
Maha Bayrakdar avec ses enfants Youssef et Ward el-Khal. Photo Instagram
Elle était belle, bien sûr. Une beauté grave et légère à la fois, une silhouette qui semblait flotter entre les époques. Maha Bayrakdar el-Khal, poétesse, peintre et scénariste est partie le 22 février 2025, et avec elle s’efface une poésie faite de traits et de pigments, de phrases suspendues et de souvenirs insaisissables.
Née le 26 février 1947 à Damas, elle dessine avant même de savoir écrire, elle écrit avant même de comprendre le monde. Une logique implacable l’emmène aux Beaux-Arts de Damas, dont elle sort diplômée en 1967. L’art, c’est bien, mais la vie est plus imprévisible : elle s’envole pour Munich, étudie l’administration des affaires – une autre forme de peinture, peut-être – et revient avec un diplôme en 1969. Mais ce sont les mots, les images et un regard posé sur elle qui la rattrapent.
Car il y a ce regard. Celui de Youssef el-Khal, poète, critique d’art et homme d’esprit, rencontré dans l’effervescence de la maison d’édition an-Nahar à Beyrouth. Une rencontre, un mariage, des années de complicité et de création. De 1970 à 1975, ils dirigent ensemble la Gallery One, cet espace incandescent où l’art et la vie se mêlent. Ils ont deux enfants, Youssef et Ward, héritiers d’une sensibilité qui semble couler dans leurs veines.
Mais Maha Bayrakdar ne s’est jamais contentée d’être une silhouette dans un décor d’artistes. Elle peint, elle écrit, elle expose, ici et ailleurs. Quinze expositions personnelles, trente-sept collectives du Liban à l’Irak, en passant par les pays du Golfe. Ses toiles ne racontent pas la réalité, elles la réinventent. Des paysages irréels, des mondes que l’on devine sans jamais les saisir, un onirisme qui effleure sans brusquer.

Et puis, il y a les mots. Pour les enfants d’abord, avec des livres illustrés qui gardent intacte la part d’émerveillement. Pour la télévision ensuite, où ses histoires prennent vie sous les traits de ses propres enfants. En 2008, elle écrit Al-Ta'er al-Maksour (L'oiseau brisé), puis Noktet Hobb (Une goutte d’amour) en 2010, et Kharej al-Zaman (Au-delà du temps) en 2013. Toujours ce lien entre elle et les siens, entre ses rêves et ceux des autres.
En 2004, on lui remet la médaille d’argent de l’ordre du Mérite libanais. Une reconnaissance officielle, mais que valent les médailles face aux regards qui s’attardent devant une toile, à la mélodie d’un vers récité à voix basse ? Maha Bayrakdar laisse derrière elle plus qu’une œuvre : une empreinte, une filiation.
Sa fille Ward l’a écrit sur son compte X : « Mère des roses, elle est partie, emportant avec elle le parfum et la couleur, laissant derrière elle la rosée qui sommeillait sur sa joue… Maman, ma bien-aimée princesse endormie, à bientôt… Seigneur, prends son âme en miséricorde… ». Sous un portrait de sa mère tenant un recueil de poèmes, son fils Youssef el-Khal, a dit : « L’amour... Elle est partie. »
Alors oui, elle est partie. Restent les couleurs et les mots, inoubliables.