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Nos Lecteurs ont la Parole

Trop vraie pour être belle

Il faut imaginer un Candide blasé. Un Candide désabusé, dégoûté, horrifié par les atrocités du monde qui se déploient sous ses yeux. Un Candide qui ne s’attendait pas à être le seul candide parmi une foule de traîtres. Voltaire devrait sans doute se réjouir, son œuvre a traversé les temps et les époques. Il subsiste encore l’écho de son désenchantement.

À mesure que le temps passe, je mesure l’ampleur de la cruauté des hommes, l’insignifiance de notre monde de fous, la banalité de nos quêtes. Des réalisations qui ont l’impact de déflagrations, dans une âme où brillait timidement une lueur d’espoir.

Les choses ont beau avoir changé, les hommes n’en demeurent pas moins vils, vénaux, voraces et violents. Le progrès ne lave pas l’homme de son péché, il le rend plus acceptable, socialement acceptable. À croire qu’être civilisé rend le mal toléré.

La vie est trop vraie pour être belle. On ment aux enfants, on a maquillé les vérités, aussi brutales soient-elles, par un faux espoir. À l’affût de repères, on a dû dessiner un monde idéal à l’encre d’un faux espoir, prenant soin de masquer son ombre exécrable. Permettez-moi de remettre les points sur les « i ».

Il ne faut pas beaucoup d’esprit pour porter beaucoup d’argent. Premier mensonge exposé. À l’apogée du matérialisme, la spiritualité s’effondre. La culture du vide est la seule qui prévaut. Privilégiant l’apparence à l’essence, le jeu d’acteur à être l’acteur de sa propre vie, la représentation à la présence, elle a fini par anéantir l’esprit de l’homme. Réussir dans ce monde se résume à en apprendre les codes et à jouer le jeu, se fondre dans la masse, se mouler dans un système dont les failles sont de plus en plus béantes. Réussir dans ce monde, c’est être aux antipodes de ce que l’école nous a appris, parce que visiblement, on nous apprend à vivre dans un monde qui n’existe pas. L’argent est le repère de ceux qui n’ont pas de repères. C’est la seule valeur qui soit, et surtout, la seule qui compte. Érigé en maître absolu de ce monde superficiel, il est devenu l’alibi du mal, son allié.

La violence est le dernier refuge de l’incompétence. Image renversée d’un esprit creux, auquel on a sapé toute discipline et sagesse, elle est pourtant glorifiée dans une société d’hommes faibles. Si l’être humain, un roseau pensant comme le dirait Pascal, s’adonne à des querelles aussi vaines que vénéneuses, c’est parce qu’il a troqué sa pensée pour son animalité. Et on s’étonne de voir les guerres éclater aux quatre coins du monde, rivalisant en cruauté et en barbarie. Et on se demande pourquoi la gestion des conflits penche toujours en faveur de la guerre, plus de trois cents décennies après le code d’Hammourabi « œil pour œil, dent pour dent », bien que remis en cause par la logique et toutes les instances réglementaires contemporaines. Et on se demande pourquoi le peuple de Dieu et le parti de Dieu se tuent, au nom du même Dieu. Voilà un autre mensonge dévoilé. La guerre n’est pas la solution, ni une solution d’ailleurs. Et encore moins une fatalité. Ce fléau existe depuis que l’homme existe. Indépendamment du degré de civilisation qu’atteint la société, la guerre est une constante. Je ne veux que des guerres d’amour et des morts de rire, mais malheureusement, tant que l’homme est, tant que les bains de sang seront.

Il n’y a pas de loi pour les plus grandes injustices du monde. Les tribunaux sont désespérément muets face aux crimes moraux. Et il n’y a pas de remède pour les plus grands maux du monde. La science a beau se vanter de son progrès, elle demeure incapable de guérir les agonies des hommes. Le but de la vie n’est pas d’être heureux, et la vie ne nous doit rien, d’ailleurs. La souffrance est indissociable de l’expérience humaine. On ne nous promet pas le bonheur, mais les roses, avec leurs pétales et leurs épines. Les plus grands criminels ont le cœur aussi exsangue que les gens les plus pieux.

Ainsi, l’homme est capable de merveilles comme des pires folies. Le mal et le bien sont les deux extrêmes d’une même corde. Être de paradoxes et de contradictions, l’homme a pourtant le choix. Le choix de guérir ou de faire souffrir, le choix de se plier à la médiocrité de ce monde ou d’en soigner les travers, le choix de marquer le temps par la plume ou de le maculer de son épée. Il a le choix de cultiver sa pensée ou de sombrer dans le matérialisme, d’imputer ses maux à la fatalité de son destin ou de le réécrire.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes. 

Il faut imaginer un Candide blasé. Un Candide désabusé, dégoûté, horrifié par les atrocités du monde qui se déploient sous ses yeux. Un Candide qui ne s’attendait pas à être le seul candide parmi une foule de traîtres. Voltaire devrait sans doute se réjouir, son œuvre a traversé les temps et les époques. Il subsiste encore l’écho de son désenchantement. À mesure que le...
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