
Le gouverneur par intérim de la Banque du Liban (BDL), Wassim Manssouri et la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Kristalina Georgieva, à Dubaï le 10 février 2025. Photo P.H.B.
Réserves de change, liste grise du Groupe d'action financière (GAFI), ou coopération avec les États-Unis. À quelques jours ou semaines de la nomination d'un nouveau gouverneur de plein pouvoir à la tête de la Banque du Liban (BDL), le 1er vice-gouverneur Wassim Manssouri, qui assure l’intérim depuis le 31 juillet 2023, a largement commenté son propre bilan à la tête de l'institution dans une longue interview au quotidien Nidaa el Watan.
M. Manssouri, un avocat qui a pris la suite de Riad Salamé, gouverneur pendant 30 ans parti sans successeur désigné, a consacré une importante partie de son entretien aux réserves d’or du Liban et de leur utilisation potentielle pour financer le redressement, une perspective qu’il juge « inacceptable ».
« Le pays a reçu des offres de banques internationales, notamment américaines, pour investir l'or libanais aux États-Unis, ce qui pourrait générer des revenus (…) tout en conservant la propriété de l'or, et « sans risque », a-t-il cependant affirmé. M. Manssouri a souligné que ce projet nécessitait de toute façon « une modification de la loi existante par le Parlement, et qu’il ne pouvait être approuvé et mis en œuvre par la seule BDL. »
Il n’a pas donné plus de détails sur les plans d’investissement proposés et a insisté : « Tant que je serai à mon poste, peu importe ce qui arrive, je ne signerai jamais pour déplacer un gramme de l’or qui se trouve dans les réserves ».
Le Liban possède 286 tonnes d'or (9,2 millions d'onces), ce qui constitue le deuxième plus grand stock de la région. Environ 40 % de cet or est déposé aux États-Unis. Au début de la crise économique fin 2019, sa valeur tournait autour de 15 milliards de dollars. Aujourd’hui, elle dépasse 26 milliards de dollars, sur fond de hausse vertigineuse des cours mondiaux du précieux métal. Il a récemment dépassé la barre des 3000 dollars l’once et n’a jamais été aussi élevé, poussé à la hausse par le climat d’incertitude qui règne depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump et des menaces de hausse de tarifs douaniers qu’il a rapidement brandies indifféremment contre les adversaires et les alliés des États-Unis.
Lingots et pièces anciennes
S’agissant de l’or déposé au Liban, le gouverneur p.i. a indiqué que la BDL « procèdera à une évaluation technique » afin de « connaître sa valeur réelle », soulignant que certains lingots et livres d’or anciens et qui ne sont plus produits nulle part pourraient valoir plus cher. « La valeur réelle de l'or peut augmenter de 10 % ou de 100 % dans certains cas. On imagine les perspectives qui peuvent en découler, et c'est un nouveau regard sur l'utilisation de l'or. Dans des cas comme celui-ci, je suis assez ouvert », a-t-il commenté.
Affirmant que le Liban a perdu une importante partie de ses réserves de change en ne lançant pas les réformes que le Fonds monétaire international (FMI) et ses partenaires l’enjoignaient à mettre en œuvre, et en subventionnant le taux de change alors que la livre libanaise perdait complètement pied, Wassim Manssouri considère cependant que le Liban n’a pas besoin d’utiliser son or.
« Si nous concluons un accord avec le Fonds monétaire international et procédons à des réformes structurelles au sein de l'État, le Liban réalisera qu’il est un pays riche et qu’il n’a pas besoin d’utiliser son or », a-t-il encore dit. Il considère en outre que la perspective d’un accord avec le FMI est « obligatoire » pour permettre au pays de sortir de la crise -sans même parler du financement de la reconstruction des zones détruites lors de la dernière guerre entre Israël et le Hezbollah- et que « ceux qui pensent pouvoir sortir du système financier mondial se tromperont lourdement ». Il assure aussi que cette obligation ne sera pas forcément « néfaste pour le Liban si sa classe dirigeante sait comment la négocier ».
« Des négociations appropriées doivent donc être menées (…) pour parvenir à un bon accord dans l'intérêt des déposants, des banques, de la Banque centrale et du gouvernement », a-t-il poursuivi, considérant que cela écarterait de facto toute nécessité de considérer l’or comme une option.
Le Liban, qui s’est récemment doté d’un nouveau gouvernement de plein pouvoir formé par Nawaf Salam, a adressé la semaine dernière à une délégation du FMI venue à Beyrouth une nouvelle demande d’aide financière, ce qui relance le processus de négociation entamé par le précédent exécutif. La nomination d’un nouveau gouverneur de la BDL pourrait avoir lieu avant fin mars. Dans ce cas, le FMI pourrait renvoyer une délégation à Beyrouth dès début avril.
on ne nous dit pas ce qui se passera lorsque le prix de l'or baissera - parce qu'il est fort possible que cela arrive- !
10 h 00, le 22 mars 2025