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Nos Lecteurs ont la Parole

Les guerres inutiles du XXIe siècle

L’une des responsabilités des grandes puissances est d’assurer les équilibres nécessaires à la bonne marche des relations internationales : les accords de Camp David entre Israël et l’Égypte en 1978 grâce à la médiation du président américain Jimmy Carter en sont la manifestation la plus éclatante. Pourquoi est-il nécessaire que les grandes puissances interviennent pour réduire l’intensité des conflits ? Parce que, si la guerre et la diplomatie sont laissées à elles-mêmes, n’importe quelle étincelle, même régionale, peut provoquer un brasier qu’il sera difficile de circonscrire !

Paradoxalement, ce sont les grandes puissances qui ont failli à leurs responsabilités en bouleversant les équilibres régionaux au Moyen-Orient (occupation de l’Afghanistan de 2002 à 2022 et de l’Irak de 2003 à 2011 par les États-Unis) et en Europe (invasion de l’Ukraine par la Russie en 2023). On constatera que ces trois guerres ont été déclenchées pour de mauvaises raisons et se sont mal terminées (le cas ukrainien ne semble pas être plus prometteur ni en termes de durée ni en termes de malheurs). « Malheur à l’homme d’État, disait Bismarck au Landtag, le 2 décembre 1850, qui ne trouve pas un motif de guerre qui demeure valable après la guerre. »

Faux prétextes et mauvais génies

Que les États-Unis aient mené des représailles contre l’État taliban, Ben Laden et ses sectateurs, à la suite des terribles attentats du 11 septembre 2001, est tout à fait légitime et compréhensible ! Mais qu’ils aient occupé l’Afghanistan pendant 20 ans et l’Irak pendant huit ans sous le fallacieux prétexte d’instaurer la démocratie dans ces pays relève de la fantasmagorie, au mieux de l’illusion ! Dans les années 1980, la Russie soviétique voulait imposer sa version du communisme en Afghanistan : mal lui en prit ! Si imposer le communisme est un pléonasme, imposer la démocratie est une antinomie. Nous savons depuis les guerres de la Révolution et de l’Empire qu’on n’accroche pas les idées ni les institutions au bout d’un fusil, les soldats n’étant pas les meilleurs propagateurs des libertés. Aussi bien d’outre-tombe répondrait Talleyrand : « La véritable primatie, la seule utile et raisonnable, est d’être maître chez soi et de ne pas avoir la ridicule prétention d’être maître chez les autres. »

Quant à Poutine en Ukraine, il ne sait ni faire la guerre ni faire la paix. À observer le déroulement des opérations militaires, on pourrait se demander lequel de ces deux États, de l’Ukraine ou de la Russie, est la grande puissance. L’armée russe, affligée d’un commandement médiocre (on change de chef d’état-major selon les caprices du moment), d’une logistique déficiente (rappelez-vous la colonne de blindés immobilisée sur plusieurs kilomètres devant Kiev, ce qui est la négation de l’arme blindée censée être mobile et rapide), d’une stratégie erratique (on commence par attaquer Kiev, puis devant la résistance des Ukrainiens, on change complètement de stratégie et on se replie sur le Donbass), est loin d’être au niveau de celle de Joukov qui cassa la Wehrmacht à Stalingrad en 1943. Plus Poutine perd plus il bombarde : Poutine ne fait pas la guerre, il se venge. Quant à la paix, il a eu plusieurs fois l’occasion d’engager des négociations avec l’Ukraine, à la suite d’incitations de la part de l’Inde, de la Chine, de la Turquie, de la France et de l’Allemagne. Rien à faire : sa guerre, il la veut totale !

Un mal nécessaire

On ne fait la guerre que par nécessité ou par intérêt, nécessité et intérêt se conjuguant pour désigner l’obligation pour un État de s’engager dans une guerre pour des raisons impérieuses qu’il ne peut éviter sous peine d’être détruit ou de voir son territoire réduit ou sa population meurtrie. Légitime défense (Ukraine), lutte contre la subversion totalitaire (guerre froide), lutte contre l’annexion de territoire voisin (restauration de la souveraineté du Koweït envahi par l’Irak en 1991), rupture d’un traité international (violation de la neutralité belge par l’Allemagne en 1914, « ce chiffon de papier » selon le chancelier Bettman-Holwegg) : tout ce qui provoque un déséquilibre ou une tension génératrice de violences est un motif légitime de guerre.

Toutefois la validité de l’intérêt de l’État en la matière réside dans les limites (c’est le mot-clé d’une guerre nécessaire) inhérentes à la politique qui s’en prévaut : les boursouflures du règne de Louis XIV ou les extravagances destructrices du génie militaire de Napoléon ne sauraient entrer dans le concept de guerre nécessaire. Celle-ci exige du politique qu’il limite son action dans l’espace (que faisaient les Américains en Afghanistan de 2002 à 2022 ?) et dans le temps (les guerres qui durent n’ont pas de vainqueurs).

Le succès de la guerre du Golfe en 1991 réside précisément dans la parfaite combinaison de l’espace-temps : on chasse Saddam du Koweït et on rentre à la maison !

Au préalable, Bush père s’était assuré de l’appui d’une coalition de plus de cinquante États et d’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU : de la sorte, la diplomatie et la guerre avaient accordé leurs violons. Bien sûr, les idéologues néoconservateurs s’en prirent à Bush père l’accusant de pusillanimité pour n’avoir pas envahi l’Irak, renversé Saddam, reconfiguré la géopolitique du Moyen-Orient selon des critères sortis de leurs cogitations « in vitro » : Bush fils les écouta dans les années 2000, le désastre s’ensuivit. Et pour finir avec la guerre en Ukraine, Poutine se croit fort, il n’est que méchant, il se croit habile, il n’est qu’inconstant.

« Cette guerre dont vous discutez aujourd’hui pourrait bien n’être pas une petite affaire comme vous vous en rendriez compte en y réfléchissant sans passion. » (Thucydide, La Guerre du Péloponnèse).


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

L’une des responsabilités des grandes puissances est d’assurer les équilibres nécessaires à la bonne marche des relations internationales : les accords de Camp David entre Israël et l’Égypte en 1978 grâce à la médiation du président américain Jimmy Carter en sont la manifestation la plus éclatante. Pourquoi est-il nécessaire que les grandes puissances interviennent pour réduire l’intensité des conflits ? Parce que, si la guerre et la diplomatie sont laissées à elles-mêmes, n’importe quelle étincelle, même régionale, peut provoquer un brasier qu’il sera difficile de circonscrire !Paradoxalement, ce sont les grandes puissances qui ont failli à leurs responsabilités en bouleversant les équilibres régionaux au Moyen-Orient (occupation de l’Afghanistan de 2002 à 2022 et de l’Irak de 2003 à 2011...
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