
Maya Lehrer, organisatrice du parti pour le socialisme et la libération, prend la parole lors d'une manifestation contre l'expulsion du Dr Rasha Alawieh de l'Université Brown, à Rhode Island, le 17 mars 2025. Joseph Prezioso / AFP
Les autorités américaines ont annoncé lundi avoir expulsé vers le Liban la semaine dernière une médecin exerçant dans l'État de Rhode Island, après avoir découvert dans son dossier des éléments supprimés de son téléphone portable, comprenant des « photos et vidéos sympathisantes » envers l'ancien secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah.
La néphrologue libanaise de Rhode Island (États-Unis), Rasha Alawieh, âgée de 34 ans et professeure assistante à la faculté de médecine de l'Université Brown, a en effet été expulsée vers le Liban alors qu'un juge avait émis une ordonnance bloquant son expulsion immédiate du pays, selon des documents judiciaires. Elle revenait alors de son pays où elle avait été rendre visite à ses parents.
Le département américain de la Justice a précisé que l’enseignante, résidant à Providence et titulaire d'un visa H-1B, avait été arrêtée jeudi dernier à l’aéroport Logan de Boston à son arrivée en provenance du Liban. Son cousin avait alors immédiatement déposé un recours en justice pour empêcher son expulsion, mais elle a été renvoyée vers son pays vendredi soir via un vol pour la France.
Dans sa première déclaration publique sur cette expulsion, le département américain de la Justice a indiqué que la médecin s’était vu refuser l’entrée aux États-Unis en raison « du contenu de son téléphone et de ses déclarations à l’aéroport ». Mme Alawiyé avait notamment déclaré aux agents avoir assisté pendant son séjour au Liban aux funérailles de Hassan Nasrallah, qu'elle a dit soutenir d'un point de vue « religieux » en tant que musulmane chiite. « Il s’agit purement d’une question religieuse », aurait-elle affirmé, selon la transcription de son entretien. « C’est une figure très importante dans notre communauté. Pour moi, ce n’est pas politique. »
De nombreux gouvernements occidentaux, dont les États-Unis, considèrent le Hezbollah comme un « groupe terroriste ». Le département de la Justice a expliqué que la présence sur son téléphone de photos de Hassan Nasrallah et de l’ayatollah Ali Khamenei, guide suprême de l’Iran, avait conduit à estimer qu’« il était impossible de déterminer ses véritables intentions aux États-Unis ».
La Justice américaine avait défendu lundi les agents frontaliers contre les accusations d’avoir violé un ordre du juge fédéral Leo Sorokin, qui exigeait un préavis de 48 heures avant toute expulsion.
Le juge fédéral, nommé par le président démocrate Barrack Obama, avait déclaré qu'il avait reçu d'un avocat travaillant au nom de Rasha Alawiyé une chronologie « détaillée et spécifique » des événements, soulevant de « sérieuses allégations » quant à la violation de son ordonnance. Dimanche, il a demandé au gouvernement de s’expliquer sur ces « allégations sérieuses ». L’audience prévue lundi a été annulée après que les avocats du cabinet Arnold & Porter Kaye Scholer, qui représentaient le cousin de Mme Alawiyé, se sont retirés du dossier.
Une avocate de ce cabinet a affirmé avoir montré à un agent des frontières une copie de l’ordonnance du juge Sorokin avant le départ du vol Air France de Rasha Alawiyé. Un autre agent a reconnu en avoir été informé. Toutefois, le département de la Justice a précisé que la notification devait passer par des canaux officiels et être validée par son service juridique, ce qui n’a pas été fait.
Hautement qualifiée et difficilement remplaçable
La Dr Alawiyé détenait un visa lui permettant de séjourner aux États-Unis depuis 2018, lorsqu'elle est arrivée pour la première fois dans le cadre d’une bourse de deux ans à l'Université d'État de l'Ohio, avant d’obtenir une seconde bourse à l'Université de Washington et d’intégrer le programme de médecine interne de Yale-Waterbury, qu'elle a terminé en juin dernier.
Pendant son séjour au Liban, le consulat américain a délivré à la jeune praticienne un visa H-1B l'autorisant à entrer aux États-Unis pour travailler à l'Université Brown, selon le procès. Ces visas sont réservés aux personnes originaires d'autres pays occupant des emplois spécialisés. Malgré ce visa, l'agence des frontières l'a retenue à l'aéroport pour des raisons qui n'ont pas été révélées à sa famille, selon l'action en justice qui affirme que ses droits ont été violés.
En réponse à l'action en justice, le juge Sorokin a émis vendredi soir des ordonnances interdisant l'expulsion de Rasha Alawiyé du Massachusetts sans un préavis de 48 heures au tribunal et exigeant qu'elle soit présentée à une audience lundi. Pourtant, selon les avocats de sa cousine, après l'émission de cet ordre, la spécialiste a été transportée par avion à Paris vendredi soir, où elle devait prendre un vol pour le Liban prévu dimanche. La néphrologue est « arrivée au Liban dimanche matin », selon The Providence Journal, informé par « un ami et collègue » de la jeune femme.
M. Sorokin a demandé dimanche au gouvernement de fournir une réponse juridique et factuelle avant lundi matin, en prévision de l'audience prévue, et de conserver tous les courriels, messages textuels et autres documents concernant l'arrivée et l'expulsion de Mme Alawiyé.
Des inquiétudes ont également été soulevées dans d'autres affaires quant au respect par l'administration Trump des décisions de justice bloquant certaines parties de son programme. Dimanche, l'administration républicaine a déclaré avoir expulsé des centaines de Vénézuéliens vers le Salvador en vertu de pouvoirs rarement utilisés en temps de guerre, malgré l'ordonnance d'un juge fédéral interdisant temporairement de telles déportations.
Réagissant à l'affaire, l'épidémiologiste américain et expert en santé publique Éric Feigl-Ding a affirmé que la praticienne avait été expulsée alors qu'elle « n'avait commis aucun crime ». « C'est une médecin hautement qualifiée en transplantation rénale, difficilement remplaçable », a-t-il souligné sur son compte X. « Le dossier juridique affirme que la division de néphrologie de Brown est extrêmement désemparée », a réagi de son côté la chaîne d'information ABC News.
La commentatrice politique américaine Krystal Ball a également dénoncé l'affaire sur X, évoquant « une poursuite sans relâche » de l'universitaire bénéficiaire du programme de bourse Fulbright et « son éviction du pays parce qu'elle avait approuvé des posts pro-palestiniens et signé une lettre appelant à la libération de la Palestine ». « Même les expressions les plus élémentaires de soutien aux droits de l'homme des Palestiniens ou de critique d'Israël peuvent faire de vous une cible à détruire par le régime Trump », a-t-elle conclu.
Toujours les deux faces des sympathisants du Hezb. Pro occidentaux quand cela les arrange et à l'étranger, et supporters de l'Iran et de tout ce qui va à l'encontre des valeurs occidentales dans la réalité.
12 h 13, le 22 mars 2025