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Lifestyle - Tendance

Taboue depuis vingt ans, la fourrure serait-elle de retour ?

Au moins deux décennies ont passé depuis le déclin de la fourrure comme trophée statutaire. Comment expliquer sa réapparition sur les podiums de la semaine de la mode de New York ?

Taboue depuis vingt ans, la fourrure serait-elle de retour ?

Un manteau Michael Kors automne-hiver 2026 vu à la semaine de la mode de New York. Photo Michael Kors

Dans la préhistoire, la fourrure avait cette fonction première de protéger et de réchauffer. On tuait la bête, on s’en nourrissait, on récupérait sa peau pour en faire un vêtement, ses os pour en faire des outils, ses tendons des ligaments et ainsi de suite. Rien ne se perdait. La chasse était affaire d’hommes tenaces, endurants et courageux pour qui la capture d’un animal était une question de survie. Dès lors, posséder la fourrure d’un animal dangereux ou puissant vous posait en « alpha », un dominant qui portait son trophée à même sa propre peau, son aura de force augmentée par celle de sa proie. Il faut attendre l’Antiquité pour voir la fourrure se transformer de symbole de puissance en symbole de richesse. De l’Égypte des pharaons à la Rome des empereurs, la panthère, le lynx et l’hermine habillent les élites et les prêtres. Du Moyen Âge à la Renaissance, la fourrure devient progressivement article de luxe, objet d’un commerce intensif entre les pays européens, la Russie et le Canada. L’Amérique du Nord va s’y mettre à son tour, devenant entre le 17e et le 18e siècle un pourvoyeur important de fourrures en tous genres, notamment grâce à la Compagnie de la baie d’Hudson. La fourrure devient alors littéralement une monnaie d’échange. La révolution industrielle, au 19e siècle, achève de mécaniser et de systématiser le massacre des animaux à travers l’institution d’élevages et abattages à la chaîne.

Le hiatus de la Première Guerre mondiale offre un répit à ces beaux animaux dotés par la nature de robes douces et lustrées, visons, castors, lynx, zibelines, loutres, martres, renards ou phoques. Mais la délirante période de l’entre-deux guerres, avec ses nouveaux riches, réclame sa part d’ostentation. Les grands couturiers des années 1920 rivalisent en opulence, et la fourrure s’impose dans les collections haute-couture de l’hiver, entre manteaux de vison, étoles de renard, pelisses, bordures de vestes ou détails de boutons. Le phénomène va s’accentuer jusqu’aux années 1980 où le manteau de vison trône dans les vestiaires statutaires comme un incontournable symbole de réussite et d’appartenance sociale.


Création Bevza automne-hiver 2026 à la semaine de la mode new-yorkaise. Photo DR

« Pauvre maman acrylique ! »

Cependant, dès les années 1970 où la jeunesse s’éveille aux désastres du colonialisme et de l’industrialisation sauvage, prônant le retour à la nature et le respect de la vie, des voix s’élèvent contre cette mode où vanité et cruauté vont de pair. Aux côtés de mouvements écologistes, l’organisation Peta pour la protection des animaux va discrètement monter en puissance. Brigitte Bardot profite de sa grande popularité pour ajouter, à travers sa fondation éponyme, son intransigeance à des campagnes déjà peu amènes. Elle ira jusqu’à se rendre, en 1977, sur la banquise canadienne pour poser avec un bébé phoque, adorable petite boule blanche sans défenses : « Voilà ce que c’est qu’un bébé phoque, et voilà ce qu’on tue par centaines de milliers pour la fourrure », commente-t-elle. Malgré ce matraquage et le développement de fourrures alternatives en matière acrylique (« pauvre maman acrylique ! » ironisera un comique à la même époque), il faudra attendre 1986 pour voir s’opérer le tournant qui va porter à cette mode le coup responsable de sa ringardisation et de son déclin. L’idée est de l’ONG Greenpeace qui diffuse un clip où l’on voit des mannequins très glamour recouverts de luxueux manteaux de fourrure surdimensionnés déambuler sur un podium, sous les acclamations du public et les flashes frénétiques des photographes de mode. L'ovation extatique du public est cependant bientôt interrompue lorsque du sang commence à couler des manteaux de fourrure, éclaboussant le visage de plusieurs spectateurs alors que les mannequins se retournent pour poser. Le film passe ensuite au noir, tandis que le public pousse des cris glaçants. Il se termine par le slogan iconique : « Il faut jusqu'à 40 stupides animaux pour fabriquer un manteau de fourrure. Mais un seul pour le porter. » Cette campagne choc porte la signature du photographe et réalisateur britannique David Bailey.


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La génération Z, éprise de vintage

Il est certain que la mode de la fourrure se fera par la suite de plus en plus discrète, bien qu’un grand nombre de clients et clientes du luxe n’y renoncent pas. On verra ainsi, dans les années 2010, la maison romaine Fendi qui avait développé tout un département autour de la fourrure, traiter celle-ci en petites touches. Au lieu des grands pans d’animaux entiers, on voyait apparaître des bandes, des tressages, des broderies complexes qui suggéraient la préciosité sans l’ostentation, le sacrifice à la beauté plutôt que le massacre. De nouveaux matériaux artificiels dont la ressemblance est de plus en plus bluffante avec la fourrure naturelle, vierges de toute cruauté, raflent la majeure partie de ce marché désormais connoté de barbarie, d’ignorance et de vulgarité.

Parabal Gurung, manteau de cuir doublé fourrure automne-hiver 2026, vu à la semaine de la mode de New York. Photo DR

Le règne de la fourrure sur le marché du luxe est-il vraiment terminé ? Que s’est -il passé pour qu’à la récente semaine de la mode new-yorkaise, comme revigorée par le libéralisme trumpien, la fourrure réapparaisse comme si de rien n’était ? Pas de panique. Dans la foulée des chineuses obsessionnelles de la génération Z, éprises de vintage, les créateurs de mode ont plaidé que les fourrures naturelles de seconde main étaient plus écologiques que les fourrures synthétiques. Peta soutient de son côté que promouvoir toute forme de fourrure, même vintage, peut encourager la demande pour de nouvelles pièces en fourrure véritable. Qu’en penser ?


Dans la préhistoire, la fourrure avait cette fonction première de protéger et de réchauffer. On tuait la bête, on s’en nourrissait, on récupérait sa peau pour en faire un vêtement, ses os pour en faire des outils, ses tendons des ligaments et ainsi de suite. Rien ne se perdait. La chasse était affaire d’hommes tenaces, endurants et courageux pour qui la capture d’un animal était une question de survie. Dès lors, posséder la fourrure d’un animal dangereux ou puissant vous posait en « alpha », un dominant qui portait son trophée à même sa propre peau, son aura de force augmentée par celle de sa proie. Il faut attendre l’Antiquité pour voir la fourrure se transformer de symbole de puissance en symbole de richesse. De l’Égypte des pharaons à la Rome des empereurs, la panthère, le lynx et l’hermine...
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