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Lifestyle - ENTRETIEN

Laura el-Khazen Lahoud, ministre du Tourisme : D'abord, rétablir la confiance

La ministre du Tourisme du gouvernement Nawaf Salam, qui est également une figure-clé du secteur touristique libanais avec ses fonctions de directrice exécutive de l’hôtel mythique al-Bustan et vice-présidente du Festival de musique al-Bustan, répond en exclusivité aux questions de « L’Orient-Le Jour ».

Laura el-Khazen Lahoud, ministre du Tourisme : D'abord, rétablir la confiance

Laura el-Khazen Lahoud, vice-présidente du Festival international de musique al-Bustan et ministre du Tourisme dans le gouvernement de Nawaf Salam. Photo Joseph Eid/AFP

Depuis son retour de Londres en 1994, où elle avait passé les années de la guerre civile libanaise, Laura el-Khazen Lahoud a consacré l'intégralité de son temps et de son énergie aux secteurs culturel et touristique libanais. Armée d’un diplôme en mathématiques de la London School of Economics and Political Science, elle devient en 2021 directrice exécutive du mythique hôtel al-Bustan, fondé en 1963 à Beit Méry par son grand-père, Émile Boustani. Elle a également contribué au développement du festival de musique classique qui y est organisé depuis sa création en 1994 par sa mère, Myrna Boustani, et en est aujourd'hui la vice-présidente. Désormais, c'est avec un mélange d'enthousiasme et un sens aigu de la responsabilité, comme elle le dit, qu’elle a accueilli sa désignation à la tête du ministère du Tourisme, animée par la profonde conviction en la capacité du Liban à se relever et redevenir une destination phare. Femme du monde tout en étant profondément enracinée dans son pays natal, Laura el-Khazen Lahoud a toujours estimé que les Libanais sont le plus grand atout du pays, grâce à leur sens inné de l’hospitalité, leur dynamisme et leur créativité. C'est en ce sens qu’elle considère servir ce pays, qui, à ses yeux, a tant à offrir, comme un honneur et un engagement naturel. Bien que consciente de la courte durée de son mandat, elle souhaite promouvoir un tourisme qui mette en valeur l’authenticité et la diversité des régions libanaises, à travers un véritable projet de société au service de la fierté nationale et de la cohésion sociale. Entretien.

Quelles priorités souhaitez-vous mettre en avant dans votre programme ministériel ?

Mon action s’inscrit dans le cadre de l’élan d’espoir insufflé par l’élection du président Joseph Aoun et par la déclaration ministérielle du gouvernement. Après des années très difficiles pour le pays, notre rôle est de rétablir la confiance des Libanais et de nos partenaires internationaux, à travers les réformes et la transparence. Ce que j’aimerai mettre en avant, c’est d’abord de diversifier et d'étendre l’offre touristique sur toutes les saisons et dans toutes les régions.

Le tourisme au Liban ne doit pas se limiter à la saison estivale. Nous possédons un patrimoine naturel et culturel d’une richesse exceptionnelle, qui se prête à des activités tout au long de l’année. Cette diversification permettra de soutenir les régions moins fréquentées et de mieux répartir les retombées économiques. Nous voulons aussi encourager un tourisme responsable, en valorisant le terroir et le respect de l’environnement, afin de préserver nos paysages, promouvoir la qualité de nos produits agricoles et mettre en avant la diversité de nos traditions.

Le tourisme doit être un levier de croissance dans toutes les régions du pays. Qu’il s’agisse de touristes en quête de détente, de visiteurs culturels fascinés par notre patrimoine, ou de voyageurs d’affaires venus explorer des opportunités, chacun doit pouvoir profiter pleinement de son séjour. Cela implique l’optimisation de l’accueil à l’aéroport, la simplification des démarches administratives, l’assurance de la propreté et la sécurité des lieux.

Pour mener à bien ces améliorations, nous devons travailler main dans la main avec les autres ministères et institutions, les syndicats et les acteurs du secteur. Encourager et soutenir les initiatives à succès du secteur privé et associatif. Qu’il s’agisse de plateformes de promotion, de circuits de découverte, d’événements culturels ou de programmes de tourisme rural, ces initiatives témoignent d’une grande créativité et d’un savoir-faire local. Notre rôle consiste à faciliter leurs démarches, encourager la synergie de leurs actions et promouvoir leur visibilité. Nous souhaitons ainsi libérer le potentiel et la productivité de ces initiatives, en leur offrant un cadre propice à leur développement et en valorisant leurs réussites.

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Le secteur du tourisme représente une part importante de l’économie libanaise, soit 30 % du PIB en 2023. Cependant, il reste vulnérable aux crises politiques et géopolitiques, comme cela a été le cas en 2024. Comment comptez-vous solidifier ce secteur et le rendre moins sujet aux chocs extérieurs ?

La forte dépendance du tourisme vis-à-vis de la conjoncture politique et géopolitique nous pousse à mettre en place une approche plus résiliente. C’est précisément pourquoi il faut diversifier l’offre et les marchés cibles. En développant une gamme de produits touristiques variés comme l’écotourisme, le tourisme culturel, religieux, médical et culinaire et en s’adressant à différents profils de visiteurs allant de la diaspora libanaise, aux touristes arabes et occidentaux, et aux voyageurs d’affaires, on répartit mieux les risques et les opportunités. Ainsi, une crise localisée n’affectera pas l’ensemble du secteur. Pour mieux faire face aux chocs, il est essentiel de renforcer la qualité des prestations et d’améliorer les infrastructures (transports, accès à l’information touristique). Des services fiables et modernes encouragent les visiteurs à revenir, même après une période de turbulences.

Ce gouvernement, dont vous faites partie, incarne un changement très attendu par la population, bien que les marges de manœuvre soient limitées en raison de la situation financière du pays. Comment, en tant que ministre du Tourisme, comptez-vous incarner ce changement, malgré les ressources limitées à votre disposition ?

Le manque de ressources financières nous oblige à innover et à miser sur de nouvelles idées pour impulser un véritable changement. Vu la situation des finances publiques, nous devons absolument établir des partenariats avec des investisseurs, des fondations ou des mécènes qui portent eux aussi le Liban dans leur cœur. Cela nous permettra de mettre en place une sorte de laboratoire d’innovation touristique, qui rassemblera les initiatives à succès, testera des projets pilotes et évaluera leurs résultats avant de les généraliser. Plutôt que de se lancer dans un énorme projet vulnérable au contexte politique et sécuritaire, il est préférable pour le moment de rechercher des « micro-améliorations » ciblées. Même avec des moyens limités, nous pouvons nouer des partenariats avec des écoles hôtelières, des universités et des ONG spécialisées afin de promouvoir des success-stories qui deviennent des modèles à suivre. Je m’engagerai personnellement à aller dans les pays du Golfe, en Europe et au-delà pour rassurer, défendre la cause du Liban et répondre en toute transparence aux questions et appréhensions. Je porterai la voix du secteur et les engagements du gouvernement à rétablir la sécurité et renforcer nos liens avec les pays amis.

Autour de Laura Lahoud, de gauche à droite : la ministre de l'Éducation, Rima Karami, la ministre des Affaires Sociales, Haneen Sayed, la ministre des Sports, Nora Baïrakdarian, et la ministre de l'Environnement, Tamara Elzein, après leur première réunion de cabinet au palais présidentiel de Baabda, le 11 février 2025. Photo Lebanese Presidency/AFP


Avec la crise économique actuelle, beaucoup de Libanais ont dû quitter le pays. Comment voyez-vous le rôle de la diaspora libanaise dans la promotion du tourisme et comment pouvez-vous favoriser des liens plus forts avec cette communauté ?

La diaspora libanaise constitue un atout stratégique pour soutenir et revitaliser notre secteur touristique. Au-delà de son rôle traditionnel de « visiteur », cette communauté peut devenir un véritable ambassadeur du pays et un partenaire de développement touristique. Nous pourrions codévelopper, avec des membres de la diaspora, des offres spécifiques qui s’adressent à la fois aux expatriés et aux touristes internationaux. Par exemple, permettre à nos compatriotes de redécouvrir leurs régions d’origine, de soutenir le commerce local et d’inviter leurs amis ou collègues étrangers à les accompagner. De plus, des entreprises libanaises de la diaspora peuvent parrainer ou coorganiser des événements, en mettant en avant leur savoir-faire. Que ce soit dans la gastronomie, les arts et la culture, la haute technologie, la diaspora regorge de talents qui peuvent soutenir le rayonnement du Liban. Nous souhaitons offrir à ces personnes la possibilité de renouer le lien avec le terrain, pour promouvoir le Liban comme terre de rencontre de l’innovation et des traditions. Enfin, l’attachement au Liban se transmet souvent de parents à enfants. Nous souhaitons donc cibler plus spécifiquement les jeunes générations en encourageant les initiatives privées qui les attirent. En bref, la diaspora représente bien plus qu’un public de visiteurs potentiels : elle est un vecteur d’innovation, de financement et de diffusion d’une image positive du Liban.

Le secteur du tourisme est souvent un moteur de développement régional. Comment comptez-vous favoriser une répartition plus équitable des bénéfices du tourisme à travers le pays, en particulier pour les régions moins développées ?

Pour que le tourisme contribue effectivement au développement régional sans être cantonné aux grands centres urbains, nous encouragerons la coopération entre plusieurs localités pour bâtir des « itinéraires thématiques » qui guideront les visiteurs d’une région à l’autre. De tels circuits permettent aux petites localités d’attirer davantage de visiteurs et d’éviter que tout le flux touristique ne se concentre sur quelques sites phares. Nous pouvons envisager de développer des labels régionaux pour valoriser la singularité de chaque territoire. Cette approche permet d’améliorer la visibilité des producteurs et des acteurs locaux. En somme, l’objectif est de décloisonner le tourisme libanais, en veillant à ce que chaque région puisse profiter de ses atouts et participer au renouveau économique, grâce à une clientèle diversifiée et fidélisée.

Que rêvez-vous d’accomplir avant de passer le relais à votre successeur à la tête du ministère du Tourisme ?

Mon rêve est de rendre au Liban la place qu’il mérite sur la carte touristique internationale, mais je suis consciente de la courte durée du mandat de ce gouvernement. J’aimerais laisser derrière moi un ministère plus agile et pleinement engagé dans la relance durable de l’économie libanaise et de la confiance envers le pays. Cela passe par la modernisation du fonctionnement du ministère, avec des rôles clairs pour les fonctionnaires, l’évaluation des résultats, la numérisation des processus et la motivation de toute l’équipe.

Je voudrais aussi que le public se souvienne de deux ou trois initiatives-clés en collaboration avec les acteurs locaux et la diaspora. Avec une bonne coordination et une approche participative, on peut transformer des idées en réalisations tangibles.

Depuis son retour de Londres en 1994, où elle avait passé les années de la guerre civile libanaise, Laura el-Khazen Lahoud a consacré l'intégralité de son temps et de son énergie aux secteurs culturel et touristique libanais. Armée d’un diplôme en mathématiques de la London School of Economics and Political Science, elle devient en 2021 directrice exécutive du mythique hôtel al-Bustan, fondé en 1963 à Beit Méry par son grand-père, Émile Boustani. Elle a également contribué au développement du festival de musique classique qui y est organisé depuis sa création en 1994 par sa mère, Myrna Boustani, et en est aujourd'hui la vice-présidente. Désormais, c'est avec un mélange d'enthousiasme et un sens aigu de la responsabilité, comme elle le dit, qu’elle a accueilli sa désignation à la tête du ministère du...
commentaires (9)

Merci et bon courage Madame le Ministre.

KHL V.

06 h 22, le 13 mars 2025

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Commentaires (9)

  • Merci et bon courage Madame le Ministre.

    KHL V.

    06 h 22, le 13 mars 2025

  • Courage et bonne chance Madame la Ministre.

    Abourahal Roland

    12 h 29, le 12 mars 2025

  • Boone chance et on compte sur vous, comme sur toutes les Femmes , en général et en premier !

    Marie Claude

    08 h 05, le 12 mars 2025

  • Chère Madame, pouvez-vous faire de sorte à réactiver la voie maritime de façon régulière entre Chypre et le Liban assez rapidement voir avant l’été?

    Wow

    22 h 15, le 11 mars 2025

  • Ce serait bien d’embellir l’aéroport de Beyrouth. Ces murs gris c’est tout sauf l’invitation au voyage ...

    Nada Haddad

    14 h 38, le 11 mars 2025

  • Les femmes sont à l’honneur. Ces femmes notre fierté.

    Sissi zayyat

    12 h 13, le 11 mars 2025

  • Bravo Madame. Si tous les ministres qui s’étaient succédés depuis des décennies avaient réalisé ne serait-ce qu’un petit projet constructif pour leur pays au lieu de se consacrer à piller le peu qui se trouvait dans les caisses, le Liban n’aurait pas atteint ce stade de putréfaction avancée. Tout est à refaire et en premier lieu, l’éducation des enfants libanais en leur apprenant la valeur de leur patrie et le patriotisme inconditionnel de leur patrie pour échapper à la tentation de vouloir mourir pour d’autres causes et d’autres pays.

    Sissi zayyat

    12 h 09, le 11 mars 2025

  • Il est rassurant que le Liban officiel confie des responsabilites importantes a des femmes intelligentes, cultivees et competentes.

    Michel Trad

    11 h 57, le 11 mars 2025

  • Très belle interview, bon programme. Bravo et bonne chance Madame La Ministre ?

    El khazen hala

    10 h 54, le 11 mars 2025

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