Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole

Le pacte libanais : ignorance, imposture et réalité constitutionnelle

Que signifient pacte et Constitution ? Pas de réponse d’après des palabres en vogue, mais à la lumière du droit constitutionnel et de l’historiographie en perspective internationale et comparative. Des palabres et polémiques sont dues à des légalistes et non des juristes, à la manipulation par des imposteurs et à une culture politique libanaise.

1. Typologie dans l’édification nationale : la conférence de l’Unesco à Cerisy-la-Salle en France, les 7-14/8/1970 L’édification nationale dans diverses régions constitue la contribution fondamentale sur la diversité de l’édification nationale. D’après une tendance dominante dans une mentalité jacobine et d’intellectuels influencés par la culture juridique et l’histoire de nombre d’États, l’édification nationale s’opère par un centre qui s’étend par la force à toute la périphérie, à l’instar notamment de l’unité italienne et de l’unité allemande.

Par contre, la Suisse, les Pays-Bas, l’Irlande du Nord, l’Afrique du Sud, le Liban et d’autres pays, la genèse de leur édification nationale s’est opérée à travers des appellations et processus divers : diète, alliance, covenant, junktim, Friday agreement, pacte… L’expression « consociatio » a été utilisée à l’origine au cours de cette conférence à propos de la construction fondatrice contractuelle (L’édification nationale dans diverses régions, Revue internationale des sciences sociales, Unesco, XXIII, 3, 1971, pp. 365-481, notamment : Hans Daalder, La formation des nations par consociatio : le cas des Pays-Bas et de la Suisse, pp. 384-399).

2. Problème éthique : le respect des pactes est un problème par essence éthique, en partant du sens même de « mîthâq » dans le patrimoine musulman et arabe. « Mîthâq » (pacte), bien plus qu’engagement, signifie « aahd » (obligation morale) et « withâq » (ligament). Edmond Rabbath qualifie les « mîthâq » de « ta’ahudât wataniyya » (engagements nationaux), en vertu de l’adage romain « Pacta sunt servanda » (obligation de respecter les pactes). Philippe Takla, dans une conférence au Cénacle libanais, le 18/1/1954, écrit : « Comment pouvons-nous avoir foi absolue dans cette patrie, alors que nous soulevons au quotidien la polémique, avec un nouvel emballage à propos de ses fondements. » L’affirmation de Georges Naccache, « deux négations ne font pas une nation » (10/3/1949), souvent mal interprétée, n’est pas une critique du pacte, mais une critique de sa négation. Pierre Sadek légende ainsi une caricature : « Quel est ce pays avec une histoire millénaire et qui demeure dans une phase de fondation » (7/4/2010).

Il ne faut pas cependant s’étonner des palabres permanents sur le pacte national libanais, car aucun manuel scolaire d’histoire, par ignorance de la part de nombre d’historiens, ne comporte un chapitre consacré au pacte national de 1943.

3. Contenu du pacte libanais : il n‎’y a pas un événement dans l’histoire du Liban où la documentation est aussi abondante et parfaitement concordante à propos du contenu du pacte libanais de 1943. Il s’agit de trois principes constants, et trois seulement, sans polémique sur des « husas » (parts) et « ahjâm » (volumes), principes qui se dégagent de l’ensemble des documents historiques depuis la Déclaration de Kazem el- Solh en 1936 jusqu’au pacte de Taëf du 22/10/1989 :

a. Vie commune islamo-chrétienne en interaction, et donc sans partition éventuelle ni ségrégation.

b. Garantie à toutes les communautés en ce qui concerne les libertés religieuses et culturelles et la participation dans la vie publique.

c. Arabité indépendante, souveraine et neutralité dans le cadre de la Ligue arabe.

Il y a donc deux perspectives de changement : celui dans l’esprit du pacte que confirme la Constitution amendée en 1990, et le changement qui opère une ségrégation géographique et communautaire ou une domination sectaire, suivant une doctrine de l’auteur israélien Sammy Smooha de « dominant majority » ou « minority control ».

4. La Constitution, référence exécutoire : des palabres répétitifs sur le pacte de 1943 et celui de Taëf témoignent de l’ignorance de la nature des pactes dans la théorie constitutionnelle et l’historiographie comparée.

***

Nous souffrons d’un manque d’acculturation de l’État dans la recherche et l’enseignement à propos de la diversité du « nation building ». Le jeune avocat Émile Boutros Geagea a obtenu en 1994 le premier prix Riad el-Solh pour sa recherche : « Comment j’ai nié le pacte, puis j’y suis revenu. »

L’exigence d’acculturation de l’État au Liban est indiquée dans le « Cadre national général de l’enseignement préuniversitaire » proclamé au Grand Sérail gouvernemental le 20/12/2022. Nous momifions ce qui est changeable et nous débattons en permanence sur ce qui revêt le plus haut niveau de constance. Au début des années 1975-1990, face au dénigrement du pacte « mort et enterré », Rachid Karamé déclare avec son vocabulaire particulier : « Naamal limâ yughnîhî wala yulghîhi » (Œuvrons pour l’enrichir et non l’annuler).

Membre du Conseil constitutionnel, 2009-2019

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Que signifient pacte et Constitution ? Pas de réponse d’après des palabres en vogue, mais à la lumière du droit constitutionnel et de l’historiographie en perspective internationale et comparative. Des palabres et polémiques sont dues à des légalistes et non des juristes, à la manipulation par des imposteurs et à une culture politique libanaise.1. Typologie dans l’édification...
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut