Maalouf à l’issue de la représentation.
La journaliste Joumana Khatib avec Marwan Chahine, Tracy Chahwan et Olivier Guez lors d'une rencontre à la Villa Albertine. Photo Sylviane Zehil
La Villa Albertine : un hommage au Liban et à la francophonie
La Villa Albertine avait accueilli le 17 mars un événement exceptionnel mettant le Liban à l’honneur. Organisée en collaboration avec l’Institut du monde arabe, Maison Tara et Storm Bookstore de Brooklyn, une librairie fondée par Nour Sabbagh, cette soirée a rassemblé une communauté libanaise dynamique, des intellectuels et des artistes engagés dans le rayonnement de la francophonie.
« Cette reconnaissance n’est pas anodine », comme l’a expliqué Mohammad Bouabdallah, conseiller culturel près l’ambassade de France aux États-Unis et directeur de la Villa Albertine : « C’est la première fois que l’on met un pays à l’honneur, et nous avons choisi le Liban parce qu’il est important pour la France. Mais aussi pour des raisons personnelles, car j’ai longtemps travaillé avec et pour le Liban. Ce projet résonne avec mon parcours personnel », confie-t-il à L’Orient-Le Jour. « Je me suis rendu plusieurs fois au Liban, au Liban-Sud, et j’ai souvent eu des discussions avec les autorités libanaises. J’ai eu la chance de rencontrer personnellement votre président (Joseph Aoun), votre Premier ministre (Nawaf Salam). Lorsqu’on m’a dit que cette année, on pourrait mettre à l’honneur le Liban pour la francophonie, cela a parlé à mon cœur », poursuit-il.
L’événement vise à mettre en lumière des auteurs libanais ou ayant travaillé sur le Liban, et à susciter des idées et des projets entre la France, le Liban et les États-Unis.
Le Liban : une source inépuisable d’inspiration
L’événement à la Villa Albertine s’inscrit dans le cadre de la Semaine de la langue française et de la francophonie, une occasion idéale pour célébrer les « Voix du Liban ». « Le Liban est, depuis de nombreuses années, un foyer de créativité, de résilience et d’inspiration à travers le monde », a affirmé Mohammad Bouabdallah dans son discours, avant de rappeler la relation historique et forte qui unit la France et le pays du Cèdre : « Cette amitié repose sur des valeurs communes, un amour partagé des arts et une complicité qui traverse le temps. Aujourd’hui, en célébrant cette relation, nous embrassons, non par illusion mais avec clarté et espoir, les promesses d’un avenir meilleur pour le Liban. »
Le directeur de la Villa Albertine a souligné que des voix littéraires sont au service de l’histoire et de la mémoire. Parmi les invités de marque de la soirée figuraient trois figures emblématiques du monde littéraire : Olivier Guez, Marwan Chahine et Tracy Chahwan. La bande dessinée, un art en pleine effervescence au Liban, a trouvé sa place avec une exposition de cette dernière, dévoilant la force du dessin comme médium de transmission culturelle puissant pour raconter le Liban et ses traumatismes historiques, notamment à travers la guerre civile et ses répercussions sur la mémoire collective. « Leur travail illustre parfaitement l’idée que l’on ne peut comprendre le présent sans explorer profondément le passé, et que chaque parcours individuel est intimement lié à une histoire collective », a déclaré le conseiller culturel en rendant hommage à ces artistes dont les œuvres résonnent bien au-delà des frontières.
À Storm Bookstore à Brooklyn, la librairie indépendante fondée par Nour Sabbagh, un espace de discussion a permis d’explorer le rôle de la littérature libanaise dans la diaspora et la manière dont les récits francophones tissent des liens entre mémoire et identité. Et parce que toute célébration libanaise ne saurait être complète sans un hommage à sa gastronomie, Mohammad Bouabdallah a tenu à remercier Maison Tara pour sa contribution culinaire, ajoutant avec un sourire complice : « En tant qu’amoureux de longue date du Liban, j’ai personnellement veillé à ce que nous célébrions aussi sa cuisine. »
Cette soirée n’aurait pu voir le jour sans le soutien généreux de nombreux mécènes et amis du Liban. Un hommage particulier a été rendu à Nour Sabbagh, co-organisatrice de l’événement et directrice de Storm Bookstore, ainsi qu’aux intervenants et musiciens : Lara Atallah, Marianne Azar, Rawya el-Chab, Joumana Khatib, Huda Asfour, Assia Turquier-Zauberman, sans oublier « mon cher ami Edgar Choueiri et son épouse Martina Choueiri », ainsi que tous les mécènes qui ont rendu cette soirée possible.
La moderatrice Myrna Dahdah et le cinéaste Carlos Chahine. Photo Sylviane Zehil
La francophonie au cœur de New York
Au-delà de la Villa Albertine et de la Maison française de l'Université de New York (NYU), la Semaine de la francophonie a investi d’autres lieux emblématiques de New York, renforçant la visibilité de la culture libanaise.
Parallèlement, la Maison française de NYU a accueilli une autre série d’événements mettant en avant la richesse de la création littéraire et artistique libanaise. Charif Majdalani, écrivain et président de la Maison internationale des écrivains à Beyrouth, a proposé une fresque littéraire du Liban, notamment à travers son ouvrage Beyrouth 2020, journal d’un effondrement. Hyam Yared, romancière et poétesse, a abordé les identités et les violences de genre dans ses romans Nos longues années en tant que filles et Du feu autour de l’œil (2025). Francine Demeulenaere, artiste plasticienne, a exposé une série d’œuvres inspirées par la résilience libanaise, fusionnant art traditionnel et contemporain.
Le cinéma a également été mis en avant avec la projection de La Nuit du verre d’eau, un film franco-libanais sorti en 2023 qui a obtenu de nombreux prix. Réalisé par l’acteur et réalisateur Carlos Chahine, c'est une œuvre poignante sur le Liban de 1958, explorant le poids du silence et de la mémoire familiale. Ce film interroge les fractures historiques du Liban à travers un prisme intime et familial. Carlos Chahine dont le premier long-métrage La Route du Nord a remporté le prix du meilleur film au festival de Tribeca à New York, a créé la surprise. Son œuvre, saluée pour sa profondeur narrative et sa sensibilité, confirme son talent singulier dans le paysage cinématographique franco-libanais. Myrna Dahdah, actrice d’origine libanaise également connue sous le nom de Myrna Davone, a été modératrice de tous ces événements à la Maison française de NYU. Vendredi soir, ce fut le tour de Nataly Aukar, humoriste libanaise installée à New York, qui a apporté une touche de légèreté et d’humour, explorant avec finesse les identités diasporiques et les contrastes culturels.
La Semaine de la francophonie à New York a illustré l’importance de la culture libanaise au sein de la francophonie mondiale. Entre littérature, musique, cinéma et art visuel, cette édition a offert un espace de dialogue et de créativité, renforçant les liens entre la France, le Liban et les États-Unis. Un événement porté par une langue commune et un patrimoine culturel partagé, où la diversité et la résilience du Liban ont été célébrées avec force et émotion.