
Collection Zuhair Murad, haute couture printemps-été 2025, présentée à l'hôtel Pozzo di Borgho, à Saint-Germain-des-Prés. Julien de Rosa/AFP
Zuhair Murad fait partie de ces rêveurs, créateurs de mondes à eux, qui contribuent à faire pétiller le monde des autres. En retour, cet infatigable arbitre des élégances, chouchou des tapis rouges cannois et hollywoodien ainsi que des cérémonies du monde arabe, est régulièrement gratifié d’honneurs et d’hommages. Pas plus loin que le 19 janvier, il recevait à Riyad, lors de la quatrième cérémonie des Joy Awards – un événement voulu à la fois Grammys, Emmys et Oscars par l’Autorité saoudienne du divertissement –, le prestigieux trophée d’honneur en reconnaissance de sa contribution exceptionnelle et de son influence durable sur l'industrie de la mode.
Rêveur et créateur de mondes, on le voit à chaque veille de collection se projeter dans des univers différents et pourtant quelque part semblables, imaginant un groupe de jeunes femmes vivant leurs meilleures vacances sur un mode à la croisée du conte de fées et de l’éveil à l’amour. Elles seraient tantôt des héritières s’apprêtant pour un bal dans le cadre d’un vieux château, tantôt des naïades batifolant sur une plage inondée de soleil et d’embruns, tantôt curieuses de ce que leur réserve le futur et en guise de miroir-mon-beau-miroir, se faisant lire des tarots toujours bienveillants. Pour sa collection haute couture printemps-été 2025 présentée le 29 janvier au très parisien hôtel Pozzo di Borgo, à Saint-Germain-des-Prés, Zuhair Murad file une fois de plus un de ses songes sur fond de décor virginal.

Elles sont fleurs, elles sont fruits, elles sont lianes et palmes
Ce serait une île du bout du monde, une île à soi, au-delà des jungles urbaines et des terres apprivoisées. Ce serait une robe qui ferait surgir des horizons infinis, des paysages inconnus et, pour les célébrer, des fêtes sauvages que seule la nature arbitre. Un tamtam émouvant accompagne un coucher de soleil tropical, et la beauté de ce paysage irréel s’exalte avec l’apparition d’une femme, puis d’une autre et d’autres encore. En fusion avec cet univers intact, originel, elles sont fleurs, elles sont fruits, elles sont lianes et palmes.
Tels des corolles inversées, leurs corsets s’allongent pour soutenir des pétales en éclosion, ronds et délicats, encore torsadés, chiffonnés par un doux sommeil de cocon et dont le drapé s’épanouit au rythme de la danse.
Des nœuds candides viennent se poser, presque au hasard, sur les silhouettes et les cheveux, papillons-couture qui parlent de légèreté, de fraîcheur, d’enfance pas si lointaine, d’une envie de vivre le meilleur de la vie en lui offrant le meilleur d’un sourire.
Ce serait la vie sauvage revisitée à travers une vision de l’élégance propre à Zuhair Murad, avec son art délicat des transparences lumineuses, des cristaux brodés et des dialogues amoureux entre peau et soie. Magie d’un savoir-faire qui donne corps au rêve et trace dans le rêve la courbe d’un corps ! Les modèles semblent parfois taillés dans un cristal brut. Ils scintillent comme l’eau ou la braise. D’opulents bouquets de fleurs minérales débordent du corset d’une robe de cady noir et rejaillissent sur le haut du jupon. D’autres floraisons comme déversées d’une corne d’abondance forment en broderie tatouage la trame d’une robe courte à traîne de tulle de soie noir piqueté d’autant de gemmes florales. Le même motif revient dans un ensemble vahiné, bustier et jupe étroite, assorti d’un châle rouleau en soie noire. Partout les couleurs explosent, juteuses, voluptueuses, évocatrices d’une vie en abondance.
Une palette recueillie à même la flore
D’une obsédante sensualité, l’hibiscus offre ses friselis, ses incarnats, ses ondulations, fleur méditerranéenne accrochée à l’oreille de Beyrouth, – la ville tant aimée du couturier – comme une promesse éternelle de réconfort et de joie. L’oiseau de paradis, fleur animale ou animal fleur, déploie son éventail d’illusion qui parfait l’image de cet univers onirique.

Du crêpe cady au chiffon, de la charmeuse au radzmir, du mikado au taffetas, au tulle brodé signature, les textures les plus précieuses captent et restituent les nuances d’une palette recueillie à même la flore tropicale dont les reflets claquent sur fond de ciel et d’eau : lumière dorée d’un jaune solaire, orange fondant d’un crépuscule tranquille, beige crémeux d’un animal furtif surgi d’un buisson, rose sauvage, cayenne flamboyant, bleu argent d’un nuage d’été, bleu profond d’un océan sans vagues, vert gazon, vert émeraude d’une végétation foisonnante qui s’écarte au passage de la grâce.
On trouvera un petit air 60’s à cette collection qui amène aussi, à côté de ses jupes tulipe et de ses nœuds ingénus, des réminiscences fugaces de l’âge d’or hollywoodien. On songerait aussi à la générosité d’une Joséphine Baker vêtue de fruits solaires ou à la liberté d’une Brigitte Bardot en sa Madrague, ou la rébellion d’une princesse Margaret évadée en son île Moustique.
Ce serait une île lointaine, et dans cette île, par la chance d’un alignement d’astres, le recommencement du monde et l’apparition d’une Ève idéale, belle comme à son premier matin.
Depuis le lancement de son label à Beyrouth, en 1997, et son accueil, en 2012, par la Chambre syndicale parisienne de la haute couture, en tant que membre invité, Zuhair Murad devient rapidement un pilier des tapis rouges et l’un des créateurs les plus influents de l’industrie de la mode. Il est réputé pour son utilisation de tissus d’exception et de broderies complexes, avec un sens particulier de l’opulence, du glamour et de la sophistication qui lui vaut la fidélité inconditionnelle de nombreuses célébrités du cinéma et de la pop.
Superbe. On est fiers !
18 h 34, le 06 février 2025